«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 9 août 2011

L'Orfeo de Claudio Monteverdi, Teatro alla Scala chez Opus Arte


Orfeo: Georg Nigl
Euridice: Roberta Invernizzi
Messaggera: Sara Mingardo
Speranza: Sara Mingardo
Caronte: Luigi De Donato
Proserpina: Raffaella Milanesi
Plutone: Giovanni Battista Parodi
Eco: Roberta Invernezzi
Apollo: Furio Zanasi
Solo Dancer: Nicola Strada
Orchestre du Teatro alla Scala
Basso continuo: Concerto Italiano
Chef: Rinaldo Alessandrini
Régie: Robert Wilson
Enregistré au Teatro alla Scala
le 21 et 23 décembre 2009

Opus Arte: OA1044D Dvd
OABD7080D Blu-ray

La vision artistique de Robert Wilson ne plait pas à tout le monde. La critique envers cette production datant de 2009 a été par moments lapidaire (chez Télérama en particulier). À la décharge des sceptiques, je reconnaitrai que les incongruités de M. Wilson ne peuvent s’appliquer à tous les contextes opératiques. Mais, cette fois, à la décharge du célèbre metteur en scène américain, je dirai que les livrets traitant de dieux anciens et de géométrie émotionnelle antique ne peuvent faire de meilleurs véhicules pour le type de minimalisme conceptuel inhérent à la démarche wilsonienne.

Dans le contexte de cette production de l
’Orfeo de Monteverdi, est-ce que ça fonctionne? À plusieurs égards, oui. La mise en scène de Wilson épure le visuel autant dans ses formes que dans ses couleurs. Des teintes de gris, bleu pâle et vert pâle constituent la presque totalité de la palette lumineuse des costumes, alors que les décors présentent des arbres aseptisés comme des collages de Matisse, sans la flamboyance. Le résultat est surprenant. Là où certains ne voient que froideur et intellectualisme pasteurisé, moi je vois la marque d’un traitement au deuxième degré de la trame dramatique.

Monteverdi n’a jamais voulu faire une fresque pastorale et réaliste. Il s’est plutôt appliqué à investir le champ psychologique de ses personnages et souligner par le fait même le pouvoir de la musique. La mise en scène de Wilson met l’accent sur une sorte de quasi-abstraction de l’espace visuel pour mieux mettre en lumières la puissance des mélodies et du texte.

La direction de Rinaldo Alessandrini est à cet égard impériale pour la réussite finale, ou non, du projet. Je ne pourrai être catégorique en ce qui a trait à cet aspect de la production. Bien que la science de M. Alessandrini soit indéniable et irréprochable, et bien que l’ensemble de sa participation soit absolument bien ciselée, il me semble qu’il a déjà été plus mordant, plus alerte dans sa direction.

Les solistes sont magnifiques, en particulier Nigl, alerte dans le rôle d’Orfeo.

Au final, j’ai trouvé cette construction visuelle et musicale cohérente et bien assise sur une conception claire et définie de l’oeuvre. Associer l’anti-flamboyance de la mise en scène à la froideur du résultat me semble exagéré, puisque c’est justement au cœur du sujet, la musique, que Wilson tente de nous ramener. C’est alors que la direction musicale aurait dû prendre le relais de façon plus affirmée, alors qu’en fait, Alessandrini s’est contenté de rester dans la fosse plutôt que de littéralement « monter sur scène » et diriger l’action psychologique.

Les gens allergiques aux mises en scène modernistes n’auront rien pour se réjouir, voilà qui est certain. Mais le curieux intéressé par la créativité désarmante d’un grand visionnaire, devrait y jeter un coup d’œil attentif, tandis que son oreille sera certainement charmée par la musique de Monteverdi, quand même fort bien jouée malgré sa retenue émotive.

Frédéric Cardin

Monteverdi: L'Orfeo

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