«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

dimanche 2 septembre 2012

Les concertos pour violon et orchestre de Julius Röntgen chez CPO


Röntgen: The Violin Concertos
Liza Ferschtman, violon
Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz
BDavid Porcelijn, dir.
CPO 777 437-2

On qualifie régulièrement Röntgen de « brahmsien ». Évidemment, on ne peut nier la présence de l’esprit du grand Johannes dans la musique de Röntgen. Mais les œuvres de ce compositeur allemand ayant vécu largement aux Pays-Bas possèdent une qualité personnelle qui les distingue de celles de Brahms.

Röntgen insuffle une sensualité presque charnelle à ses mélodies et à ses orchestrations. Cette caractéristique est évidente dans le Concerto pour violon en la mineur dont les mouvements sont remplis de thèmes accrocheurs orchestrés somptueusement. Le violon est extrêmement présent tout au long de la partition, ce qui en fait un concerto assez exigeant au plan de l’endurance. Le premier mouvement s’amorce sur un thème volontaire exposé au violon solo (économiquement accompagné par quelques pizzicati des cordes de l’orchestre). Celui-ci évolue en une ligne sinueuse aux traits mélancoliques tout à fait charmante. Le développement se poursuit avec un troisième thème qui se révèle plus sérieux, mais aussi un brin magique et mystérieux dans sa déclinaison orchestrale suivante. Le mouvement continue d’évoluer en ramenant les 1er et 2e thèmes dans des transformations on ne peut plus romantiques, avant de conclure sur une note affirmée.

Le deuxième mouvement est un Lento tendre et sensible qui amène quelques références au premier mouvement tout en introduisant du nouveau matériel mélodique. Röntgen avait une main très sûre pour transcrire l’émotion sans inonder l’auditeur.

Le troisième et dernier mouvement, un rondeau rustique et dansant, intègre une mélodie ancienne du folklore néerlandais, ce qui permet au compositeur de créer de superbes passages harmoniques qui ont de plus l’avantage d’être joliment bonifiés par la palette orchestrale de Röntgen.

La Ballade pour violon et orchestre suit le Concerto en la mineur. Celle-ci, une longue cantilène rhapsodique de 15 minutes, est une autre jolie réussite du compositeur. L’atmosphère est mélancolique, teintée du brouillard des mers du nord, avec quelques échappées ensoleillées occasionnelles, telle cet épisode central vivifiant d’énergie et d’optimisme). Le résultat est touchant et probablement un témoin de l’état d’esprit ambivalent (épuisé et soulagé à la fois) de Röntgen au moment de la composition (c’était en 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale).

Le Concerto en fa dièse mineur ne fait absolument sa date de composition (1931). Le langage est résolument passéiste, soit éminemment romantique. Pourtant, Röntgen, dans d’autres compositions, avait montré un degré d’ouverture certain pour la modernité musicale de l’époque (Gershwin, Debussy, Hindemith et, dans une moindre mesure, Schoenberg). Cela n’est tout simplement pas en évidence ici. Quoiqu’il en soit, bien que le matériau thématique et mélodique soit moins direct et accrocheur que dans le concerto en la mineur, la science de Röntgen demeure fort agréable à écouter. Le premier mouvement est dramatique et un brin solennel, l’andante tranquillo qui suit n’est pas aussi charmant que le lento de l’autre concerto, mais il ne manque pas d’intérêt. Un très beau passage où se côtoient le soliste, les cordes et les cors est amené vers 5 minutes, et demeure le haut moment émotif du mouvement. Le troisième mouvement, très court, fait figure de petit caprice espiègle un peu trop léger pour servir de finition. Il est tout de même souriant et honnête.

J’aime beaucoup la musique de Röntgen. Ses 18 symphonies sont une véritable mine d’or à découvrir et exploiter! Sur ce disque, le Concerto en la mineur vaut vraiment le détour, mais également la Ballade.


Frédéric Cardin

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