«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 13 décembre 2017

L’autre Schumann.

Symphonie en fa mineur op.42
Ouverture sur un drame op.45
Ouverture La joie de vivre op.54
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, James Feddeck
CPO :555110-2, enregistrements juin 2016.
Georg Schumann écrivit sa symphonie en fa mineur en 1905, dans une Allemagne où la musique était encore tonale. Le développement de l’atonalité était dans ses débuts. La Symphonie en fa dièse mineur op.42 est une œuvre d’une certaine envergure. Avec une durée de 48 minutes, elle reflète très bien le langage postromantique et chromatique de l’époque. Avec un orchestre touffu, elle est sans doute un des sommets du compositeur. Son langage s’inscrit parfaitement dans l’expression et l’univers d’un Mahler ou Richard Strauss, avec un équilibre disons plus brahmsien. L’art du développement continu de la mélodie avec une progression harmonique constante se reflète dans cette œuvre dont la facture est magistrale. Énorme poème musical, composé dans le style que Schoenberg a appelé celui de la variation développée, L’enregistrement se complète avec deux ouvertures, Sur un drame op. 45 (1906) et celle sur la Joie de vivre op.54 de 1911.
L’enregistrement de la DSO-Berlin, est absolument magnifique, démontrant qu’il s’agit d’un des plus grands orchestres du moment.

Philippe Adelfang, décembre 2017

mardi 28 novembre 2017

Haydn et un homme de génie

Franz Joseph Haydn
Symphonies n : 80, 81 et 19
Joseph Martin Kraus
Symphonie en do mineur VB142
Alpha676: enregistrements juillet et octobre 2016.

Un projet de longue haleine. Pour souligner le 300 ème anniversaire de la naissance de Haydn la fondation Joseph Haydn Stiftung de Bâle c’est associé au label Alpha pour enregistrer l’intégrale de ses 107 symphonies. Cette tache monumentale a été placée sous la direction musicale de Giovanni Antonini  qui utilisera deux orchestres pour la réaliser : Il Giardino Armonico et l’Orchestre de Chambre de Bâle. C’est avec cette dernière formation que ce formidable enregistrement a été réalisé. Une intégrale qui sera une des plus belles à voir le jour dans les prochaines décennies. L’inclusion de la symphonie en ut de Kraus est un clin d’œil à une rencontre que Haydn et Kraus ont eut en 1783. Haydn fut un grand admirateur de l’art musical et littéraire de Kraus, et fut profondément choqué quand il apprit la nouvelle de sa disparition. Il avait une grande estime pour la symphonie en do mineur présente dans cet enregistrement. Kraus a aussi participé à la création du mouvement Sturm und Drang, et la symphonie en do mineur est un paradigme d’œuvre musicale avec des accents qui nous font déjà  penser  au XIX siècle.
Une suggestion à ne pas rater pour cet hiver,


Philippe Adelfang, novembre 2017.

dimanche 19 novembre 2017

Les derniers quatuors de Beethoven par le Quatuor Mosaïques, la liberté à l'état pur!

Les derniers quatuors de Beethoven
Quatuor Mosaïques
Naïve: V5445, enregistrements 2014,2015 et 2016 au Wiener Konzerthaus.

Ce qui fait de Beethoven un génie de la musique parmi ses contemporains, c'est la façon personnelle qu'il avait développé pour utiliser la matière. Une mélodie, une progression tonale ou un accord, ce ne sont pas seulement des éléments constitutifs du langage musical, mais plutôt des moyens pour structurer une oeuvre. Cette nouvelle façon de penser la musique, ne lui est pas arrivée par hasard, mais c'est plutôt la conséquence de toute une vie de méditation, recherche et experimentation.
Dans ce contexte d'idée, le quatuor à cordes n'échappe pas à cette règle. Forme instaurée par Haydn une génération avant, elle a reçu ses lettres de noblesse avec les quatuors de Mozart. Beethoven évidemment devait partir du point laissé par son prédécesseur, et cela lui a pris quelques années pour développer un langage personnel. Quand il arrive à la fin de sa carrière, il s'attaque à cette forme à nouveau, mais en la transformant d'un bout à l'autre. On dirait qu'il arrive à exprimer les idées sans absolument aucun pré concept stylistique que ce soit. La liberté à l'état pur.
Quel défit de les interpréter pour n'importe quelle formation de chambre. Les derniers quatuors de Beethoven, sont une cime comparée à l'Everest. Pour y arriver il faut donner tout. Point à la ligne.
C'est ce que l’on ressent à l'écoute de cette merveilleuse version des Mosaïques. Peut être une nouvelle référence dans la riche discographie présente et passée. Un vrai plaisir pour les sens. Un bonheur absolu.

