«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 17 août 2012

Graun: Montezuma chez Arthaus.

Graun, C H: Montezuma


Graun: Montezuma
Alexandra Papadjiakou (Montezuma); Sophie Boulin (Eupaforice); Gudrun Sieber (Erissena); Catherine Gayer (Tezeuco); Barbara Vogel (Pilpatoè); Walton Grönroos (Ferdinando Cortes)
Orchestra of the Deutsch Oper Berlin
Hans Hilsdorf, direction
Herbert Wernicke, mise en scène et direction artistique
Arthaus 101 629 (DVD)

Cette production d’un opéra de Carl Heinrich Graun est une découverte à deux niveaux : d’abord l’œuvre elle-même. Les opéras de Graun sont raremement enregistrés, encore moins montés pour la scène. Puis, parce qu’il s’agit d’une captation réalisée en 1982! Les ensembles baroques ne pullulaient pas à l’époque, et la recherche d’authenticité musicale ne faisait pas encore l’unanimité. Si bien que l’on se retrouve avec une musique composée au milieu du 18e siècle et jouée par un orchestre résolument ancré dans le 20e. Ceci dit, le résultat demeure très attrayant et les tempi sont suffisamment dynamiques pour que l’expérience soit quand même satisfaisante à nos oreilles contemporaines.

Montezuma a été donné pour la première fois en 1755, sur une musique de Graun, bien entendu, mais aussi sur un livret de….. Frédéric le Grand!

L’histoire de Montezuma, cet empereur aztèque réputé bienveillant qui pensait avant tout au bien de son peuple, avait de quoi attirer Frédéric. On y raconte l’histoire de Montezuma, qui tout en préparant son mariage à Eupaforice, voit arriver sur ses côtes les Espagnols, menés par le cruel Cortes. Celui-ci va bien sûr trahir la confiance un peu naïve que Montezuma avait placée en lui, entraînant ainsi la chute de son royaume et, ironiquement, le massacre de son peuple. Triste fin pour un monarque si bien intentionné.

La mise en scène transpose l’action dans un contexte résolument européen. Pas de costumes à plumes, ni de fausse jungle. Les Aztèques ont des perruques poudrées et des costumes de cour du 18e siècle. Ce choix se justifie en ce sens que le livret cherchait manifestement à rapprocher l’Empereur germanique, par sa « bienveillance » et sa « bonté », au grand monarque aztèque. Le conflit contre Cortes et ses hordes assoiffées d’or et de sang, ne pouvait qu’être rapproché du conflit de la Guerre de Sept ans, qui devait s’amorcer une année plus tard en 1756, opposant la Prusse et l’Autriche. Ce que Frédéric ignorait au moment de rédiger le livret, les producteurs de 1982 le savaient, eux! Ils ont ainsi offert au texte de Frédéric une dimension prémonitoire peut-être un peu exagérée, mais historiquement signifiante.

La prise de vue date un peu. Nos standards visuels actuels sont infiniment plus pointus. Mais puisqu’il s’agit de la seule version filmée dont nous disposions, la bonne qualité du nettoyage numérique fera l’affaire en attendant autre chose.

Heureusement, la qualité des décors et des costumes est indéniable, ainsi que la mise en scène, qui se permet quelques moments fort touchants et même poignants. Les solistes sont crédibles et possèdent de très beaux instruments vocaux.


Frédéric Cardin





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