«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 29 juillet 2011

Gottfried Huppertz : Metropolis chez Capriccio


HUPPERTZ, G.: Metropolis (Strobel)

Orchestre symphonique de la radio de Berlin

Frank Strobel, direction

Capriccio C 5066

Ce disque est exceptionnel à plusieurs égards. De un, il met en lumière l’une des premières musiques de film d’envergure de l’histoire du cinéma et de la musique en général. De deux, il ramène à l’avant-plan un compositeur peu prolifique et complètement oublié. Troisièmement, il permet de rappeler le rôle fondamental qu’a eu cette partition non seulement sur l’œuvre de Fritz Lang, mais sur le développement de la musique de film dans son ensemble.

Le chef-d’œuvre de Fritz Lang, paru en 1927, durait 153 minutes à l’origine. Pendant longtemps, des portions manquaient, si bien que la réédition de 2001 présentait un film tronqué de 120 minutes (il manquait donc 33 minutes). En 2008, cependant, 20 minutes manquantes furent retrouvées en Argentine. Le plus extraordinaire c’est que, pendant ce temps, la partition monumentale de Gottfried Huppertz, magnifiquement annotée jusque dans les moindres détails rythmiques attachés à leurs équivalents scéniques, était soigneusement conservée. C’est d’ailleurs grâce à cette partition que certaines transitions entre des scènes retrouvées et celles déjà présentes ont pu être réanimées de façon précise (la musique indiquait carrément à quel moment une séquence s’enchainait à une autre!). Le travail de Huppertz fut, à ce sujet, rien moins qu’exceptionnel.

La musique de Huppertz - né en 1887 et mort en 1937, compositeur (mais aussi chanteur) de 47 numéros d’opus dont 9 partitions pour le cinéma (dont Les Nibelungen en 1924, également de Lang) - est somptueuse et résolument ancrée dans une esthétique romantique tardive. On pense souvent à Richard Strauss, bien entendu, mais aussi à Wagner, tout en percevant ici quelque influence impressionniste et là un brin de jazz naissant. Huppertz a recours aux leitmotivs de façon très étendue. Bien sûr, cette méthode de travail est assez typique des grandes partitions cinématographiques de Korngold jusqu’à celles de Williams (Star Wars) et même Howard Shore (Seigneur des Anneaux), plus près de nous. Mais il suffit de se rappeler que la partition de Metropolis fut écrite en 1926 pour comprendre que nous sommes ici en face de celui qui, probablement, a littéralement établi le modus operandi le plus étroitement associé à la composition pour le cinéma.

Il est fascinant d’entendre cette œuvre grandiose, baignée d’un clair-obscur aux contrastes frappant, mais magnifiquement unifié par une vision hallucinée, certainement héritée de l’envoûtement qu’a dû éprouver Huppertz en voyant pour la première fois les images délirantes et la vision titanesque de Fritz Lang. On ressent cette démesure à travers les élans de cuivres, le flot des cordes, les citations du Dies Irae, la mécanique implacable des ostinatos caricaturant le règne des machines, etc.

Une musique de film de cette envergure méritait rien de moins que la conviction profonde et passionnée de l’Orchestre symphonique de la radio de Berlin dirigé par Frank Strobel, un spécialiste de la musique de films. Ce qui est rassurant, c’est le sérieux avec lequel tout ce projet semble avoir été mené. On a trop longtemps souffert d’une vision élitiste de la musique qui reléguait l’écriture pour le cinéma à une marginalité un peu honteuse. De grandes et superbes partitions musicales sont en train de renaître grâce au travail de pionniers comme Frank Strobel. Et une maison comme Capriccio a le mérite d’encourager cette vision. Fritz Lang, et Gottfried Huppertz, en seraient très heureux.

Frédéric Cardin



Marc Minkowski conduit Offenbach: Orphée aux Enfers; La Belle Hélène


Marc Minkowski conducts Offenbach


Orphée (1997):

Natalie Dessay, Yann Beuron, Jean-Paul Fouchécourt, Laurent Naouri

Orchestre et Chœur de l’Opéra National de Lyon

Marc Minkowski, direction

Laurent Pelly, mise en scène


Belle Hélène (2000) :

Felicity Lott, Michel Sénéchal, Yann Beuron, Laurent Naouri, François Le Roux

Les Musiciens du Louvre

Chœur des Musiciens du Louvre

Marc Minkowski, direction

Laurent Pelly, mise en scène

Arthaus 107 506 (2 DVD)

La musique d’Offenbach est toute désignée pour la direction fougueuse et vivante de Marc Minkowski. Arthaus présente ici deux productions (chacune sur un DVD) de l’Opéra National de Lyon, avec Minkowski dans la fosse.

