«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

dimanche 1 avril 2012

Telemann: Der Tod Jesu, chez Rondeau Productions.


Siri Karoline Thornhill, soprano
Suzanne Krumbiegel alto
Albrecht Sachs, ténor
Gotthold Schwartz, basse
Bach Consort Leipzig
Gotthold Schwartz, direction
Rondeau: ROP6038

Der Tod Jesu n’est pas une mise en musique habituelle de la passion du Christ. Contrairement aux passions mieux connues de Bach (par exemple), le texte utilisé par Telemann n’est pas tiré des Évangiles, mais a plutôt été écrit par Karl Wilhelm Ramler. Le résultat est une sorte de commentaire affectif sur des épisodes précis de la Passion, en particulier ceux qui impliquent des moments émotifs forts qui sont vécus par les protagonistes. Une attention spéciale a été portée sur les personnages « ordinaires » qui sont impliqués dans le drame (des passants, des témoins insoupçonnés) ou encore aux moments d’émotion intime vécues par les personnages, plutôt que strictement sur les grandes figures imposantes. Le librettiste a manifestement voulu rapprocher son œuvre du public issu du peuple, et non des princes et autres gens de cour.

Telemann s’est emparé du livret et l’a mis en musique pour une première représentation en 1755. Le compositeur n’était pas étranger à l’exercice des cantates sur le sujet pascal (il composa une quarantaine de passions!). À la différence de Graun qui mit en musique lui aussi le même texte avec un langage mélodique plus moderne et galant, Telemann utilise la rigueur baroque pour donner vie aux différents personnages et aux évocations de Ramler. Ceci étant dit, Telemann apporte quelques innovations intéressantes, particulièrement remarquées dans le traitement des récitatifs. Ceux-ci sont en effet accompagnés par des partitions à trois voix, ce qui est plus élaboré que dans les standards du baroque sacré. Qui plus est, les récitatifs, plutôt que de se contenter de propulser l’action pour arriver plus rapidement au prochain air, expriment ici une palette plus large de sentiments et d’intimité affective.

La musique de Telemann est belle, mais réservée. Elle n’a pas cette flamboyance lumineuse ni cette facilité mélodique des grands standards du répertoire. On ne s’y ennuie pas, mais il faut accepter d’aller à la rencontre d’une œuvre mesurée et discrète.

Les performances musicales sont assez belles. Les voix ont une belle ampleur. Le Bach Consort Leipzig fait montre d’une agréable disposition. J’ai remarqué ici et là des fausses notes. En particulier, dans l’introduction, le cor naturel fait preuve d’une faiblesse carrément gênante. Mais tout semble se placer par la suite.

Pour le congé pascal, voici une œuvre qu’il serait tentant d’explorer. Malgré la relative obscurité de cette passion, plusieurs versions existent sur le marché, certaines franchement stimulantes. Celle-ci ne me donne pas l’impression d’être parmi les meilleures.

Frédéric Cardin

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