«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 9 août 2011

Hasse : Cleofide

Emma Kirkby, soprano (Cleofide); Derek Lee Ragin, alto (Poro); Agnès Mellon, soprano (Erissena); Dominique Visse, alto (Alessandro); Randall K. Wong, soprano (Gandarte); David Cordier, alto (Timagene)

Capella Coloniensis

William Christie, direction

Capriccio 7080 (4 CD)

Le sujet de Cleofide était assez populaire à l’époque de la création de cette mouture créée le 13 septembre 1731. Elle ramenait aux conquêtes d’Alexandre le Grand et ses « aventures » en Inde.

La Reine Cleophide, femme du Roi Poros, use de ses charmes pour attendrir Alexandre et le convaincre d’épargner l’armée de son mari et son peuple, ce qui rend Poros absolument furieux de jalousie (on se rendra compte à l’écoute de l’opéra qu’il suffit de très peu pour stimuler la jalousie maladive du Roi!). Elle finit par réussir sans jamais succomber aux avances d’Alexandre. À travers ce scénario, des entrelacs de relations tortueuses entre le général d’Alexandre et la sœur de Poros, des menaces de défection et de trahison et autres quiproquos amoureux ajoutent une complexité souvent bien inutile, et bien trop facilement résolue.

Le livret est basé sur une nouvelle de Métastase et ne remet pas en question les préjugés favorables de l’époque envers les héros de l’Antiquité, en particulier Alexandre. Il semble bien peu probable en effet que le dictateur et conquérant ait été si conciliant et généreux à pardonner, mais qu’importe puisqu’en dehors de sa seule fonction divertissante, l’opéra servait également à flatter les princes présents en leur offrant une image enjôleuse d’eux-mêmes!

Malgré l’aspect moralisant et trop bienveillant de la trame dramatique, la musique délicate et accrocheuse de Hasse sert de véhicule efficace aux solistes impeccables que sont Emma Kirkby et Agnès Mellon, entre autres.

Les mélodies de Hasse (entrecoupées de récitatifs bien entendu) s’enchaînent avec célérité et ne lassent pas l’auditeur. Il y a très peu de chœurs dans cet opéra, contrairement aux œuvres françaises ou anglaises de l’époque. L’importance de la qualité musicale des numéros et du mérite de leurs interprètes s’en trouve ainsi décuplée. Kirkby et Mellon, mais aussi Visse et Ragin offrent des performances étoilées et lumineuses, irrésistibles dans leur légèreté et leur perfection tonale.

L’orchestre sous la direction de William Christie est assez bon, bien que manquant d’entrain par moments.

Ne vous laissez pas décourager par les quelques bémols apportés ici : la redécouverte de cette œuvre plus qu’attrayante mérite tout à fait votre écoute!

Frédéric Cardin



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