Dans cet Orphée enregistré en 1997 à Lyon, l’association réalisée avec le metteur en scène Laurent Pelly fonctionne très bien. La vision pimpante et visuellement attrayante de Pelly élève le scénario initial à des moments du pur bonheur distrayant. Mais ce qui fait la force exceptionnelle de cette production c’est le jeu (et les voix!) des interprètes en présence, soit Natalie Dessay (Eurydice jouisseuse, déchaînée et tellement moderne!), Yann Beuron (Orphée délaissé, ennuyé et tellement ennuyeux qu’il en est drôle), Jean-Paul Fouchécourt et Laurent Naouri (Pluton et Jupiter bien triviaux malgré leur apparat impérieux, tels des Laurel et Hardy de l’Olympe). Chacun d’entre eux mord littéralement dans son personnage, se l’approprie complètement et offre une sérieuse leçon à ceux qui osent encore dire que les chanteurs d’opéra ne savent pas jouer!

La vivacité de la direction musicale fait écho au déroulement urgent de la mise en scène. Les effets comiques, les double-sens appuyés par les sous-entendus scéniques puis la distinction entre l’Olympe de Jupiter rempli de coussins blancs et le sous-sol industriel de l’Enfer de Pluton constituent des exemples probants du talent de Laurent Pelly.

La Belle Hélène, présentée sur le deuxième DVD du coffret présente le même metteur en scène et le même chef, dirigeant cette fois Les Musiciens du Louvre, poursuit dans la même veine. L’humour débridé et volatil de Laurent Pelly fait encore des merveilles, comme l’attestent les journaux parisiens de l’époque qui en firent un grand succès public ET critique.

Felicity Lott, anglaise très parisienne, est lumineuse dans le rôle d’Hélène. Laurent Naouri, champion des rôles profond et impériaux, joue autoritairement Agamemnon alors que Yann Beuron est idéal en Pâris, léger et un peu insignifiant.

Les références esthétiques sont nombreuses, du cinéma de Lubitsch à celui de Bunuel en passant par la culture populaire avec cette coiffure à la Elvis! Comédie, Sainte Comédie. Le duo Minkowski-Pelly convainc quiconque que non seulement l’opéra-comique, c’est du sérieux, mais que celui d’Offenbach touche littéralement au divin, malgré toutes ses bouffoneries, surtout lorsque celles-ci sont présentées de façon aussi délicieusement irrésistible!

On adore, et on en redemande!

Frédéric Cardin



Joseph Schwantner chez American Classics sur Naxos

SCHWANTNER, J.: Percussion Concerto / Morning's Embrace / Chasing Light… (Lamb, Nashville Symphony, Guerrero)

Joseph Schwantner: Chasing Light…; Morning’s Embrace; Percussion Concerto

Christopher Lamb, percussions

Nashville Symphony

Giancarlo Guerrero, direction

Naxos 8.559678


La première fois que j’ai entendu le Concerto pour percussions de l’Américain Joseph Schwantner (né en 1943), c’était, il me semble, lors d’un concert d’étudiants de McGill. L’œuvre avait fait une grande impression sur moi. Son modernisme typiquement américain, c’est-à-dire cette façon d’utiliser la dissonance dans un discours général résolument tonal, son usage de rythmes syncopés et pulsatifs de type minimaliste, l’attention portée au déploiement de couleurs picturales, et puis, finalement, son désir manifeste de communiquer émotionnellement et même « visuellement » (de façon cinématique) avec l’auditeur, tout cela , lorsque manipulé par un artiste qui sait éviter les pièges du racolage (ce qui peut facilement arriver dans ce genre de musique), arrive à toucher et même parfois émerveiller l’auditeur attentif. Voilà, à mon avis, la qualité première de ce type de musique.

Le Concerto pour percussions s’articule en trois mouvements séparés. Le premier, marqué Con forza, est très court mais, comme son titre l’indique, très énergique également. Les quelques cinq minutes de ce mouvement présentent des percussions qui propulsent littéralement la partition tel un gigantesque pouls battant. Tom-toms, marimba amplifié, crotales, bongos, etc. servent à caractériser cette pièce enlevante. Le deuxième mouvement, intitulé Misterioso (In Memoriam) est sombre et funeste mais tout de même très accessible. Teintes en clair-obscur empreintes de poésie, caractère tragique du développement, tout cela confirme cette partition comme une page très puissante de la musique contemporaine américaine. Le mouvement lui-même se divise en deux parties, une première appuyée sur un battement sous-jacent empreint d’inéluctabilité (l’obscur) et coloré par des percussions scintillantes (le clair) qui agrémentent l’ensemble de superbes contrastes. La deuxième portion du mouvement lui-même est constituée d’une mélopée élégiaque grave et profondément dramatique jouées aux cordes, peu à peu rejointes par les cuivres et appuyées par les percussions graves comme le bass-drum et les tam-tams, qui agissent tel un cœur battant monumental. Les chatoiements du triangle et autres percussions lumineuses refont surface à la toute fin, dans une ultime tentative pour illuminer ce mouvement ténébreux. Par moments, ce mouvement fait penser à la musique de James Horner pour certaines scènes du film Aliens de 1986. Une qualité, car cette partition est l’une de plus réussie de la musique de cinéma.

