C'est toujours un défi d'enregistrer la musique de chambre de Francis Poulenc. À mon avis, il s'agit d'une musique qui cherche une certaine superficialité volontaire, tout en gardant le haut niveau technique des exécutants. Le résultat devrait donner des versions très accomplies, mais sans le paraître vraiment Avec une petite dose de nonchalance, servant à alléger le discours musical, sans jamais perdre de vue cette recherche de perfection classique que le compositeur aimait plus que toute autre chose.
C'est le cas des versions qui nous occupent dans ce magnifique double CD, de la maison d'édition britannique Champs Hills. Le London Conchord Ensemble est à la hauteur de la tâche, des grands musiciens et des grands interprètes, de cette musique noble, qui n'est pas toujours facile à traduire.
Sonate pour violoncelle et piano (1940/1948): oeuvre des années de guerre, elle a été reprise à la demande du violoncelliste Pierre Fournier. Voilà un exemple de cette simplicité volontaire recherchée par le compositeur. Elle est en quatre mouvements dont le deuxième est une très belle cavatine.
Sonate pour violon et piano (1943): elle fut créé par Ginette Neveu et elle est dédiée à la mémoire du poète espagnol Federico Garcia Lorca. «Le monstre est au point. Je vais commencer la réalisation. Ce n'est pas mal, je crois, et en tout cas fort différent de la sempiternelle ligne de violon-mélodie des sonates françaises du XIX siècle». F.Poulenc.
Sonate pour flûte et piano (1957): un chef d'oeuvre, Voici ce qu'en disaient les critiques de l'époques: « Du meilleur Poulenc, et même un peu mieux» et aussi: «La musique lui jaillit du coeur, sans état civil, sans âge ni parenté».
Sonate pour hautbois et piano (1962): elle fut écrite à la mémoire de Serge Prokofieff, et créée après la mort du compositeur. Poulenc sentait une affection naturelle pour le timbre et les couleurs des instruments à vent, en particulier pour la famille des bois.
Sonate pour clarinette et piano (1962): avec celle d'hautbois elle constitue le testament musical de Poulenc. Elle est dédiée à un autre grand ami de sa vie, Arthur Honegger, et elle a été créée par le clarinettiste américain Benny Goodman. La maîtrise de Poulenc est absolue; liberté dans la forme, clarté dans les mélodies, bref une originalité qui lui assure une place de choix dans la meilleure musique française de chambre.
Sextuor pour piano, flûte, hautbois, clarinette, basson et cor (1932/1939): tout le style gai de Poulenc se trouve dans cette oeuvre, où les instruments à vent prennent leur place d'une manière très expressive.
Un joueur de flûte berce les ruines (1942): oeuvre d'une grande intensité peut-être une idée pour un projet plus vaste.
Villanelle pour piccolo et piano (1934): oeuvre de circonstance, mais toujours dans le style du compositeur.
Sonate pour cor,trompette et trombone (1922): c'est une oeuvre qui date de l`époque où Poulenc étudiait le contrepoint avec Charles Koechlin. Elle précède d'une année la composition des Biches, et on y aperçoit une certaine parenté des thèmes.
Sarabande pour guitare (1960): petite pièce de circonstance.
Sonate pour deux clarinettes (1918): oeuvre de jeunesse, Poulenc la trouvait « assez balbutiantes» mais elle reçu de bonne critiques de Bartok et Stravinski qui décidèrent le compositeur de la laisser dans son catalogue. Cocteau l'aimait beaucoup: «Cette sonate sort du silence et y rentre comme un coucou de pendule».
Sonate pour clarinette et basson (1922): acide et tendre, elle est très bien écrite, mais demeure quand-même une oeuvre d'exploration et d'apprentissage.
Élégie pour cor et piano (1957): dédiée à la mémoire du corniste anglais Denis Brain cette pièce est d'un seul volet et elle évoque les circonstances tragiques de la mort de l'artiste, un accident d'automobile lors du Festival d'Édimbourg.
Trio pour piano, hautbois et basson (1926): dédié à Manuel de Falla, c'est peut-être une des plus belle pièces de Poulenc, et sa première oeuvre importante de musique de chambre: «Pour ceux qui me croient insouciant de la forme, je n'hésiterai pas à dévoiler ici mes secrets: le premier mouvement suit le plan d'un allegro de Haydn, et le Rondo final, la coupe du scherzo du deuxième concerto pour piano et orchestre de Saint-Saens».F.Poulenc.
Et pour finir voici une citation de Darius Milhaud après sa première rencontre avec Poulenc, en reprenant une phrase de Vincent d'Indy « La musique française deviendra ce que le prochain musicien de génie voudra qu'elle soit.»
Champs Hill: CHRCD028.
Philippe Adelfang.