«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

dimanche 22 décembre 2013

John Adams, trois œuvres chez Chandos

John Adams( 1947)

-Doctor Atomic Symphony- 2007
-Short Ride In A Fast Machine - 1985
-Harmonielehre - 1984-85

Royal Scottish National Orchestra
Peter Oundjan, direction
Enregistrement:: février 2013
Super audio CD: CHSA 5129


Voici une nouveauté discographique intéressante de Chandos qui nous présente trois œuvres du compositeur américain John Adams.
Tout d'abord la "Doctor Atomic Symphony" où l'on peut écouter les passages orchestraux de son célèbre opéra Doctor Atomic, commandé par le "San Francisco Opera House" en 2005. L'opéra raconte l'histoire du scientifique en charge du "Projet Manhattan", Robert Oppenheimer dans cet été de 1945 au moment du test de la première bombe atomique dans le désert du Nouveau-Mexique.
C'est une excellente occasion permettant d'apprécier toute la palette orchestrale du compositeur, ainsi que sa veine mélodique et rythmique très particulière.

Les deux œuvres qui suivent sont antérieures, "Short Ride in a Fast Machine" a été composé pour le Great Woods Festival en 1986, et l'on peut apprécier l'Adams des fanfares à la Copland. Une très petite pièce de 4 minutes qui était à l'origine comme une seconde partie d'un diptyque de fanfares pour grande orchestre.

Mais l'oeuvre qui retient mon attention c'est la troisième de ce disque: "Harmonielehre de 1984-1985". Elle a été créée par l'Orchestre de San Francisco sous la direction d'Edo de Waart. On retrouve dans cette oeuvre tout le langage essentiellement minimaliste du compositeur. Ce type de langage, qui eut comme grands exposants: Philip Glass et Steve Reich, trouva peut être chez Adams, un dernier renouvellement. Il me semble que la clef du compositeur fut la fusion des structures répétitives issues du courant minimaliste, avec un langage plus post-moderne, où il intercale des passages à saveur post-romantiques et même impressionnistes. Le titre de l'oeuvre fait référence au traité d'harmonie de Schoenberg, ainsi qu'à la mémoire de Mahler.
Peut-être Adams nous a annoncé à l'époque une prise de position, consciente ou non, sur l'avenir de la musique contemporaine.
Ce disque est superbement interprété par l'Orchestre Nationale de l'Ecosse, et magistralement dirigé par le chef torontois Peter Oundjan.
Un plaisir pour les sens!

Philippe Adelfang

samedi 14 décembre 2013

DANIEL CLARKE BOUCHARD, SCÈNES D'ENFANTS


À 13 ans, le pianiste québécois Daniel Clarke Bouchard rayonne déjà sur la scène musicale montréalaise et présente Scènes d’enfants son premier disque solo. Dans un programme taillé sur mesure, il interprète des œuvres de Mendelssohn, Debussy, Haydn et Chopin.
Aussi allumé par le jazz que par la musique classique, Daniel propose sur ce disque deux pièces en duo avec son mentor, Oliver Jones: une improvisation à deux pianos sur les Variations Ah vous dirai-je maman de Mozart, ainsi que la Grande valse fofolle de Léveillée que les deux amis avaient d’abord joué aux Francofolies de Montréal à l’été 2012. 
Atma: ACD2 2698

MARC HERVIEUX, MES PLAISIRS... LA SUITE




Devant l’engouement du grand public pour le CD Mes plaisirs…, Marc Hervieux présente six chansons non publiées de cet album, des trésors cachés enfin dévoilés, dont Quand on a que l’amour, Une chance qu’on s’a et Je vais t’aimer, dans des arrangements symphoniques réalisés par Simon Leclerc. En bonus, le ténor québécois offre sur ce CD des titres supplémentaires, tirés de ses albums A Napoli et Tenor Arias. Accompagné par l’Orchestre symphonique de Québec,Marc Hervieux a enregistré ces chansons en concert à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec, en février 2013.

Atma: ACD2 2694

BACH • CANTATES POUR L'ÉPIPHANIE (72, 81, 155, 156)





Voici le cinquième volume du projet ATMA consacré aux cantates sacrées de Johann Sebastian Bach, présenté en collaboration avec le Festival Montréal Baroque qui se tient chaque année dans le Vieux-Montréal dans des lieux et salles historiques aussi divers que des églises, usines et entrepôts dont certains remontent au XVIIIe siècle. 