Le troisième mouvement, Ritmico con brio, débute en faisant une référence explicite à Mars dans les Planètes de Host. La citation est tellement évidente qu’elle ne peut être un hasard. Ce serait trop bête. Les percussions « naturelles », soit le marimba (amplifié) ainsi qu’une sorte de gourde appelée shekere prennent ici toute la place et agissent comme élément propulseur de toute la partition, qui s’illumine à mesure qu’elle avance grâce à l’intervention des cuivres, interrompus seulement par un épisode de 4 minutes où le soliste improvise librement et finit par guider l’orchestre au complet vers une conclusion explosive et spectaculaire.

L’œuvre suivante au programme s’intitule Morning’s Embrace. Elle est inspirée des levers de soleil admiré par le compositeur dans le New Hampshire rural. Une introduction kaléidoscopique mène à une section animée marquée par les cuivres, les timbales et l’insistance rythmique des cordes. Une section plus contemplative suit afin d’amener l’ensemble à sa conclusion plus scintillante que grandiose.

Le disque se termine avec Chasing Light…, commandée par Ford Made in America. L’œuvre s’inspire elle aussi du New Hampshire rural, ses couleurs et sa vie naturelle. Elle est divisée en quatre parties distinctes. Un sentiment d’urgence effrénée caractérise le premier mouvement Sunrise Ignites Daybreak’s Veil alors que Calliope’s Rainbowed Song (le deuxième mouvement) fait l’effet d’une sérénade pastorale qui n’aurait pas déplu à un certain Aaron Copland. Le troisième mouvement, A Kaleidoscope Blooms rappelle par sa foison de textures et de teintes instrumentales l’éveil d’un pré fleuri vu au niveau presque microscopique. Insectes et créatures rampantes de toutes sortes apparaissent et déambulent, menaçante à prime abord, mais finalement belles et admirables. Le dernier mouvement, intitulé Morning’s Embrace Confronts the Dawn, est la portion la plus lumineuse et optimiste de toute la suite. Encore une fois, l’ombre de Copland plane bienveillamment sur la plume de Schwantner. Et ce n’est pas moi qui s’en plaindra.

Frédéric Cardin.



Stephen Barber: Astral Vinyl chez Navona Records

Barber / Tosca Strings - Stephen Barber: Astral Vinyl CD Cover Art

Stephen Barber: Astral Vinyl

Tosca Strings

American Repertory Ensemble

The Boiler Makers

The Meridian Arts Ensemble

Lucy Schaufer, soprano

Stephen Barber, piano

Darren Dyke, steel drums

Navona Records NV5850

Stephen Barber est un compositeur américain aux influences diverses, du blues à la musique sacrée en passant par le rock’n’roll, les musiques du monde, le minimalisme et l’avant-garde moderne. Son esthétique juxtapose intelligemment et, surtout, très agréablement toutes ces influences. Issu d’Austin, Texas, il semble bénéficier de l’atmosphère éclectique et ouverte qui imprègne cette ville réputée pour son festival de musiques émergentes SXSW (South by SouthWest), de plus en plus reconnu comme une plaque tournante de la nouvelle musique (rock et pop, surtout, mais aussi jazz et contemporaine à mesure que son épanouissement se réalise).

J’ai découvert en Stephen Barber un esprit contemporain à la fois ludique et rigoureux. Un peu comme ce qui se fait chez Bang on a Can, l’ensemble et le festival, à New York. Ce disque présente une douzaine de courtes pièces de musique de chambre pour la plupart rafraîchissantes, si on les situe dans le contexte d’une certaine musique contemporaine de tendance académique. En effet, la musique de Barber n’a rien de l’atonalisme dodécaphonique prescrit par les bien-pensants de la rectitude musicale d’avant-garde. Elle n’est pas racoleuse non plus, comme certaines fresques néo-rachmaninoviennes issues d’un autre académisme, très américain celui-là. La musique de Barber se situe quelque part entre la musique de chambre dite sérieuse et le rock de chambre, sorte de pop instrumentale visant l’accessibilité, certes, mais sans chercher à plaire à la pensée unique de la radio privée. Voici à quoi ressemble le déroulement du disque :

Chanson Rond Point (pl.1) : une pièce pour trio à cordes qui rappelle la musique d’Arvo Pärt, mais qui s’en démarque par le traitement des timbres, passés à travers un séquenceur informatique. Le résultat est une facture instrumentale archaïsante à la fois par son harmonie et par l’étrange réverbération qui résulte de la manipulation artificielle et qui crée un effet de distanciation émotive, telle une musique sortie d’un rêve.

