«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 13 janvier 2012

Odisea Negra, La Chimera sous la direction d'Eduardo Egüez.


Ivan Garcia, voix
Ablaye Cissoko, voix et kora
Teresa Paz, voix
Tato Ruiz, voix et cuatro
Carolina Egüez, voix
La Chimera
Eduardo Egüez, direction
Naïve E 8931

La Chimera est un ensemble de musique ancienne à géométrie variable qui s’est fait une spécialité de fusionner (intelligemment et très habilement) la musique médiévale et de la Renaissance avec des traditions musicales non-européennes, en particulier celles des Amériques. Leur dernière aventure en date est celle de cette « odyssée nègre » qui les amène à côtoyer des musiciens, des sonorités et des traditions de l’Amérique noire et antillaise.

Disons d’emblée que cette fusion est amplement réussit. La preuve que le terme honni de « crossover », s’il est trop souvent synonyme d’opportunisme commercial peu convaincant, peut également se révéler être l’inspiration privilégiée d’un processus de rencontres et d’échanges non seulement constructifs, mais surtout créatifs et enrichissants!

La Chimera, constituée ici de neuf musiciens de haut calibre s’exprimant remarquablement bien aussi bien aux diverses violes qu’au violon, à la harpe ou au théorbe, s’associe avec d’excellents musiciens traditionnels de culture africaine et caribéenne (l’Afrique est le creuset principal d’une large partie de la culture musicale de cet espace lourdement marqué par l’esclavage).

La présence du joueur de kora (un instrument africain à cordes pincées littéralement magique de beauté et de subtilités timbrales) Ablaye Cissoko sera particulièrement mémorable à tous ceux qui ne connaissent pas déjà cet instrument merveilleux et la remarquable musique qui en est issue.

C’est une Amérique centrale caribéenne mais aussi tributaire d’un certain « imaginaire » local qui est proposée dans ce parcours composé de 19 stations témoignant de la riche diversité culturelle de cette partie du monde. Des negrillas (chants polyphoniques issus des missions régionales) au son et la habanera cubaine, en passant par la jacara baroque, le meringue et le joropo vénézuéliens, l’ensemble de cette messe profane hétéroclite est très habilement ficelé dans un scénario cohérent qui s’appuie non sans raison sur la musique, ou plutôt les musiques proposées. Leur proximité, autant stylistique qu’affective, est soulignée par des arrangements brillants et jamais ampoulés. Toutes ces musiques conversent naturellement, telles des amies qu’on avait depuis trop longtemps oublié de réunir.

Vive la mixité!

Frédéric Cardin


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