«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

jeudi 14 mars 2013

Rubinstein : Don Quixote; Ivan IV chez Delos

Rubinstein : Don Quixote; Ivan IV
State Symphony Orchestra of Russia
Igor Golovchin, dir.
Delos: DRD 2011

Ce disque est une réédition d’une parution Russian Disc de 1994. L’exécution était déjà bonne à l’époque, et le temps n’a pas altéré la qualité de la lecture de l’orchestre russe sous la direction d’Igor Golovchin.

Anton Rubinstein (1829-1894), pourtant très prolifique avec une vingtaine d’opéras, 6 symphonies, 5 concertos pour piano et beaucoup de musique de chambre, demeure largement oublié de nos jours. Si ce n’avait été qu’il fut le professeur d’un certain Tchaïkovsky, ce serait peut-être encore pire.
La musique que l’on entend ici est assez typique de Rubinstein : plus européenne que spécifiquement « russe », intelligemment construite mais sans le génie mélodique de certains de ses contemporains.

Son Don Quixote est assez sympathique au personnage créé par Cervantes. Il souligne les éléments positifs tout en évitant d’accentuer le caractère parfois burlesque et caricatural qui lui est erronément associé. Le long poème symphonique de près de 30 minutes dépeint Quichotte selon trois thèmes principaux : un héroïsme teinté d’une certaine banalité, un altruisme rêvé et fantasmé, puis un idéalisme romantique et naïf.
Aucun des trois thèmes n’est puissamment mémorable, mais le sens de la coloration et l’expression dramatique de Rubinstein lui permettent de créer un flot continu de mouvements et un dialogue entre les motifs qui invitent au sourire. L’utilisation de rythmes de valse triviaux permet de souligner l’aspect dérisoire du personnage. Des développements instrumentaux parfois habiles constituent également l’une des belles qualités de l’œuvre. Tchaïkovsky disait bien aimer cette pièce, mais avouait que « son caractère épisodique lui rappelait un peu de la musique de ballet-pantomime », ce qui est fort bien dit, et assez conforme à ce que j’ai ressenti.

Ivan IV est du même acabit, quoique plus sérieux, le sujet aidant. Rubinstein, encore une fois, est assez bienveillant envers son sujet, soulignant sommes toutes assez timidement le côté obscur (et plutôt envahissant) du célèbre tsar. Ivan IV est construit comme une étude psychologique plutôt que comme un portrait à la fois personnel et séquentiel tel que réalisé pour Don Quixote. La musique est aussi belle que l’autre, et aussi peu mémorable.

Une belle addition qui nous permet de mieux connaître le côté cosmopolite européen de la musique russe du XIXe siècle, sans toutefois constituer un must incontournable.

Frédéric Cardin

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