Philippe Adelfang, novembre 2017.

vendredi 17 novembre 2017

Zemlinsky, l'art du poème symphonique.


Alexander von Zemlinsky (1871-1942)

Die Seejungfrau
Es war einmal
ORF Radio-Symphonieorchester Wien, Cornelieus Meister direction

CPO: 777962-2 enregistrements mai 2010 et août 2012.

Pour les mélomanes qui ne connaissent pas l’œuvre de Zemlinsky, voici une belle occasion de rentrer dans son univers postromantique. Il fut un des plus grands compositeurs autrichiens de l’avant-garde post wagnérienne. Très respecté par ses collègues, de la jeune génération viennoise, comme Mahler, Berg et Schoenberg, Zemlinsky fut un des grands acteurs de la vie musicale dans la Vienne impériale de la fin du XIX et début du XX siècle. Tout ce monde basculera avec l’arrivé des nazis en Europe centrale. Comme bien d’autres artistes Zemlinsky a dû s’exiler aux États Unis, où il n’a jamais pu retrouver le prestige qu’il avait dans sa patrie. Son style symphonique est luxueux, brillant et hyper romantique. Il fut un des modèles de Schoenberg, avec Richard Strauss quand il s’agit de la construction des poèmes symphoniques et qui fit de cette école austro-germanique, une des principales et plus influentes dans l’Europe du début du XX siècle. « Je suis en train de travailler sur un poème symphonique d’après le conte  La Petite Sirène d’Andersen, ce qui me réjouit énormément ces temps-ci » écrivit le compositeur en 1902 dans une lettre à Schoenberg. Le résultat fut une partition merveilleusement bien écrite, dans la meilleure tradition des grands poèmes symphoniques de Strauss. Malheureusement Die Seejungfrau n’est pas souvent très joué en concert, ce qui fait que des projets comme celui de CPO, prennent quelques années à sortir sur le marché. Ce magnifique enregistrement "live" de l’Orchestre de la Radio Viennoise (ORF) a pu se faire en 2010, mais il a fallu attendre deux années encore pour compléter ce projet discographique avec Es war einmal qui fut seulement programmé qu'en 2012. Un autre tres bel exemple de comment certains enregistrements ont aussi une fonction  de sauvegarde du patrimoine sonore d’une nation.

Philippe Adelfang, novembre 2017

dimanche 12 novembre 2017

Prokofiev, symphonies n°2 et 3. Jurowski la clef des chants!

Prokofiev, symphonies n°2 et 3
Orchestre Symphonique Académique de l'État de Russie, Vladimir Jurowski direction.
Pentatone: PTC5186624
Enregistrements: septembre et octobre 2016

Certains compositeurs ont eu une approche, disons, plus problématique avec le langage symphonique. On a toujours une tendance à comparer les symphonies de Prokofiev avec celles de son collègue (cadet) Chostakovitch. Mais il faut se rappeler d’un élément clef. Prokofiev a toujours aimé  faire des œuvres dans un contexte dramatique ou la structure de l’œuvre suit une idée préétablie. Après son retour des États Unis, Prokofiev passa dix années de sa vie à Paris. Il produisit des œuvres d’une force et originalité magnifique. Profitant d’un environnement libre et sans aucune restriction esthétique, il pourra développer un langage moderne et unique dans sa production globale. La structure symphonique était disons plus abordable dans sa vision classique de la musique.  Sa deuxième symphonie écrite en 1924-25 est plus proche d’un univers futuriste que du classicisme de sa première symphonie. Tandis que pour sa troisième, écrite en 1928, le compositeur tira une partie des idées thématiques de son opéra The Fiery Angel, ce qui prouve le besoin d’avoir à main une source dramatique externe comme moteur d’inspiration. C’est une des différences, a mon avis, plus importante entre les productions symphoniques des deux compositeurs les plus importants de l’Union Soviétique dans le XX siècle.
Les versions de ce remarquable enregistrement de Pentatone très bien joués par l’Orchestre Symphonique de l’État de Russie, maintenant appelé Evgeny Svetlanov, sont une excellente référence si l’on veut avoir des enregistrements modernes superbement interprétés. Jurowski  rentre dans le sommet de son art. On a hâte de suivre cette intégrale.

Philippe Adelfang, novembre 2017

dimanche 29 octobre 2017

Les symphonies de Bohuslav Martinů


Bohuslav Martinů 
Symphonies, enregistrements complets
Orchestre de la Radio de Vienne ORF
Cornelius Maister, direction
Capriccio C5320, enregistrements live 2011-2017.