Conversatio Morum Movement I (pl.2): rythmique propulsive et harmonisation modale qui teinte le tout d’une couleur orientalisante.

Marbles (pl.3) : l’une des pièces les plus intéressantes de tout l’album. Magnifique construction sonore autour d’une voix de soprano (très belle Lucy Schaufer), un piano et des Steel Drums (tambours métalliques) antillais! J’adore l’idée d’utiliser ces instruments trop souvent relégués à jouer un répertoire pour touristes plutôt grossier et simpliste, alors que leur timbre si particulier a tout le potentiel de créer des textures innovatrices en musique contemporaine. La pièce s’articule autour d’une mélodie américano-debussyste chantante et élégiaque d’une grande beauté, ornementée d’une partition de piano évanescente et des steel drums, utilisés en douceur et en tant qu’éléments pointillistes et coloristiques. Superbe!

Elvis and Annabelle Movement I (pl.4): interprétée par The Boiler Makers, un ensemble constitué de saxophones, violon, violoncelle et percussions, cette pièce ne serait pas déplacée dans un concert de l’instrumentiste pop Owen Pallett. La facture apaisante de la mélodie est compensée par la régularité de la batterie, et le tout forme une construction aimablement naïve.

Multiple points of view of a Fanfare (pl.5): Barber réinvente la fanfare pour cuivres (ici, un quintette) avec cette pièce post-minimaliste qui manie habilement bruits « blancs » générés par la bouche des musiciens aussi bien que sons conventionnels scandés sur une rythmique insistante.

Conversatio Morum Movement II (pl.6) : un brin d’Olivier Messiaen dans cette pièce contemplative également teintée de romantisme ténébreux. Très beau.

Elvis and Annabelle Movement II (pl.7): Même qualité de la mélodie ici que dans le premier mouvement de cette œuvre. On dirait un peu la trame musicale de Cinema Paradiso, signée Ennio Morricone, mais beaucoup plus circonspect dans ses épanchements instrumentaux.

Multiple Points of View of a Fanfare II (pl.8): fascinante réappropriation du cadre conventionnel de la fanfare pour cuivres que celle-ci! La pulsation rythmique réalisée par les musiciens soufflant « à vide » dans leurs embouchures mène à l’arrivée d’une sorte de choral cuivré lent et solennel, lui même vite transformé par une sorte de désintégration sonore à travers la manipulation électronique du matériau initial. Peut-être la pièce la plus « expérimentale » du disque, même si elle n’apparaît jamais obtuse et distante.

String Quartet no.1 (pl.9) : Peut-être est-le medium (le quatuor à cordes, un parangon du Grand Répertoire classique) qui agit inconsciemment sur le compositeur, mais ici, malgré une construction intellectuellement rigoureuse et la qualité indéniable du discours, Stephen Barber ressemble à n’importe quel autre compositeur « avant-gardiste ». Sa personnalité si originale semble être passée à la moulinette du devoir de « faire sérieux ».

Les Mots (pl.10) : jolie partition élégiaque et mélancolique pour trio à cordes.

Elvis and Annabelle Movement III (pl.11): le contraste avec la pièce précédente ne pourrait être plus frappant (genre, comme un uppercut du droit)! Départ canon sur rythmique acid jazz de type lounge-music, mais bientôt enrichi des cuivres, du piano et des cordes des Boiler Makers dans une sorte de déclamation mi-fanfare mi-improvisation de groupe, équivalent instrumental du discours onomatopéique d’un artiste hip-hop. Très intéressant.

The Killing (pl.12) : Qui tue-t-on ici? Je ne sais pas, mais l’écriture harmoniquement serrée de Barber pourrait aisément servir d’appui au meurtre imaginaire qui pourrait se dérouler dans l’esprit d’un Alfred Hitchcock du 21e siècle.


