«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

dimanche 1 avril 2012

Wilhelm-Friedemann Bach : Cantatas, chez Capriccio.


Barbara Schlick, soprano
Claudia Schubert, alto
Wilfred Jochens, ténor
Stephan Schreckenberger, basse
Rheinische Kantorei
Das Klein Konzert
Hermann Max, direction
Capriccio: C5083

C’est un généreux programme de quatre cantates réparties sur deux disques qui nous est proposé ici par Capriccio. Il faut noter qu’il s’agit d’une réédition. La production originale est parue au début des années 90. Heureusement, l’enregistrement n’a pas pris une seule ride!

Le fils ainé du grand JSB ne manquait pas de talent. Seulement d’amabilité dans ses rapports humains! On l’a souvent dépeint comme insubordonné (ce qui peut attirer la sympathie quand on connaît le caractère capricieux de certains princes de l’époque!), mais on sait aussi qu’il faisait preuve d’intransigeance dans son refus de prendre des élèves, ce qui l’amena à vivre des dernières années plutôt difficiles.

Mais peu importe les à-côtés finalement bien triviaux, la musique de WF Bach témoigne d’un talent et d’un savoir impeccable qui devait certainement faire la fierté du père. On sent chez ce Bach des racines polyphoniques rigoureuses (évidemment!), mais aussi une connaissance et un début d’assimilation du nouveau style galant naissant.

Les deux cantates du premier disque ont été composées pour l’Avent (Lasset uns ablegen die werke der Finsternis) et pour la Saint-Jean-Baptiste (Es ist eine Stimme eines Predigers in der Wüste).

La première, qui se traduit grossièrement par « Rejetons les œuvres des Ténèbres », comprend quelques passages particulièrement beaux, comme un chœur d’ouverture marquant avec ses trompettes scintillantes ainsi que deux arias sensibles et touchants. La structure générale de l’œuvre (comme celle de toutes les autres sur cet enregistrement) est résolument calquée sur le modèle du père.

La deuxième, « La voix de celui qui criait dans le désert », s’amorce elle aussi avec un chœur étincelant, supporté par une trompette vigoureuse. L’aria de la soprano bénéficie d’un accompagnement d’orgue qui dut paraître surprenant pour les oreilles les plus conservatrices de l’époque : les lignes d’arabesques de l’instrument sont plus osées que chez papa. Le style galant est clairement en train de pointer son nez ici!

Le deuxième disque comprend deux autres cantates, soit Dies ist der Tag (C’est le jour!) et Erzittert und fallet (Tremblez et tombez), la première donnée le dimanche de la Pentecôte et l’autre lors du dimanche de Pâques.

Dies ist der Tag débute sur une sinfonia empreinte de légèreté. Les deux arias sont réservés cette fois aux voix masculines, un au ténor et l’autre à la basse. Malgré le caractère symbolique positif de la fête de la Pentecôte, cette cantate de WF est réservée et ne fait pas montre d’une virtuosité éclatante ni d’une orchestration spectaculaire. Sa facture économe fait agréablement contraste avec les autres.

Erzittert und fallet reprend là où le premier disque se terminait, soit avec une orchestration brillante, des chœurs agiles et imposants, des arias impressionnants, même dans leur douceur. Le premier, celui du ténor, est un dialogue pastoral entre le soliste et deux flûtes légères et un brin gaillardes. Le deuxième est un duo entre la soprano et le baryton où le hautbois sert d’entremetteur habile. Les lignes ondoyantes des trois voix (deux chantées et une instrumentale) sont tout à fait superbes. Le dernier aria est une pièce plus fougueuse pour la soprano, qui répète « Rugissez, flots et éclairs tonitruants! » avec beaucoup d’aplomb.

Les voix sont très belles, et de niveau supérieur. Barbara Schlick se révèle ici l’artiste accomplie qu’elle deviendra plus tard (n’oublions pas que cet enregistrement date de 1991!), et la basse Schreckenberger m’a particulièrement plu grâce à son agilité et sa puissance affective.

Magnifique.

Frédéric Cardin

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