La production des symphonies de Bohuslav Martinů (1890-1959) s'échelle pendant quatre années de 1942 jusqu'à 1946, exception faite par ses "Fantaisies Symphoniques", aussi apellé sixième symphonie, oeuvre qui fut composée en 1954. Cela veut dire que c'est une musique mûrie, d'un compositeur déjà en possession de tous les moyens techniques, et dont le résultat est une oeuvre d'une qualité et complexité absolument remarquable.
L'orchestre ORF Radio-Symphonieorchester Wien - RSO Wien est d'un niveau technique et artistique époustouflant. Cornelius Meister assure de faire de ces enregistrements, des versions de référence.

Philippe Adelfang, octobre 2017.

mardi 24 octobre 2017

Sérénade et Divertimentos de Léo Weiner

Leó Weiner (1885-1960)
Sérénade op.3, Divertimento n°1 op.20, Divertimento n°2 op.24
Divertimento n°3 op.25, Divertimento n°4 op.38 et Divertimento n°5 op.39
Orchestre Symphonique National de l'Estonie, Neeme Järvi, direction.
Chandos : CHAN 10959, enregistrements 2015/16

La recherche d'une musique nationale implique aussi une pensée disons plus abstraite sur ce que signifie un son et une forme particulière et unique pour un pays ou  une culture.
Ce type de démarche ainsi que les recherches qui les impliquent, ont occupé une grande partie de la vie créative d'une pléiade de compositeurs hongrois dont la place importante qu’ occupa Leó Weiner fut déjà soulignée  par Bartok dans un article publié dans un magazine londonien en 1920.
Les œuvres de cet enregistrement sont entièrement basées sur des mélodies tirées du folklore hongrois ou magyar. C'est la force de leur beauté, la technique des arrangements qui avec une instrumentation raffinée,donne à ces œuvres, une valeur unique et exceptionnelle. Encore une fois je voudrais souligner la valeur de l'enregistrement comme, non seulement un objet artistique, mais aussi comme un outil de sauvegarde d'un répertoire qui n'a pas souvent une place assurée dans les programmations des concerts.
L'Orchestre Symphonique National de l'Estonie est absolument magnifique, donnant à ces partitions un ton, une couleur et un sentiment qui rend justice à une musique inspirée et merveilleusement écrite.
La vision de Neeme Järvi a contribué sûrement à ce projet en lui donnant toute l'assurance que l'expérience d'un chef de son calibre peut offrir.
Belle découverte d'automne.

Philippe Adelfang, octobre 2017. 

mercredi 4 octobre 2017

Jan Bartos joue Mozart

Mozart concertos pour piano et orchestre n°20 et n°12 (version quatuor à cordes et piano)
Jan Bartos, piano
Quatuor Dolezal
Orchestre Philharmonique Chèque, Jiri Belohlavek, direction
Supraphon SU4234-2, enregistrements mai 2013 et 2016.

L'excellence de ce disque se trouve dans l'interprétation impériale du soliste Jan Bartos. Prise de son live qui souligne la musicalité de l’interprète, dans le fameux concerto en ré mineur n°20 K466, qui est d'une incroyable luminosité, et transparence, et en plus avec une inspiration absolument unique. L'orchestre Tchèque, fidèle à son histoire musicale est simplement parfaite. L'enregistrement se complète avec la version de chambre d'un des concertos préférés de Mozart, le n°12 en la majeur K414 pour quatuor à cordes et piano. Œuvre qui appartient plus au monde de la musique de chambre, et ne perd jamais ses attraits musicaux. Jan Bartos excelle encore une fois, démontrant qu'il est un formidable artiste. Enregistrement essentiel, comme un cadeau pour l'esprit.

Philippe Adelfang octobre 2017.

jeudi 21 septembre 2017

Lieder de Dvorák, chantés par Pavol Breslik

Antonin Dvorak (1841-1904)
Cyprès (1865)
Chants du soir (1876)
Mélodies tziganes (1880)
Pavol Breslik, ténor
Robert Pechanec, piano
Supraphon: SU4215-2 enregistrements août 2016.
Les lieder de Dvorak, sont de petites merveilles de composition. Le premier cycle dans cet enregistrement, Cyprès fut composé pendant les chaudes semaines de l'été de 1876 d'après des poèmes d'amour de Gustav Pfleger-Moravsky. Musicalement assez proches de Schubert, il a, par contre, une intensité plus Schumanniènne. Véritable catalogue d'idées, ce cycle a servi au compositeur comme un fond où puiser quand il était à la recherche de thèmes pour d'autres types de compositions.
Le deuxième cycle les Chants du soir a été composé en 1876 mais, d'après leur structure et accompagnement très schumannien, il se peut que sa composition puisse être antérieur à cette date.
Le troisième cycle Les chant tziganes fut composé pour le ténor allemand Gustav Walter, qui en assura la création le 4 février de 1881 à Vienne. Ce cycle à vraiment ouvert la porte à Dvorak aux salons des chants européens, et il est parmi l’enregistrement des premières oeuvres du compositeur.
Il faut mentionner l'art vocal et artistique superlatif du ténor Pavol Breslik qui nous donne une version absolument réussie, avec une intensité et expressivité hors du commun. Il est très bien accompagné au piano par Robert Pechanec et on peut dire déjà qu'ils sont une référence dans ce type de répertoire.

