Erwin
Schulhoff (1894-1942)
Partita
pour piano (WV 63) :
1-Tempo
di Fox
2-Jazz-like
3-Tango-Rag
4-Tempo
di Fox à la Hawaii
5-Boston
6-Tempo
di Rag
7-Tango
8-Shimmy-Jazz
Susi
– Fox-Song (WV 124)
Suite
no. 3 pour la main gauche (WV 80)
1-Preludio
2-Air
3-Zingara
4-Improvisazione
5-Finale
Variations
et fugue sur un thème original dorien (WV 27)
Caroline
Weichert, piano
Label :
Grand Piano GP 604
Durée: 59 min.51
Durée: 59 min.51
Année
d’enregistrement: 2010
Distribué
au Canada par Naxos
Derrière
ce disque si agréable à écouter se cache la tragédie d’un
immense talent prématurément anéanti par le racisme le plus
abject. Né à Prague, Erwin Schulhoff croupissait durant la dernière
année de sa vie dans un camp de concentration nazi; sa mort est
survenue à seulement 48 ans. Peut-on imaginer quelques instants les
souffrances physiques et morales de ce compositeur qui a pourtant
goûté très tôt la reconnaissance artistique non seulement de ses
compatriotes tchèques mais aussi de ses pairs allemands et
autrichiens ?
Dès
l’âge de sept ans (1901), le célèbre compositeur tchèque
Antonin Dvorak recommande l’enfant pianiste prodige au
Conservatoire de musique de Prague. Son talent phénoménal le
conduit plus tard vers les prestigieux professeurs du temps avec qui
il étudiera à Vienne, Leipzig Cologne et Berlin et où il
remportera de non moins prestigieux prix d’interprétation et de
composition.
Ce
qui caractérise l’intérêt que l’on doit porter à Schulhoff
vient autant de son évolution l’amenant à s’adapter aux styles
les plus divers qu’à sa façon de parodier les conventions
superficielles encore tenaces. On se délectera d’aller à la
découverte de son oeuvre qui comporte soit la forme baroque du
concerto baroque telle que dans sonConcerto
pour flûte, piano et orchestre,
des oeuvres de jeunesse post-romantiques ou sous l’influence
impressionniste de Debussy avec qui il a étudié en 1913, des
oeuvres du courant dadaïste telle la Sonata
erotica pour
voix de femme évoquant l’orgasme ou la provocante Symphonia
Germanica,
de la musique pour le théâtre dont celle pour une adaptation
du Bourgeois
gentilhomme de
Molière, l’expressionnisme atonal de la Seconde école de Vienne,
ou encore les vastes symphonies à programme comme laSymphonie
de la Liberté dédiée
à l’Armée rouge. Sans compter qu’il fut le premier interprète
dans son pays à promouvoir la musique en quarts de ton.
Mais
sûrement le jazz et autres musiques de danse qui ont fait les
délices des Années folles (fox-trot, tango, shimmy, stomp,
charleston, etc.) ont pris une importance significative. En tant que
pianiste de jazz, il donna de nombreux concerts pour la radio tchèque
pour subsister suite à l’anathème du régime hitlérien
(« musique dégénérée ») et dut emprunter un
pseudonyme pour échapper à la traque nazie. Malheureusement, il fut
arrêté en 1941 pour finalement périr de malnutrition et de maladie
dans un camp de concentration en Bavière.
Pour
revenir au disque dont il est question ici, il représente donc un
hommage de grande valeur. D’abord parce que la prise de son offre
un équilibre parfait dans tous les registres avec une acoustique qui
laisse le son respirer de la manière la plus confortable pour nos
oreilles. Ensuite, l’interprétation est impeccable sur le plan
technique: le son est clair, la rythmique précise, les nuances
souples et sans exagération intempestive. Tout semble si facile:
légèreté des fox-trots, doux éclairages de sonorités
debussystes, admirable contrôle de la pédale dans les pièces pour
la main gauche.
Quant
au programme, il est reflet d’une volonté d’offrir dans un
premier temps un aperçu de la grande accessibilité de sa musique.
C’est pourquoi il est largement dominé par l’inspiration des
harmonies jazz et modales, par des suites de pièces courtes (dans
les quinze variations WV 27, une dizaine durent moins d’une minute,
et la durée moyenne de toutes les plages est d’environ deux
minutes), par un ensemble de pièces de caractères variés. J’ai
donc hâte d’écouter le prochain volume de la série autant
d’ailleurs que les autres titres de ce label (Raff, Frommel,
Weinberg, Saint-Saëns) compte tenu du soin exemplaire qu’il
accorde à la qualité des enregistrements et du choix de
compositeurs pour la plupart encore fort méconnus du public.
Guy
Sauvé
Avril
2012
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