«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

jeudi 6 septembre 2012

Die Lustigen Nibelungen de Oscar Straus chez Capriccio


 STRAUS, O.: Lustigen Nibelungen (Die) [Operetta] (Kohler)
Oscar Straus : Die Lustigen Nibelungen

Martin Gantner (Roi de Bourgogne); Daphne Evangelatos (Sa mère); Gerd Grochowski (Son père); Hein Heidbüchel (Un héro); Gabriele Henkel (Un guerrier); Lisa Griffith (Une jeune femme romantique); Josef Otten (Son oncle); Michael Nowak (Siegfried des Pays-Bas, un tueur de dragons), Gudrun Volkert (Brunhilde, reine d’Isenland); Christine Mann (Un oiseau)
WDR Rundfunkchor Köln
WDR Rundfunkorchester Köln
Siegfried Köhler, dir.
Capriccio C5088

Les Joyeux Nibelungs (c’est bien la traduction) est une opérette-burlesque d’Oscar Straus, un compositeur autrichien qui n’a pas de lien de parenté avec la famille Strauss du 19e siècle. C’est un petit trésor rempli de bijoux musicaux tout à fait irrésistibles.

Dès les premières notes de l’Ouverture vous risquez d’être séduit par la qualité des mélodies et l’esprit allègre qui teinte toute l’œuvre. Comme le titre l’indique, il s’agit d’une satire qui s’inspire des chants de Nibelung si ostentatoirement mis en musique par Wagner. La parenté des deux univers musicaux s’arrête là cependant. La musique de Straus est extrêmement délicate et chantante dans la plus simple expression du terme. On pense à Gilbert & Sullivan, ou même à Offenbach, par l’attrait de mélodies habilement construites et la caractérisation précise et incisive des personnages, ainsi que leur illustration musicale, fortement appuyée sur l’immédiateté des thèmes.

Dans cette histoire où le Roi de Bourgogne (Gunther) fait appel à un tueur de dragon (Siegfried) pour l’aider à obtenir la main de la reine d’un royaume voisin (Brunhilde - celle-ci n’épousera que celui qui pourra la battre au combat! Une femme guerrière, quelle hérésie), Straus se moque avec talent et finesse du militarisme allemand, ainsi que du capitalisme mercantiliste ambiant. Un exemple : à un certain moment, Siegfried révèle que plutôt qu’avoir caché le trésor des Nibelung près du Rhin, il l’a « placé » à la banque du Rhin à 6% d’intérêt!

Présenté en 1904 avec initialement assez de succès, la pièce disparut peu de temps après, critiquée, justement, pour son « manque de patriotisme ». Le clan Wagner en ajouta en vilipendant cette moquerie « sacrilège » de l’univers mythique si cher au patriarche. Ah, l’arrogance imbue……

Heureusement, de l’eau a coulé sous les ponts et il est maintenant possible de goûter les multiples délices que recèle cette partition éminemment joyeuse, brillante, ludique et inspirée.

Les voix en présence ne sont pas spectaculaires, mais elles sont toutes plus qu’adéquates. Remarquez en particulier un moment de bonheur dans la Romance du 1er Acte, où Lisa Griffith rayonne littéralement de son soprano bucolique et aérien. Gantner campe un Gunther comiquement potiche et Siegfried un héro qui se veut grandiloquent comme dans les meilleurs opéras du bel canto, mais avec ce petit je-ne-sais-quoi qui nous rappelle que nous sommes dans une comédie, et non pas dans le grand drame vériste.

La remarquable qualité de la prononciation est un atout majeur. Mais surtout, j’y reviens, la principale raison de se procurer ce très beau disque (bellement capté par les ingénieurs-son de Capriccio) est la musique absolument dé-li-cieuse d’Oscar Straus. Les mélodies vous colleront à la mémoire.

Il était plus que temps de remettre un peu de lumière sur l’œuvre de cet Autrichien exilé un temps aux USA (à Hollywood), et surtout sur cette géniale petite opérette sans prétention, mais ô combien intelligente dans son sarcasme toujours d’actualité!

Et puis, comment résister à une fin heureuse où les personnages avouent que le héro ne peut mourir car il est dans une…. opérette! Irrésistible, vous dis-je.


Frédéric Cardin


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