Frédéric Cardin

Giuseppe Tartini, concertos pour violons chez Pentatone

Tartini: 3 Violin Concertos

Giuseppe Tartini : Concertos pour violon

I Musici

Salvatore Accardo, violon

Pentatone PTC5186137


Vous aurez deviné en lisant le nom de l’interprète (Salvatore Accardo) que ce disque est une réédition. Il a été enregistré en 1973, mais le travail des ingénieurs de Pentatone est assez remarquable en ce sens que la sonorité d’ensemble est ample et coffrée. On a choisit de privilégier un type de réverbération assez contenu permettant au violon d’Accardo de percer clairement à travers l’accompagnement de l’ensemble I Musici.

En fait, le meilleur indice de la datation de cet enregistrement n’est pas la qualité sonore, mais plutôt le style d’interprétation, poli et soigné, à des années-lumière de l’approche incisive et mordante des ensembles actuels.

Le premier des trois concertos pour violon présentés ici, en la majeur D.96, confirme tout de suite cette impression. L’auditeur faisant cette écoute à l’aveuglette, sans connaître un seul détail de l’enregistrement, se sentira curieusement projeté en arrière dans une sorte de douce réminiscence esthétique, celle d’une époque révolue où la musique baroque semblait encore être un terrain de découvertes mystérieux, injustement inapprécié à sa juste valeur, et encore appréhendé par la plupart des musiciens (excepté quelques jeunes illuminés déjà en avance sur leur temps) à travers la lorgnette déformante du 19e siècle. Ceci dit, on remarquera aisément que, pour l’époque, le jeu d’Accardo et des Musici était déjà relativement informé. Le Concerto en la majeur, donc, amorce le programme en présentant un soliste illuminé de façon brillante par la prise de son ET la remastérisation. Les tempi ne sont jamais accélérés. Au contraire, on sent même une forme de retenue qui ne peut s’expliquer que par la relative « nouveauté » de cette musique en 1973. Bien qu’étant peut-être le plus joué des concertos de Tartini, il n’est pas mon préféré, manquant d’extravagance et de la chaleur méditerranéenne à laquelle on serait en droit de s’attendre d’une œuvre baroque italienne.

Le Concerto en si bémol majeur D.117 commence de façon plus affirmée, et manifeste immédiatement des ambitions expressives plus évidentes. Un Largo souverain prépare le terrain pour un Allegro dans lequel Salvatore Accardo illumine la partition d’un jeu lumineux et inspiré. Le Largo andante central est sensible et élégant à la fois, presque mozartien, alors que l’Allegro final est impérial, empreint d’une noble dignité qui marque notre mémoire par sa très belle construction mélodique.

Le Concerto en sol majeur D.78 met en scène un Allegro initial distingué qui éclaire la fluidité technique du soliste, un Largo andante de forme aria lyrique où Accardo fait chanter son instrument de façon toute italienne et un Presto final qui tient plus de l’allegro ma non troppo (1973 oblige, vous rappellerais-je!) et qui évoque aussi ces interprétations de concertos pour trompette baroques inoubliables enregistrés par Maurice André dans les mêmes années, ou à peu de choses près. Ceux qui les connaissent sauront de quoi je parle. Même son d’ensemble, même type d’attaques sur les temps forts, etc.

En musique populaire, on qualifierait cela de vintage, c’est-à-dire un style musical ou encore d’interprétation musicale dépassé, mais tout à fait typique d’une époque donnée et apprécié en ce sens malgré son apparente désuétude. Un bel exemple, donc, d’interprétation baroque vintage.

CD Pentatone: PTC5186137

Frédéric Cardin



Marie-Nicole Lemieux et Karina Gauvin: Streams of Pleasure, airs et duos de Handel chez Naïve


Handel: "Streams of pleasure"
Anthology of arias from Handel oratorios
Karina Gauvin, soprano
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Il Complesso Barocco, Alan Curtis

L'air qu'on écoute sur cette vidéo et qui donne le titre à l'album est: "Streams of pleasure", de "Theodora.

Voici un aperçu du prochain disque de Marie-Nicole Lemieux et Karina Gauvin chez le label Naïve, disponible à partir de septembre au Canada.
Créés entre 1744 et 1750, les neuf ouvrages abordés par Karina Gauvin et Marie-Nicole Lemieux, font partie des dernières compositions de Handel et relèvent tous du genre de l'oratorio anglais, auquel le compositeur saxon se voua presque exclusivement à partir de 1741.

Les critiques sur ce disque sont unanimes!