Philippe Adelfang, septembre 2017.

lundi 31 juillet 2017

Mahler 5 le tandem Minnesota/ Vänskä dans un élan parfait.

Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n°5 en do dièse mineur
Minnesota Orchestra, Osmo Vänskä direction
BIS-2226, enregistrements juin 2016.

La cinquième symphonie de Mahler composée entre 1901-02, peut être considérée à plusieurs égards comme un espèce de requiem philosophique ou esthétique d'une époque. Véritablement, quand on écoute cette marche funèbre du début, on est presque tenté de se demander: pour qui l'enterrement?
Si bien Mahler évoluait au sein d'une société multiculturelle qui était, disons, à son apogée, cette époque incroyable du point de vue artistique de l'Empire Autrichien contenait aussi les germes de sa destruction. Musique d'anticipation, cette cinquième possède déjà tous les éléments descriptifs qui vont préfigurer le cataclysme à venir, et qui finira abruptement une belle époque marquée par un développement artistique et culturel comme jamais auparavant. D'une certaine façon cette musique de Mahler serait un peu le mélodrame sociologique d'une époque.
La version qui nous occupe dans cette chronique est absolument magistrale. Osmo Vänskä conduit l'orchestre du Minnesota, avec une sensibilité et justesse remarquable. Cette cinquième est le premier volet d'une intégrale à venir, qui sera sans aucun doute une référence, tant sur le plan artistique, comme sur le plan technique, et surtout parmi la grande quantité de versions qu'on peut trouver sur le marché.
On attend avec hate et impatience les prochaines à venir, la sixième et la deuxième sont déjà en chantier. La production de BIS est comme d'habitude impeccable.

Philippe Adelfang, juillet 2017.

mercredi 5 juillet 2017

Krassimira Stoyanova, Verismo. Un plaisir pour le cœur et pour l'âme!

Krassimira Stoyanova, Verismo
Münchner Rundfunkorchester, Pavel Baleff direction
Orfeo: C899171A, enregistrements octobre 2015 et janvier 2016.

Pour ce nouvel enregistrement de la soprano bulgare Krassimira Stoyanova, le choix artistique est basé sur un ensemble d'airs d'opéra «véristes». La sélection est à la hauteur de son interprétation. Magistrale! Stoyanova possède une voix absolument mélodieuse et transparente. Avec sa technique incomparable et un phrasé parfait, elle nous mène dans un parcours d'émotions et passions humaines de toute sortes. On trouve dans cet enregistrement, des merveilles uniques. Une Signore,ascolta (Turandot) magistral, ou In quelle trine morbide (Manon Lescaut) d'une dimension humaine, mais je retiens l'attention dans le fameux air Ebben? Ne andrò lontana (La Wally) du regretté Alfredo Catalani décédé seulement à 39 ans! Stoyanova est absolument impériale! Et ce n'est que pour faire un simple choix pour cette chronique. L'enregistrement est parfait du début à la fin!
La complicité musicale et artistique de l'Orchestre de la Radio et Télévision de Munich est totale. Et surtout avec la merveilleuse direction de Pavel Baleff, ils assurent un accompagnement de premier ordre, pour rendre cet enregistrement indispensable dans un répertoire déjà bien garnis.
Un plaisir pour le cœur et pour l'âme!

Philippe Adelfang, juillet 2017

mercredi 28 juin 2017

Zhu Xiao-Mei joue les Suites françaises de Bach. La conquête de la simplicité!



J.S.Bach, Les suites françaises BWV812-817
Zhu Xiao-Mei, piano
Accentus Music:ACC30404, enregistrement mai 2016

C'est difficile pour un artiste d'appliquer une recette à son art. Quand la recherche passe par un travail silencieux d'orfebre, il ne reste qu'applaudir en silence. Zhu Xiao-Mei, est peut être, à mon avis, une des plus grandes interprètes de la musique J.S.Bach. Simplement à l'écoute de ses enregistrements, on se rend compte qu'on est face à un artiste tout particulier. Disons que l’interprète s'efface derrière l'oeuvre. Paradigme du XIX siècle, le rôle de l'instrumentiste reste tout aussi important que celui du compositeur, mais il prend une autre dimension quand le respect du texte est, non seulement une responsabilité, mais une vocation.
Enregistrement essentiel, qui fait le bonheur de l'âme.
«Conquérir la liberté, c'est conquérir la simplicité.» Joan Miró (Interview à Xiao-Mei fait par Michel Mollard.