L’une des politiques artistiques d’ATMA est d’intégrer des musiciens étrangers de haut niveau à sa production discographique, ce volume cinq des cantates sacrées présente Monika Mauch, une soprano allemande, Franziska Gottwald, une mezzo-soprano, allemande également, le ténor anglais Charles Daniels, la basse néerlandaise Harry van der Kamp, le chef d’orchestre américain Eric Milnes, et l’orchestre canadien Montréal Baroque. Les enregistrements de ces cantates sacrées sont à l’affût des plus récents travaux sur l’oeuvre de Bach. De plus, les chorals sont chantés par les solistes à une voix par partie.


Atma: ACD2 2404

vendredi 6 décembre 2013

American piano concertos, nouveauté chez Chandos

American Piano Concertos
Gershwin
Copland
Barber
Xiayin Wang, piano
Roya Scottish National Orchestra, Peter Oundjian
CHANDOS: CHSA 5128
Quelle intéressante nouveauté nous offre le label Chandos dans ce disque super audio. La virtuose chinoise Xiayin Wang a choisi trois concertos pour piano de compositeurs américains qui ont évolué, avec grande importance, tout au long de notre XX siècle. Samuel Barber, Aaron Copland et Georges Gershwin eurent, comme expérience commune, le fait d’avoir fait des études en Europe. Paris fut souvent la ville choisie, comme le firent Copland et Gershwin. Mais d’autres ont choisi d’aller à Rome. Ce fut le cas pour Barber, qui réalisa des études entre 1935 et 1937, après avoir décroché le prestigieux prix de Rome américain en composition musicale.
Son concerto op 38  de 1962 est un hommage à une musique qui garde toujours un équilibre et une musicalité tout à fait française. Son deuxième mouvement très ravélien, est un compte rendu de toute une époque où l’on voulait encore chanter d’une façon équilibrée et toujours harmonieuse.
Le concerto de Copland est d’une certaine façon, la recherche d’installer des formules de jazz dans un contexte de musique sérieuse du XX siècle. On dirait que Copland déconstruit la musique de son époque pour arriver, comme seul remède ou solution, à des formules rythmiques tirées de la musique de Jazz. L’effet est réussi, et donne à l’oeuvre une fraîcheur et une originalité à toute épreuve.
Le concerto de Gershwin est le plus célèbre des trois. Ici le Jazz n’est pas la solution à des problèmes techniques, mais au contraire, c’est l’essence et le germe de la musique. On dirait que le seul rattachement à une musique dite « européenne » est dans son orchestration généreuse et colorée.
Bravo pour Xiayin Wang qui nous donne des versions accomplies et extrêmement précises de ces oeuvres. La musique est là et l’inspiration aussi. C’est l’essentiel!

Philippe Adelfang.

lundi 2 décembre 2013

York Bowen Symphonies n°1 et n° 2 chez Chandos.


Affichage de Bowen image.jpg


York Bowen (1884-1961)
Symphonie no. 1, op.4, en sol majeur  (1902 – première mondiale)
Symphonie no. 2, op. 31, en mi mineur (1909)

BBC Philharmonic
Sir Andrew Davis, chef

Chandos CHAN 10670
Enregistrement : 2010
Durée : 73 min. 23

Il y a quelques mois, je faisais l’éloge de Georg Schumann (1866-1952) à propos d’une belle symphonie qu’il avait composée à 18 ans (CPO 777 464-2). Voilà que je viens de découvrir  une autre superbe symphonie écrite au même âge par un compositeur britannique. Encore une fois, autant j’ai été séduit par la fraîcheur du discours et l’étonnante maturité formelle et technique, autant j’ai été surpris d’apprendre qu’il ait fallu attendre aussi longtemps pour l’enregistrer. 

Le livret suppose que sa réticence « à embrasser les influences émergentes fut peut-être à l’origine de l’indifférence manifestée à l’égard de sa musique dans les dernières décennies de sa carrière. » C’est loin d’être un cas unique. À cela s’ajouterait à mon avis le fait que l’on a trop tendance à préjuger négativement les œuvres de jeunesse; le piège des comparaisons avec les œuvres des prédécesseurs resserre vite son étau au détriment d’une juste appréciation.