«En solo ou en duo, les deux chanteuses multiplient mélismes, trilles et ornements en un spectaculaire déploiement de haute virtuosité vocale où la nuance, le lyrisme et l'émotion ont toute la part souhaitée. Le bel canto, c'est cela, et non, comme on l'entend souvent, Verdi ou Puccini! Soulignées dans les solos, la féminité chez Gauvin et la virilité chez Lemieux créent dans les dialogues entre homme et femme un mariage aux contrastes bien marqués. À l'accompagnement, Alan Curtis et le Complesso Barocco complètent à la perfection ce programme que chériront tous les passionnés de baroque vocal.» Claude Gingras, La Presse 2 octobre 2011.

«Fabuleuses chanteuses! Marie Nicole Lemieux et Karina Gauvin sont des collègues. Ce sont aussi des compatriotes et des amies. Chose rare et magique: elles ont une aura musicale équivalente, des timbres qui se marient parfaitement et des répertoires communs qui leur permettent de transcender l'estime et l'amitié en feu d'artifice musical.» Classics Today France, 27 septembre 2011

rating

«Divin duos de divas. La voix de Marie-Nicole Lemieux demeureremarquablement agile et expressive. Quant à Karina Gauvin, son art atteint avec la maturité une limpidité et une souplesse qui enchantent». Richard Boisvert, Le Soleil 24 septembre 2011.

«Un évènement dans la rentrée discographique de cette année...
La finesse comme l'intensité des deux interprètes invite au recueillement.» Christophe Rodriguez, Journal de Montréal 17 septembre 2011.

«Deux chanteuses québécoises dans l'une des nouveautés phares de la rentrée discographique...Le tandem Gauvin-Lemieux c'est gagnant-gagnant. Le chant est suprême et l’accompagnement assuré par un spécialiste du compositeur.» Christophe Huss, Le Devoir 16 septembre 2011.

«Un des très beaux disques que j'ai entendu récemment. Deux merveilleuses chanteuses que je considère comme deux des plus grandes chanteuses au monde. Magnifique!» Edgar Fruitier, Samedi et rien d'autre, Radio Canada, première chaîne 17 septembre 2011.

1 CD naïve V5261 disponible maintenant.

dimanche 10 juillet 2011

Beethoven 11 ouvertures par l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la direction de Kurt Masur

Beethoven a écrit 11 ouvertures au total, presque toutes destinées à la scène,et formant parties souvent d'une musique pour pièces de théâtre. Les versions qui nous occupent dans ce disque ont été enregistrées entre les années 1972 et 1974 par l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig sous la baguette du grand Kurt Masur.


Les ouvertures de Beethoven sont un modèle de perfection et d'équilibre et elles ont été, sans aucun doute, suivie par tous les musiciens romantiques venus après lui. Bien qu'elles ne furent pas pensées comme pièces à jouer dans des concerts, ces oeuvres ont créé un genre nouveau, qui deviendra se qu'on appelle "ouverture de concert", pièces à être jouées sans but dramatique.

Fidelio op.72c: elle date de 1814 pendant que le compositeur écrit les remaniements de son unique opéra Fidelio, pour en donner sa version définitive. Elle a comme centre le personnage de Leonore, en laissant de côté celui de Florestan.
Leonore I op.138: cette ouverture date de 1807 et ne fut publiée qu'après la mort du compositeur. Ce sera Mendelssohn qui en fera sa création à Düsseldorf en 1836. Originalement l'ouverture avait été pensée pour des représentations de l'opéra à Prague, mais Beethoven la supprima, considérant qu'elle n'était pas à la hauteur de ce qu'il cherchait.
Leonore II op 72a: jouée en 1805 lors de la création de Fidelio elle tient compte de la totalité dramatique de l'opéra.
Leonore III op.72b: est l'ouverture qui a sut s'imposer le plus souvent dans les salles de concerts, ou parfois entre les deux derniers tableaux de l'opéra selon la vision des chef de la fin du XIX siècle dont Mahler lui même.
Coriolan op.62: fut écrite pour servir d'introduction musicale à une tragédie de Heinrich-Joseph von Collin et restera une des pièces les plus célèbres dans le genre de l'ouverture de concert.
Egmont op.84: véritable chef-d'oeuvre en son genre, elle peut être considérée comme la première pièce instrumentale ayant été écrite pour décrire une idée et son intrigue. Du point de vue de l'écriture, on est en présence d'une pièce unique, où toute l'action dramatique se dégage d'une seule idée thématique du début jusqu'à la fin, et qui se désintègre par un procédé tout à fait révolutionnaire du compositeur. Il faut dire qu'avec cette ouverture, Beethoven inscrit son langage musical plutôt dans le romantisme que dans le classicisme, déjà en perte de vitesse. Egmont sera un miroir où Liszt et Wagner se regarderont des années plus tard, et qui deviendra le leit-motif de leurs créations.
Roi Étienne op.117 et Les Ruines d'Athènes op.113 ont servit à l'inauguration, en 181, d'un nouveau théâtre à Pest,en Hongrie.
Les Créatures de Prométhée op.43: est l'ouverture d'une musique de ballet créée à Vienne en 1801 pour le danseur Salvatore Vigano.
La Consécration de la maison op.124: est la dernière des musiques de scène de Beethoven écrite en 1822 pour la réouverture du Josephtädter Theatre à Vienne.
Pour un Jour de fête op.115: il s'agit d'une grande ouverture composée en 1815 en l'honneur de l'empereur François I d'Autriche.