Philippe Adelfang, juin 2017  

Wagner-Ouvertüren & Vorspiele, Staatskapelle Dresden, Hiroshi Wakasugi

Richard Wagner (1813-1883)
Der Fliegende Holländer, ouverture (version 1860)
Tannhäuser, ouverture
Rienzi, ouverture
Lohengrin, préludes à l'acte I et III
Staastkapelle Dresden, Hiroshi Wakasugi, direction
Enregistrements (Eterna) 1984.

Cet enregistrement est pour les amateurs avertis, c'est certain. Mais ils seront comblés par cette série du label allemand Berlin Classics d'enregistrements historiques pris du riche fond de catalogue d'Eterna.
Entre les grands noms de réputés chefs d'orchestre, je retiens pour cette chronique celui de Hiroshi Wakasugi. Né à New York en 1935, il fera carrière au Japon, après avoir fini ses études à Tokyo et en créant l'Opéra de Chambre de cette même ville en 1968. Wakasugi fera aussi carrière en Allemagne où il sera directeur musical invité de la Staastkapelle de Dresde de 1982 jusqu'à 1991. C'est dans cette période que cet enregistrement a été réalisé.
Le son de ces archives est excellent, et ils nous donnent une preuve éloquente de la qualité artistique du chef et d'un orchestre dont la réputation est immense.
Encore une fois, l'industrie discographique est à la rescousse d'un patrimoine sonore, qui probablement  serait perdu sans la vision de certains producteurs.

Philippe Adelfang, juin 2017

lundi 26 juin 2017

Oeuvres orchestrales de Ferruccio Busoni, Chandos Classics

Ferruccio Busoni, oeuvres orchestrales
John Bradbury, clarinette
Neslon Goerner, piano
BBC Philharmonic, Neeme Järvi direction.
2 CD avec des enregistrements faits en 2002 et 2005 dans la série 2 x 1 de Chandos.
Avec le recul du temps, certains compositeurs finissent par se placer. Le cas de Ferruccio Busoni (1866-1924) est un paradigme. Le compositeur a souvent pris des détours esthétiques tout au long de sa carrière. À l'écoute de ses oeuvres on dirait que plus d'une main a travaillé les partitions, tant la diversité de styles est exposée dans son écriture.
La Suite Orchestrale n°2 op.34A qui ouvre ce CD, représente le style d'écriture en vogue vers la fin du XIX siècle.Composée en 1895 mais révisée en 1902-03 elle se trouve sur la même voie que les poèmes symphoniques de Richard Strauss, ou les premières symphonies de Gustav MahlerL'orchestration est brillante et la musique agréable à écouter, d'ailleurs, on ne comprends pas très bien pourquoi le compositeur l'a relégué au fond du tiroir.
Avec la Berceuse élégiaque op.42 composée en 1909, Busoni se rapproche d'une esthétique plus expressionniste. C'est une oeuvre inspirante, magistralement écrite qui s'inscrit déjà dans un langage propre au XX siècle, celui de l’expressionnisme allemand.
Avec le Concertino pour clarinette et orchestre op.48 écrit en 1918 Busoni prend un chemin plutôt néo-classique en se rapprochant de la deuxième esthétique que Strauss a adopté avec son opéra Ariadne auf Naxos. Le soliste dans cet enregistrement John Bradbury est tout simplement brillant. Offrant un son chaleureux et une technique époustouflante il contribue à faire de celle-ci une version anthologique.
Avec la Sarabande et Cortège tirés de son opéra Doktor Faust de 1918, le langage est à nouveau plus prêt de la Berceuse élégiaque, plus hermétique et proche d'un univers expressionniste.
Avec Tanzwalzer Busoni rend hommage non seulement à Johann Strauss mais aussi à toute une époque qui arrivait à sa fin.L'oeuvre est légère et brillamment orchestrée. Disons plus un jeu qu'un défi de discours.
L'Ouverture de comédie op.38 fut composé en une seule nuit en 1897, et présente un style plutôt classique avec des ingéniosités harmoniques très intéressantes. Disons un Mozart aux portes du XX siècle. Ceci prouve que l'évolution de Busoni n'était pas trop linéaire. Son esthétique changa souvent selon le thème de composition et d'inspiration.
Avec la Fantaisie Indienne op.44 de 1913-14 Busoni nous présente ses impressions de l'univers du “Far west” américain, un peu à l'européenne. Il s'agit d'un espèce de concerto pour piano et orchestre qui fut joué pour la première fois en mars de 1914 avec la Philharmonique de Berlin et le compositeur comme soliste. Notre deuxième soliste Nelson Goerner est absolument magistral, tant dans l'aspect technique comme artistique, rendant les lettres de noblesse à une oeuvre qui devrait être plus souvent jouée, surtout quand les orchestres sont à la recherche d'un répertoire moins connu.
Le chant de la danse des esprits op.47 de 1915 s'inscrit dans la série des élégies orchestrales comme la Berceuse précédente. Oeuvre grave et triste, avec également un thème tiré du folklore  amérindien.
Cette belle ré-édition dans une mouture pratique de 2 CD pour le prix d'un se termine avec la suite de l'opéra Die Brautwahl (Le Choix de la fiancée) écrite en 1912. La suite fut créée en 1913 également par la Philharmonique de Berlin, et nous montre une série de tableaux qui représentent des épisodes différents de cet opéra.
Cet enregistrement nous permet de connaître des oeuvres d'un compositeur qui n'est presque jamais joué aux concerts, mais qui,  à son époque,  jouissait d'une réputation et  d’un  respect énorme. La preuve de ceci ce sont les orchestres de premier rang qui ont souvent assuré la création mondiale de ses oeuvres.
L'Orchestre de la BBC, dirigé brillamment par Neeme Järvi, nous livre des versions remarquables, qui sont déjà une référence dans la discographie pas trop volumineuse de ce compositeur. Un juste hommage à un talent différent et unique dans l'histoire de la musique.

