«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 25 janvier 2012

Kinshasa Symphony un film de Claus Wischmann et Martin Baer


 
Claus Wischmann et Martin Baer, réalisation
C Major 709004 (Blu-Ray)

Si vous pensiez qu’entretenir un orchestre symphonique dans une grande ville occidentale est une tâche ardue, vous n’avez manifestement encore rien vu.

Imaginez des musiciens qui fabriquent eux-mêmes leurs contrebasses, qui taillent et découpent leurs costumes, qui travaillent de 5 heures le matin jusqu’au souper, après quoi ils courent à la répétition qui se poursuivra jusque tard dans la soirée, si l’alimentation électrique n’est pas coupée et que le groupe électrogène veut bien partir, bien sûr.

Ce documentaire est l’histoire touchante d’un orchestre symphonique improbable, situé en plein cœur de l’une des villes les plus chaotiques du monde, Kinshasa, en République démocratique du Congo.

L’orchestre symphonique kimbanguiste (du nom de la religion kimbanguiste, de mouvance chrétienne, elle-même issue d’un certain Simon Kimbangu, prophète autoproclamé de Dieu sur terre) est constitué de musiciens autodidactes qui compensent l’approximation de leur technique par une volonté inébranlable.

Pendant le documentaire, on suit quelques-uns des musiciens, dont un violoniste qui est aussi électricien de dépannage, un contrebassiste qui a appris à tailler sa propre contrebasse, une flûtiste qui se cherche désespérément un logis abordable (quelques dollars par mois!) pour elle et son enfant.

Il est fascinant de voir ces musiciens on ne peut plus amateurs se dévouer totalement à la cause de leur orchestre ou être subjugués par une symphonie de Dvorak entendue sur une vieille radio déglinguée. En les voyant, je me suis rappelé toute l’émotion vitale et viscérale que me procurait la musique classique lorsque je la découvrais pour la première fois moi aussi, il y a bien des années de cela maintenant.

Ceci dit, si le sujet est captivant, on regrettera que les deux documentaristes n’aient pas approfondi plus avant leur sujet. Quelle est la relation véritable entre la religion kimbanguiste et l’orchestre? Comment peut-on expliquer ce choix fait par les fondateurs de l’orchestre d’interpréter cette musique éminemment occidentale?

On devine que l’orchestre est un symbole de stabilité dans un monde complètement éclaté, mais aussi un tremplin offrant la possibilité d’un épanouissement personnel rarissime dans une société qui n’en offre que très peu, voire pas du tout. Mais jamais Wischmann et Baer n’abordent le sujet.

Malgré ces quelques réticences, je me dois quand même de vous encourager le plus fortement possible à vous procurer ce film. Si, comme moi, vous aimez la musique et que vous êtes convaincu de sa puissance émotive et de son incommensurable potentiel d’épanouissement humain, intellectuel et spirituel, vous serez indubitablement touchés par cette Symphonie de Kinshasa.

 Frédéric Cardin

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