Voila le résumé des ouvertures instrumentales laissées par le maître de Bonn,et qui ont servit de modèles à celles de Ries,Mendelssohn, Schumann et Brahms.

Quel plaisir d'écouter l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig avec un de ses plus illustres chefs, Kurt Masur, peut-être dans ses heures de gloire.
Une référence sans aucun doute, grâce au transfert numérique de Pentatone.

2 SACD Pentatone: PTC5186148.

Philippe Adelfang.
pzig, Kurt Masur (Leitung)

mercredi 6 juillet 2011

Lise de la Salle joue Liszt album Naïve V5267


Franz Liszt (1811-1886)
'Après une lecture du dante : fantasia quasi Sonata' from Années de Pèlerinage II, s.161 (1839-53)
Lacrymosa (Mozart), s.550 (1862)
Ballade no.2 in b minor, s.171 (1853)
Liebeslied (Schumann), s.566 (1848)
'Mazeppa' from 12 études d'exécution transcendante, s.139 (1839-53)
Nuages gris, s.199 (1881)
Ständchen, in D minor (Schubert), s.560
'Funérailles' from Harmonies poétiques et religieuses, s.173 (1849)
Isoldes Liebestod (Wagner), s.447 (1867-75)

Lise de la Salle (piano)

1 CD | V5267

Voici un petit extrait de ce superbe album de la pianiste Lise de la Salle paru il y a quelques mois, mais qui se fait déjà remarquer parmi les distinctions reçues. Diapason d'or, album du moi de mai 2011, ce Liszt de de la Salle a été aussi le choix de l'éditeur de la revue Gramophone.
L'album est un échantillon éclectique mais très représentatif des compositions de Franz Liszt pour le piano.

dimanche 3 juillet 2011

La Femme sans ombre de Richard Strauss chez Arthaus


Der Kaiser -- Peter Seiffert
Die Kaiserin -- Luana DeVol
Die Amme -- Marjana Lipovšek
Der Geisterbote -- Jan-Hendrik Rootering
Ein Hüter der Schwelle des Tempels -- Annegeer Stumphius
Stimme eines Jünglings -- Herbert Lippert
Stimme des Falken -- Caroline Maria Petrig
Eine Stimme von Oben -- Anne Salvan
Barak, der Färber -- Alan Titus
Sein Weib -- Janis Martin

Bavarian State Opera Chorus and Orchestra
(chorus master: Udo Mehrpohl)
Wolfgang Sawallisch, conductor

Ennosuke Ichikawa, stage director
Setsu Asakura, set designer
Tomio Mohri, costume designer
Sumio Yoshii, lighting designer
Kanshino Fujima, choreographer

Recorded at the Aichi Prefectural Art Theater, Nagoya, Japan, 8 and 11 November 1992

Voici l'opéra préféré de Richard Strauss, La Femme sans ombre sous la direction du grand Wolfgang Sawallisch, avec une mise en scène de l'Opéra de Bavière. Ce fut l’occasion de célébrer non seulement ses 25 ans comme chef honoraire de l'orchestre NHK de Tokyo, mais aussi de marquer le départ de Sawallisch du poste d'intendant et directeur musical de l'institution bavaroise.

Arthaus: 2DVD 107245.

Strauss, R: Die Frau ohne Schatten

vendredi 1 juillet 2011

Wagner: Der Ring des Nibelungen avec La Fura dels Baus sous la direction deMehta.


Oeuvre colossal de Richard Wagner (1813-1883) qui a mis 26 ans à composer. Elle dure plus de quinze heures, mais on peut l'avoir en quatre Blu-ray.

«La Tétralogie est pour moi la quintessence de l'oeuvre». Thomas Mann.

CMajor: 703904 Blu-ray et 703808 DVD.