Philippe Adelfang, juin 2017.

samedi 17 juin 2017

Haochen Zhang joue Schumann-Liszt-Janacek-Brahms

Schumann-Liszt-Janacek-Brahms
Haochen Zhang, piano.
Robert Schumann, Kinderszenen op.15
Franz Liszt, Ballade n°2 S.171
Leos Janacek, sonate n°1.X.1905
Johannes Brahms, Drei Intermezzi op.117
BIS-2238, enregistrement février 2016.

Quand Beethoven eut publié les partitions de ses dernières sonates, il savait très bien qu'une époque était en train de s'achever. Processus difficile à mesurer par ses contemporains, mais quelle évidence pour la génération de compositeurs qui lui suivirent. Schumann, Liszt, Chopin et le jeune Brahms ont tous essayé de composer des sonates, mais le seul qui a vraiment su capitaliser le legs beethovénien,c’est Franz Liszt en introduisant la musique à programme aux pièces de piano. Avec cette technique le compositeur n'est plus obligé de dépendre d'une forme pré-établie (sonate) pour articuler sons discours. Petite grande révolution, qui sera suivie par tous les autres. La génialité consiste à prendre un sujet externe qui articule et module le discours, la grammaire et syntaxe musicale.
Dans cette voie, une pléiade d’œuvres, recueils et séries de pièces, presque toutes ayant une forme ternaire, plus simple et mieux adaptée à raconter une histoire, seront écrites et composées par à peu-près tous les compositeurs des générations qui suivirent le maître de Bonn.
Ce récital vraiment inspiré et intimiste que nous offre le jeune pianiste chinois Haochen Zhang (médaille d'or du concours Van Cliburn 2009), est à la mesure des œuvres jouées.

«Cet album renferme des œuvres qui non seulement me parlent d'une manière très intime, mais encore sont-elles reliées l'une à l'autre sur un niveau correspondant d'intimité : dans leur ensemble elles forment une unique narration musicale» Haochen Zhang dixit.

Enregistrement parfait, essentiel, à la hauteur de l'espoir de ce jeune pianiste. On attend avec impatience les autres à venir.

Philippe Adelfang, juin 2017.

samedi 10 juin 2017

Deuxième volume des concertos pour piano et orchestre par Florian Uhlig

Le pianiste allemand Florian Uhlig poursuit son projet d'enregistrement des concertos « français » en présentant ce deuxième volume avec des œuvres connues et d'autres beaucoup moins jouées.
L'enregistrement commence avec le concerto de Ravel (1875-1937) en Ré majeur dit Pour la main gauche. Si la version est un  peu martiale, Uhlig déploie un son époustouflant toujours très rond, et en faisant preuve d'une technique remarquable.
Quel plaisir d'entendre la ballade pour piano et orchestre de Germaine Tailleferre (1892-1983),très peu enregistrée et qui s'enligne dans la tradition française de Debussy, Ravel et D'Indy. Bien qu'elle a des accents modernes, l’œuvre ne perd jamais son repère d'appartenance.
Avec la Fantaisie variée pour piano et orchestre de Nadia Boulanger (1887-1979), on rentre dans un discours plus romantique, disons exotique ou oriental. Des influences de la musique russe sont présentes dans une œuvre tout à fait originale qui mérite d'être plus souvent jouée et enregistrée.
L'enregistrent se fini avec le concerto pour piano et orchestre de Jean Françaix (1912-1997), absolument classique dans sa forme et langage, mais avec des accents de musique disons plus populairesComme une petit brise d'air frais, il nous relaxe et nous transporte dans un monde plus enfantin.
Cet enregistrement nous montre comment la musique pour piano et orchestre composée en France après la Première Guerre Mondiale, était très différente de ce qui ce faisait dans d'autres pays, et en Allemagne plus précisément.
Un petit paragraphe pour parler du très jeune orchestre Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern créé seulement en 2007 avec la fusion des orchestres SR et SWR, dont le son et les couleurs orchestrales sont absolument magnifiques. Tâche pas facile, de jouer un répertoire français où le son doit avoir une personnalité indépendante du discours. L'orchestre est guidé brillamment par le chef espagnol Pablo González, qui assure une cohésion remarquable.