J’en veux pour preuve certaines critiques de ce disque que j’ai lues qui, sans dénigrer totalement cette symphonie de jeunesse, la  déconsidère en en rappelant les influences, aussi diverses qu’il y a de commentateurs. Il me semble que juger implacablement une œuvre comme inférieure en raison des antécédents, aussi géniaux soit-il, procède d’un certain aveuglement, surtout que de nos jours nous avons accès à tellement de répertoire que les évocations deviennent aussi multiples que trompeuses. Aurait-on oublié de se demander si de prime abord l’œuvre avait quelque charme qui mérite qu’on la ré-écoute avec plaisir ? Est-il vraiment impossible d’apprécier une œuvre pour ce qu’elle est intrinsèquement ? N’y a-t-il pas lieu de chercher comment une personnalité singulière se dégage au-delà  de toute référence externe ? Nous avons ici un beau cas et comme je suis bon public et sincère admirateur des artistes de talent, j’ai écouté l’œuvre sans encombre (pseudo-)historique et mon premier contact n’en a été que des plus profitables.

L’auditeur prendra plaisir à découvrir cette première symphonie, d’une demi-heure et en trois mouvements et écrite pendant que le compositeur était encore aux études. Le premier mouvement (Allegro assai) de forme sonate (exposition de deux thèmes contrastants, développement et récapitulation thématique) ouvre avec un thème altier, gai, plein d’assurance avec des cordes alertes et des cuivres à la sonorité pleine. Le deuxième thème (à 2min.14) contraste par sa tendresse mais sans devenir sombre ou triste. Les reprises de ces thèmes (8min.26 et 10 min.15) et la finale offrent peu de surprises mais le développement (à 4 min.18) révèle une maîtrise du discours admirable pour un si jeune auteur. 

Le deuxième mouvement (Larghetto), le plus beau moment de la symphonie, est une longue méditation romantique où un thème doux et pensif se déploie à travers plusieurs pupitres avec des touches harmoniques qui touchent directement au cœur sans verser dans un sentimentalisme névrosé. Le dernier mouvement (Allegro con brio)  expose un  thème optimiste et viril  qui culmine, après un élan grandiose volontairement interrompu par un contraste de texture comme pour nous faire patienter de façon espiègle (vers 6 min.50), dans une finale conventionnelle mais néanmoins satisfaisante.

Quant à la deuxième symphonie (43 min.12), écrite à 25 ans, elle comporte quatre mouvements où les textures orchestrales sont plus recherchées. En effet, toute la section des bois (flûte, hautbois, clarinette, basson), trompettes et trombones passent maintenant à trois (3 flûtes, 3 hautbois, etc.); les cors sont au nombre de six avec parfois autant de parties écrites pour chacun. Dès le début, on sent une évolution surprenante sur le plan harmonique, moins en phase avec les courants situés à l’extrême de l’avant-garde mais tout de même nettement plus audacieuse que dans la première symphonie.

Le troisième mouvement (Allegro scherzando) est le mouvement qui m’a le plus impressionné par son orchestration vivement colorée, son caractère aérien, des traits individuels très mobiles, tous des éléments  qui créent une atmosphère grandement  féérique. À lui seul, cet intermède vaut l’acquisition du disque. Les autres mouvements sont d’une grande force expressive post-romantique mais sans la lourdeur germanique. Le dernier mouvement, en particulier, essentiellement un allegro con fuoco, aborde les franges du fantastique tel qu’il aurait pu servir de poème symphonique à une nouvelle d’Edgar Allan Poe avant de conclure sur une finale extatique et triomphante. Bref, il s’agit de l’œuvre d’un jeune musicien qui pouvait désormais se mesurer sans complexe avec ses contemporains.

J’attends donc avec impatience que Chandos nous présente les deux autres symphonies de celui que l’on a surnommé, en raison de sa virtuosité pianistique, le « Rachmaninov anglais ». C’est donc dire que sa musique pour piano offre sûrement de l’intérêt ainsi que sa musique de chambre pour cor et pour alto, deux instruments qu’il avait maîtrisé jusqu’à un niveau professionnel. Si sa musique symphonique se portait garante de la qualité dans tous les autres genres qu’il a abordés (et j’ai de bonnes raisons d’en préjuger à la lumière de ce que j’ai écouté), alors  nous avons affaire à un compositeur de très grande classe trop injustement ignoré.

Guy Sauvé
Décembre 2013