Ferruccio Busoni, oeuvres orchestrales
John Bradbury, clarinette
Neslon Goerner, piano
BBC Philharmonic, Neeme Järvi direction.
2 CD avec des enregistrements faits en 2002 et 2005 dans la série 2 x 1 de Chandos.
Avec le recul du temps, certains compositeurs finissent par se placer. Le cas de Ferruccio Busoni (1866-1924) est un paradigme. Le compositeur a souvent pris des détours esthétiques tout au long de sa carrière. À l'écoute de ses oeuvres on dirait que plus d'une main a travaillé les partitions, tant la diversité de styles est exposée dans son écriture.
La Suite Orchestrale n°2 op.34A qui ouvre ce CD, représente le style d'écriture en vogue vers la fin du XIX siècle.Composée en 1895 mais révisée en 1902-03 elle se trouve sur la même voie que les poèmes symphoniques de Richard Strauss, ou les premières symphonies de Gustav Mahler. L'orchestration est brillante et la musique agréable à écouter, d'ailleurs, on ne comprends pas très bien pourquoi le compositeur l'a relégué au fond du tiroir.
Avec la Berceuse élégiaque op.42 composée en 1909, Busoni se rapproche d'une esthétique plus expressionniste. C'est une oeuvre inspirante, magistralement écrite qui s'inscrit déjà dans un langage propre au XX siècle, celui de l’expressionnisme allemand.
Avec le Concertino pour clarinette et orchestre op.48 écrit en 1918 Busoni prend un chemin plutôt néo-classique en se rapprochant de la deuxième esthétique que Strauss a adopté avec son opéra Ariadne auf Naxos. Le soliste dans cet enregistrement John Bradbury est tout simplement brillant. Offrant un son chaleureux et une technique époustouflante il contribue à faire de celle-ci une version anthologique.
Avec la Sarabande et Cortège tirés de son opéra Doktor Faust de 1918, le langage est à nouveau plus prêt de la Berceuse élégiaque, plus hermétique et proche d'un univers expressionniste.
Avec Tanzwalzer Busoni rend hommage non seulement à Johann Strauss mais aussi à toute une époque qui arrivait à sa fin.L'oeuvre est légère et brillamment orchestrée. Disons plus un jeu qu'un défi de discours.
L'Ouverture de comédie op.38 fut composé en une seule nuit en 1897, et présente un style plutôt classique avec des ingéniosités harmoniques très intéressantes. Disons un Mozart aux portes du XX siècle. Ceci prouve que l'évolution de Busoni n'était pas trop linéaire. Son esthétique changa souvent selon le thème de composition et d'inspiration.
Avec la Fantaisie Indienne op.44 de 1913-14 Busoni nous présente ses impressions de l'univers du “Far west” américain, un peu à l'européenne. Il s'agit d'un espèce de concerto pour piano et orchestre qui fut joué pour la première fois en mars de 1914 avec la Philharmonique de Berlin et le compositeur comme soliste. Notre deuxième soliste Nelson Goerner est absolument magistral, tant dans l'aspect technique comme artistique, rendant les lettres de noblesse à une oeuvre qui devrait être plus souvent jouée, surtout quand les orchestres sont à la recherche d'un répertoire moins connu.
Le chant de la danse des esprits op.47 de 1915 s'inscrit dans la série des élégies orchestrales comme la Berceuse précédente. Oeuvre grave et triste, avec également un thème tiré du folklore amérindien.
Cette belle ré-édition dans une mouture pratique de 2 CD pour le prix d'un se termine avec la suite de l'opéra Die Brautwahl (Le Choix de la fiancée) écrite en 1912. La suite fut créée en 1913 également par la Philharmonique de Berlin, et nous montre une série de tableaux qui représentent des épisodes différents de cet opéra.
Cet enregistrement nous permet de connaître des oeuvres d'un compositeur qui n'est presque jamais joué aux concerts, mais qui, à son époque, jouissait d'une réputation et d’un respect énorme. La preuve de ceci ce sont les orchestres de premier rang qui ont souvent assuré la création mondiale de ses oeuvres.
L'Orchestre de la BBC, dirigé brillamment par Neeme Järvi, nous livre des versions remarquables, qui sont déjà une référence dans la discographie pas trop volumineuse de ce compositeur. Un juste hommage à un talent différent et unique dans l'histoire de la musique.
Philippe Adelfang, juin 2017.
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