Album SWR19027CD
Enregistrement : novembre 2015

Philippe Adelfang, juin 2017.

lundi 5 juin 2017

Alexandre Kantorow, piano à la russe!

À la russe.
Rachmaninov: sonate n°1 op. 28
Tchaikovsky: deux des 18 morceaux op.72
Stravinsky de l'Oiseau de feu (transcription Guido Agosti)
Tchaikovsky: Scherzo à la russe op. 1 n°1
Balakirev: Islamey op. 18
Alexandre Kantorow, piano.
BIS-2150 enregistrements avril 2016.

Ce deuxième enregistrement d'Alexandre Kantorow pour le label BIS est simplement magnifique. Le répertoire choisi d'une difficulté gigantesque, souligne l’intelligence et les  qualités artistiques et techniques de ce merveilleux pianiste.
Que ce soit dans la vaste première sonate de Rachmaninov, d'une beauté égale à sa difficulté, Kantorow nous livre peut-être une des meilleures interprétations de ces dernières années.
Un autre sommet de cet enregistrement c'est la transcription pour piano solo réalisée par Guido Agosti des trois morceaux de L'Oiseau de feu de Stravinsky, où Kantorow déploie toute son énergie a transformer le piano en un véritable orchestre de couleurs et dynamiques.
Les pièces de Tchaikovsky sont plutôt des moments de répit, comme des haltes entre deux montagnes. L'enregistrement  finit avec une version d'Islamey de Balakirev, qui restera parmi les meilleures pour ce chroniqueur.
Enregistrement formidable, qui témoigne non seulement de la qualité artistique et la virtuosité technique de ce génial pianiste mais aussi la beauté du programme choisi.

Philippe Adelfang, juin 2016.

mercredi 31 mai 2017

Brahms par Herreweghe, ou la recherche de la beauté!

Johannes Brahms
Symphonie n°4
Rhapsodie pour alto, chœur d'hommes et orchestre
Schicksalslied
Ann Hallenberg, mezzo
Collegium Vocale de Gent
Orchestre des Champs-Élysées
Philippe Herreweghe, direction.

La beauté d'une interprétation réside souvent dans une recherche, presque toujours inaboutie, d'une pureté du son. En essayant d'enlever, le plus possible, tout artifice dans son geste, pour pouvoir libérer le discours de tout obstacle qui puisse nuire au message.
C'est alors que la version devient une référence, elle nous fait vibrer, et on ne peut pas s'en passer.
C'est tout à fait le cas, de cet enregistrement exceptionnel de l'Orchestre des Champs-Élysées, sous la direction de Philippe Herreweghe, qui nous offre trois monuments de Brahms. La quatrième symphonie op 98 en mi mineur, est d'une lucidité presque surréel. Le son de chaque section de l'orchestre est toujours soigné jusqu'aux moindres détails d'une partition dont sa difficulté nous laisse perplexe encore de nos jours.
Ann Hallenberg est magistrale dans la Rhapsodie pour Alto chœur d'hommes et Orchestre op.53, et les choristes du Collegium Vocale de Gent sont absolument impeccables dans le Schicksalslied op. 54.

Une référence pour ce chroniqueur.

Philippe Adelfang, mai 2017. 

jeudi 11 mai 2017

Saint-Saëns concerto pour piano n°3


Saint-Saëns
Concerto pour piano et orchestre n°3
Africa
Rhapsodie d'Auvergne
Caprice-Valse 
Romain Descharme, piano
Orchestre Symphonique de Malmö
Marc Soustrot, direction.
Naxos 8573477
Enregistrement juin 2015 
Album disponible maintenant chez amazon.ca




«Entrevue à Romain Descharmes réalisée par Laurence Vittes au moment de l'enregistrement des concertos de Saint-Saëns.»

