Gary Hammond, piano
Don Vappie, banjo, Tatiana Roitman, piano
Peter Mintun, piano
Michael Gurt, piano, Créole Serenaders
Hot Springs Music Festival Symphony Orchestra
Richard Rosenberg, direction
Le début du 20e siècle aux États-Unis fut propice aux explorations musicales combinant les couleurs particulières du jazz naissant ainsi que de la musique savante européenne. Bien qu’apparaissant plutôt naïves à nos oreilles actuelles, toutes les oeuvres en présence sur ce très sympathique disque sont empreintes d’un charme indéniable et franchement réjouissant.
La première pièce du disque est Yamekraw, A Negro Rhapsody, de James P. Johnson (1894-1955). Fortement tributaire de la Rhapsody in Blue de Gershwin (dont Johnson était un ami), elle fait appel sensiblement aux mêmes effectifs, le piano y jouant le rôle de guide amical nous invitant à parcourir avec lui l’univers musical enjoué et résolument optimiste de la jeunesse jazzistique de l’époque, vêtue de ses plus beaux habits de soirée. On a envie de découvrir d’autres pièces jazz-symphoniques du compositeur, telles que sa Harlem Symphony, sa Symphony in Brown et son Concerto Jazz A-mine. Parions que Naxos pourrait déjà être sur le coup!
Une Suite pour Banjo et Orchestre de Harry Reser (1896-1965) suit immédiatement. Les couleurs utilisées ici renvoient plutôt au folklore américain de type bluegrass (inévitabilité de l’instrument soliste!), mais avec des harmonies plus chromatiques, en particulier dans le premier mouvement, un morceau allant et énergique. Le deuxième mouvement dégage un je-ne-sais-quoi de pastoral bon-enfant, le banjo jouant une mélodie légère et guillerette sur fond d’accompagnement bienveillant des cordes, ce qui donne à l’ensemble un air de promenade dans un pré fleuri. Le troisième mouvement est une sorte de rondo allègre qui conclut avec beaucoup de brillance ce « concerto » de 11 minutes qui ne dit pas son nom. Le soliste Don Vappie convainc par son jeu techniquement impeccable, et une musicalité qui fait honneur à cet instrument trop souvent snobé par l’élite artistique. Il fait la preuve que le banjo est assurément un instrument bourré de ressources expressives!
Deux œuvres de la compositrice Dana Suesse (1909-1987) sont également au programme. D’abord, Jazz Nocturne, pour piano et orchestre, une courte pièce de quelques 4 minutes, résolument accessible et combinant agréablement une mélodie teintée de jazz au piano, et un accompagnement orchestral également somptueux qui aurait eu sa place dans un bal mondain et bourgeois du Nouvel An. Dans un autre ordre d’idée, le Concerto in Three Rhythms est une composition en trois mouvements, un pour chaque « rythme », et correspondant en fait à une structure de musique populaire en vogue à l’époque, soit le Fox-Trot (1er mouvement), le Blues (2e mouvement) et le Rag (3e mouvement). L’inspiration première, encore une fois, est manifestement la Rhapsody in Blue, mais on sent également un sens du coloris (dans le Fox-Trot) et un certain chromatisme harmonique (dans le Blues) qui démontre une familiarité de la compositrice avec l’écriture de Duke Ellington.
Au milieu de ce répertoire nous trouvons, à juste titre, la Rhapsody in Blue, la vraie, dans une version non-abrégée du manuscrit original pour jazz band et orchestre.
Les solistes ainsi que l’orchestre dirigés brillamment par Richard Rosenberg offrent des performances radieuses d’un répertoire trop méconnu. Un disque indispensable pour bien nourrir notre «joie-de-vivre» interne.
Naxos:8559647
Frédéric Cardin
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