Graun:
Montezuma
Alexandra
Papadjiakou (Montezuma); Sophie Boulin (Eupaforice); Gudrun Sieber
(Erissena); Catherine Gayer (Tezeuco); Barbara Vogel (Pilpatoè);
Walton Grönroos (Ferdinando Cortes)
Orchestra
of the Deutsch Oper Berlin
Hans
Hilsdorf, direction
Herbert
Wernicke, mise en scène et direction artistique
Arthaus
101 629 (DVD)
Cette
production d’un opéra de Carl Heinrich Graun est une découverte à
deux niveaux : d’abord l’œuvre elle-même. Les opéras de
Graun sont raremement enregistrés, encore moins montés pour la
scène. Puis, parce qu’il s’agit d’une captation réalisée en
1982! Les ensembles baroques ne pullulaient pas à l’époque, et la
recherche d’authenticité musicale ne faisait pas encore
l’unanimité. Si bien que l’on se retrouve avec une musique
composée au milieu du 18e
siècle et jouée par un orchestre résolument ancré dans le 20e.
Ceci dit, le résultat demeure très attrayant et les tempi sont
suffisamment dynamiques pour que l’expérience soit quand même
satisfaisante à nos oreilles contemporaines.
Montezuma
a été donné pour la première fois en 1755, sur une musique de
Graun, bien entendu, mais aussi sur un livret de….. Frédéric le
Grand!
L’histoire
de Montezuma,
cet empereur aztèque réputé bienveillant qui pensait avant tout au
bien de son peuple, avait de quoi attirer Frédéric. On y raconte
l’histoire de Montezuma, qui tout en préparant son mariage à
Eupaforice, voit arriver sur ses côtes les Espagnols, menés par le
cruel Cortes. Celui-ci va bien sûr trahir la confiance un peu naïve
que Montezuma avait placée en lui, entraînant ainsi la chute de son
royaume et, ironiquement, le massacre de son peuple. Triste fin pour
un monarque si bien intentionné.
La mise
en scène transpose l’action dans un contexte résolument européen.
Pas de costumes à plumes, ni de fausse jungle. Les Aztèques ont des
perruques poudrées et des costumes de cour du 18e
siècle. Ce choix se justifie en ce sens que le livret cherchait
manifestement à rapprocher l’Empereur germanique, par sa
« bienveillance » et sa « bonté », au grand
monarque aztèque. Le conflit contre Cortes et ses hordes assoiffées
d’or et de sang, ne pouvait qu’être rapproché du conflit de la
Guerre de Sept ans, qui devait s’amorcer une année plus tard en
1756, opposant la Prusse et l’Autriche. Ce que Frédéric ignorait
au moment de rédiger le livret, les producteurs de 1982 le savaient,
eux! Ils ont ainsi offert au texte de Frédéric une dimension
prémonitoire peut-être un peu exagérée, mais historiquement
signifiante.
La prise
de vue date un peu. Nos standards visuels actuels sont infiniment
plus pointus. Mais puisqu’il s’agit de la seule version filmée
dont nous disposions, la bonne qualité du nettoyage numérique fera
l’affaire en attendant autre chose.
Heureusement,
la qualité des décors et des costumes est indéniable, ainsi que la
mise en scène, qui se permet quelques moments fort touchants et même
poignants. Les solistes sont crédibles et possèdent de très beaux
instruments vocaux.
Frédéric
Cardin
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