Romain Descharmes:
"Quand on m'a proposé ce projet incroyable, j'étais très excité par l'idée de faire une intégrale. Je pense que c'est le meilleur moyen pour vraiment se plonger dans l'univers d'un compositeur.
J'ai ensuite pris conscience de l'ampleur du travail, en me procurant toutes les partitions... Tellement de notes, de gammes, de pirouettes en tout genre!
Finalement, au bout d'un moment, j'ai pris des habitudes et des réflexes qui m'ont permis de chercher la musique pure au delà de la technique. C'est une partition admirablement bien écrite pour le piano et avec laquelle on peut exprimer une infinité de couleurs et de sentiments.
C'est bien sûr le plus gros du travail. Seul devant son piano.
Puis le jour de l'enregistrement arrive. Alors on rencontre le chef, l'orchestre, l'ingénieur, le producteur.
Le contact a été très facile avec tout le monde et nous nous sommes tous très bien entendu musicalement et humainement.
Nous avions beaucoup de contraintes de temps, donc je devais être très prêt à enregistrer. Seulement quelques heures par jour pendant 5 jours, il fallait être efficace... On faisait une petite répétition et ensuite on enregistrait. Heureusement je pouvais faire confiance à l'orchestre, au chef Marc Soustrot et également à l'ingénieur Sean Lewis qui avait une oreille sur chaque instrument et qui nous disait exactement quels passages nous devions refaire. Pendant les pauses et après les journées d'enregistrement, j'écoutais avec lui pour contrôler et décider plus ou moins des bonnes prises pour le montage. Ensuite il nous a envoyé ce montage et nous avons pu corriger les dernières petites erreurs avant de tout valider.
Tout le monde connait les 2ème et 5ème concertos (je les avais joué de nombreuses fois avant l'enregistrement), mais j'ai découvert les 3 autres concertos qui ne sont pas souvent joués (voire jamais) et qui méritent vraiment le détour. Personnellement, j'aime beaucoup le 4ème (à venir prochainement).
On ressent bien l'évolution de l'écriture de Saint Saëns dans ces 5 concertos. Du 1er très virtuose et classique au 5ème plus profond avec des inventions sonores incroyables. Même les pièces isolées, qui pourraient passer pour des choses sans intérêt, sont finalement d'une inventivité vraiment spéciale.
Au delà des difficultés techniques gigantesques, j'ai pris énormément de plaisir à enregistrer toute cette musique qui reflète parfaitement l'esprit, les couleurs et l'expressivité française.

C'était très facile de travailler avec l'orchestre de Malmö. Ils ont beaucoup de contraintes d'horaires, le planning est très précis et très minuté, mais nous n'avons pas perdu de temps. C'était très efficace. J'avais déjà joué le 2ème concerto avec eux, et ils connaissait le 5ème. Mais tout le reste était une découverte pour eux aussi. Avec Marc Soustrot et l'orchestre, nous avons beaucoup parlé de tempo, de phrasé, d'articulations, et de la finesse et l'élégance française nécessaires pour défendre cette musique.
Pour l'édition, j'ai utilisé Durand. C'est un peu la référence en matière de musique française. J'avais bien sûr les partitions de piano avec moi. Mais avec une réduction de l'orchestre pour un 2ème piano. Sinon, il y aurait beaucoup trop de pages à tourner.. Donc en jouant la partie de solo, j'ai la musique de l'orchestre également sous les yeux. J'ai vérifié sur la partition d'orchestre pour certains passages pour savoir quel instrument jouait à tel ou tel moment.
Je ne me souviens plus à quel moment j'ai commencé à travailler toutes ces partitions. Un peu plus d'un an avant l'enregistrement, nous nous sommes mis d'accord avec Naxos sur toutes les pièces de Saint Saëns puis, sur les plannings. Et j'ai commencé à travailler en gros 8 mois avant le début de l'enregistrement. Mais c'est un travail long, et qui demande du temps pour assimiler toute cette musique, résoudre les problèmes techniques et musicaux. Nous avons fait 2 sessions d'enregistrement, en juin et en août. J'étais bien préparé pour la 1ère partie, et ensuite j'ai passé un début d'été très intense pour préparer la 2ème partie...
Le 5ème concerto est pour moi le sommet de ce groupe. Un 1er mouvement plus intime et introspectif que virtuose, un 2ème mouvement extrêmement varié et inventif, et un final très enlevé qui marche toujours en public, parce qu'il est très impressionnant.
Le 2ème est très difficile physiquement, parce qu'il est long, intense, et il n'y a aucun moment où l'on peut se reposer. Il y a une sorte de combat entre le piano et l'orchestre, qui fait exploser le final, et marche très bien avec le public. C'est vraiment quelque chose de jouissif."

Entrevue réalisée par Laurence Vittes




Les concertos 1 et 2 avec l'Allegro appassionato est toujours disponible sur: archambault.ca , renaud-bray.com et amazon.ca