Wagner: Der Ring des Nibelungen

DAS RHEINGOLD

WotanJuha Uusitalo
Donner – Ilya Bannik
Froh –
Germán Villar
LogeJohn Daszak
AlberichFranz-Josef Kapellmann
Mime – Gerhard Siegel
Fasolt
Matti Salminen
FafnerStephen Milling
FrickaAnna Larsson
FreiaSabina von Walther
ErdaChrista Mayer
WoglindeSilvia Vázquez
WellgundeAnn-Katrin Naidu
FlosshildeHanna Esther Minutillo

DIE WALKÜRE

SiegmundPeter Seiffert
HundingMatti Salminen
WotanJuha Uusitalo
SieglindePetra-Maria Schnitzer
BrünnhildeJennifer Wilson
FrickaAnna Larsson
GerhildeBernadette Flaitz
OrtlindeHelen Huse Ralston
WaltrautePilar Vázquez
SchwertleiteChrista Mayer
HelmwigeEugenia Bethencourt
SiegruneHeike Grötzinger
GrimgerdeManuela Bress
RossweisseHannah Ester Minutillo

Recorded live from the Palau de les Arts "Reina Sofia", Valencia, Spain, 2008.

SIEGFRIED
SiegfriedLance Ryan
MimeGerhard Siegel
Der WandererJuha Uusitalo
Alberich
Franz-Joseph Kapellmann
Fafner
Stephen Milling
Erda
Catherine Wyn-Rogers
BrünnhildeJennifer Wilson
WaldvogelMarina Zyatkova

Recorded live from the Palau de les Arts "Reina Sofia", Valencia, Spain, 2008.

GÖTTERDÄMMERUNG

SiegfriedLance Ryan
GuntherRalf Lukas
AlberichFranz-Josef Kapellmann
Hagen
Mattil Salminen
BrünnhildeJennifer Wilson
GutruneElisabete Matos
WaltrauteCatherine Wyn-Rogers
First NornDaniela Denschlag
Second NornPilar Vázquez
Third NornEugenia Bethencourt
Woglinde- Silvia Vázquez
WellgundeAnn-Katrin Naidu
FlosshildeMarina Prudenskaja

Recorded live from the Palau de les Arts "Reina Sofia", Valencia, Spain, 2009.

Valencia Regional Government Choir (Cor de la Generalitat Valenciana)
Valencian Community Orchestra
(Orquestra de la Comunitat Valenciana)
Zubin Mehta, conductor

La Fura del Baus, staging
Carlus Padrissa, stage director

Don Pasquale de Donizetti au Festival de Ravenne 2006


Don Pasquale Claudio Desderi
Dottor Malatesta Mario Cassi
Ernesto Francisco Gatell
Norina Laura Giordano
Un notaro Gabriele Spina

Piacenza Muncipal Theatre Chorus
(chorus master: Corrado Casati)
Orchestra Giovanile Luigi Cherubini (Luigi Cherubini Youth Orchestra)
Riccardo Muti, conductor

Andrea De Rosa, stage director
Italo Grassi, set designer
Gabriella Pescucci, costume designer
Pasquale Mari, lighting designer

Recorded live from the Ravenna Festival, 2006

Dernier opéra de la période dite "parisienne" de Donizetti, voici une belle version du Festival de Ravenne sous la direction du grand Ricardo Mutti. On trouve ici tout l'art comique avec sa spontanéité et sa passion, ses grandes mélodies, mais aussi ses passages de virtuosité vocale qui font de cet opéra un digne héritier de la lignée tracée par Rossini.

Arthaus: Blu-ray 101304

Donizetti: Don Pasquale

Elektra de Richard Strauss, au Festival de Salzbourg 2010


Elektra -- Iréne Theorin
Klytämnestra -- Waltraud Meier
Chrysothemis -- Eva-Maria Westbroek
Aegisth -- Robert Gambill
Orest -- René Pape
Orest's tutor -- Oliver Zwarg

Vienna State Opera Chorus
(chorus master: Thomas Lang)
Vienna Philharmonic Orchestra
Daniele Gatti, conductor

Nikolaus Lehnhoff, stage director
Raimund Bauer, stage designer
Andrea Schmidt-Futterer, costume designer
Duane Schuler, lighting designer
Denni Sayers, choreographer

Recorded live from the Grosses Festspielhaus, Salzburg Festival, 2010.

Oeuvre choc et bouleversante de Richard Strauss (1864-1949) créée à Dresde en 1909, Elektra est encore plus brutale que Salomé. Avec une puissance sonore considérable, cet opéra exige une absolue maitrise de la part des interprètes, musiciens et chef d'orchestre. «Messieurs, pour ce soir je vous demande une chose: jouez moins fort, c'est déjà écrit assez fort!». Richard Strauss dixit après l'une des répétitions.

Arthauss: 101559 DVD, 101560 Blu-ray.

Strauss, R: Elektra