«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 1 mars 2011

Kuhnau – Albrici: Sopran Cantatas


Kuhnau – Albrici: Sopran Cantatas

Barbara Christina Steude, soprano

Concerto Con Voce

Jan Katzschke, direction



Quel malheur de s’appeler Johann Kuhnau! La postérité vous condamne à n’être retenu dans les livres d’histoire que comme prédécesseur d’un certain Johann Sebastian Bach à Saint-Thomas de Leipzig. Il faut alors compter sur des mélomanes du futur, prêts à fouiller les coins d’ombre de l’histoire, et celle, gigantesque, de cet immense JSB pour y découvrir des œuvres fort estimables, que le géant successeur lui-même, apparemment, appréciait grandement.

Les mélomanes-découvreurs chez CPO réussissent encore quelques miracles en illuminant de façon respectueuse et attentive ces cantates pour soprano d’un fils de menuisier devenu cantor de Leipzig en 1701. Les deux œuvres principales qui encadrent le programme de ce disque, Weicht ihr Sorgen aus dem Herzen et Und ob die Feinde, sont des cantates de maturité, celle correspondant à sa nomination comme cantor. Elles se distinguent du concert spirituel de la fin du 17e siècle en alternant de manière très découpée airs et récitatifs. Leur germanisme est indéniable, à la fois dans la rigueur harmonique et la retenue lyrique imposée au chant, ainsi que la logique du développement instrumental, plus préoccupé par le contrepoint que par l’effet émotif. Les autres pièces de Kuhnau présentes datent d’avant 1701 et trahissent une influence plus marquée de la musique italienne en vogue. Kuhnau se lia d’amitié avec Vincenzo Albrici, son aîné d’une génération, et bénéficia de ses conseils à ses débuts. Ce qui est particulièrement ironique puisque Kuhnau se fit connaître à l’époque pour avoir écrit un court roman satirique (il était aussi écrivain), Le Charlatan musical, qui dénonçait…. l’italianisme qui imprégnait la musique allemande!

Les courtes cantates en un mouvement Ach Gott, wie lässt du mich verstarren, In te Domine speravi et Bone Jesu, témoignent de cette influence (assumée ou séprouvée?) par la qualité dramatique des lignes vocales, extrêmement touchantes, voire poignantes.

Deux pièces dudit Albrici sont également au programme, soit Omnia quae fecit Deus et Mihi autem bonum est. Grâce, amplitude dramatique, puissance des affects, ces cantates miniatures sont de petits opéras sacrés dignes du meilleur de la sensibilité théâtrale italienne.

Barbara Christina Steude possède un soprano ample et flexible, Jan Katzschke dirige son Concerto con Voce de manière vive et limpide. Une autre très belle réussite de nos amis de CPO.

CPO: 777531-2

Frédéric Cardin

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