«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

lundi 1 août 2011

Gavin Bryars: Piano Concerto (The Solway Canal); After Handel’s Vespers; Ramble on Cortona



Gavin Bryars: Piano Concerto (The Solway Canal)

Ralph van Raat, piano

Cappella Amsterdam

Netherlands Radio Chamber Philharmonic

Otto Tausk, direction

Naxos 8.572570

Gavin Bryars (né en 1943) est certainement l’un des compositeurs contemporains les plus joués en concert et appréciés par un large public. Cela se comprend aisément, vu son utilisation de la tonalité ainsi que d’éléments dramatiques et poétiques récurrents. La musique de Bryars se situe aux antipodes de la modernité ascétique et cérébrale. Le compositeur britannique recherche assurément l’émotion, la beauté plastique et mélodique, mais il le fait sans avoir recours à une forme un peu racoleuse de néo-romantisme. On a parfois l’impression d’une musique plus instinctive que réfléchie, bien que les références savantes et culturelles du compositeur soient irréprochables.

Sur ce disque d’une très belle facture, trois œuvres pour piano sont présentées, dont deux en solo. La première est After Handel’s Vespers, originellement pour clavecin, qui trahit l’intérêt qu’a le compositeur envers la musique ancienne. L’ornementation baroque n’est pas utilisée en fonction de son caractère pastiche, mais sert plutôt à appuyer la pulsation rythmique pleinement héritée quant à elle du XXe siècle. Il se dégage de cette pièce un sens dramatique pertinent pour une époque où la spiritualité s’exprime moins dans son rapport à Dieu qu’à une transcendance individuelle stimulée par un rapport émotif au sujet artistique/véhicule de la sensation immanente.

La deuxième pièce au programme s’intitule Ramble on Cortona. Le titre se rapporte à une autre pièce de Bryars, vocale celle-ci, intitulée Laude et basée sur un manuscrit du XIIIe siècle retrouvé à Cortona en Italie. Bryars utilise pleinement le potentiel de résonance du piano, question d’imprimer une sensation de monumentalité lumineuse à l’oeuvre, un peu comme de majestueux vitraux chatoyants dans une cathédrale. Une première section imposante, teintée de solennité, fait place à une deuxième section plus dynamique, ancrée sur une formule d’ostinato de caractère minimaliste contemporain.

Le plat de résistance du disque est le Concerto (The Solway Canal) pour piano, bien entendu, orchestre, et chœur! Cette combinaison unique constitue un véritable coup de maître. Le Concerto est une pièce de type impressionniste, mais coloré ici et là de textures parfois légèrement chaotiques et atonales, traitées essentiellement en éléments coloristiques constamment apaisés par les voix de la Cappella Amsterdam. Les paysages sonores exprimés se transforment fluidement au cours des quelques 28 minutes de l’œuvre. Le piano sert littéralement de guide à travers le discours poétique du compositeur et le chœur, quant à lui, apporte un sentiment de mysticisme évanescent à la partition ouatée de l’orchestre, comme si l’on voulait inviter l’auditeur sur un affluent surnaturel nimbé d’une sorte de brouillard onirique. Envoûtant, c’est le terme qu’il faut utiliser pour qualifier cette création de Gavin Bryars.

Frédéric Cardin

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