«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 29 mars 2011

Johann Adolf Hasse : Sanctus Petrus & Sancta Maria Magdalena

Kirsten Blaise, soprano (S. Maria Magdalena); Heidrun Kordes, soprano (Maria Iacobi); Vivica Genaux, mezzo-soprano (Maria Salome); Terry Wey, alto (S. Petrus); Jacek Laszczkowski, soprano (Joseph d’Arimatea)

Chor und Orchester der Ludwigsburger Schlossfestspiele

Michael Hofstetter, direction

Oehms Classics OC 950

Johann Adolf Hasse (1799-1783) eut une carrière prolifique, même si cela ne transparaît guère dans les programmes des différentes sociétés musicales tant européennes que nord-américaines. Pourtant, sa musique est raffinée et souvent inspirée, et elle possède de très belles qualités mélodiques. Hasse écrivait fort bien pour la voix, comme le prouve cet Oratorio composé pour l’Ospedale degl’Incurabili, l’un des quatre orphelinats de Venise, dont la Pieta demeure à ce jour le plus célèbre, ayant été dirigé par Vivaldi. Hasse, bien qu’Allemand (il est né près de Hambourg), composait dans un style fortement italianisé, et ce de façon pleinement assumée (il signait ses manuscrits Giovanni Adolfo Hasse!). La construction des lignes mélodiques, en particulier celles des voix, trahit une préoccupation de l’effet dramatique et de la projection d’affects de manière très directe. L’essence de cette partition est clairement dédiée à l’expression de la beauté et de sentiments humains rarement tempérés par le recours à des conceptions structurelles telles que la fugue. Malgré cela, la construction de Hasse est rigoureuse tout en étant claire et transparente, ceci en vue de favoriser l’appréciation d’un plus large public.

L’histoire traite d’une rencontre entre Saint-Pierre et Marie-Madeleine (ou Marie de Magdala, la première personne à avoir vu le Christ ressuscité), et leur discussion sur la part de responsabilités attribuée à chacun dans la mort de Jésus sur la Croix. Le dialogue des protagonistes est fictif, et la dramatisation des affects est accentuée (comme il se doit avec un compositeur italianisé!). Pierre et Marie sont en désaccord sur la question, affirmant à tour de rôle leur plus grande responsabilité. Joseph d’Arimathie offre quant à lui des réflexions sur le sens de la crucifixion.

L’écriture de Hasse, tel que mentionné plus haut, est accessible, vibrante, mélodique et hautement dramatique. On remarquera en particulier l’air Mea tormenta, propetare!, chanté par Saint-Pierre (l’alto masculin Terry Wey) : un remarquable exemple de fougue vivaldienne de forme ABA qui aurait très bien pu être écrit par le Prêtre Roux pour Orlando Furioso.

Les solistes sont tous très bons. L’alto Terry Wey, déjà mentionné, possède un timbre aérien non dénué d’aisance dans le registre plus grave. Vivica Genaux est égale à elle-même, soit impériale. Kirsten Blaise, qui joue Marie-Madeleine, transmet toute la fragilité du personnage, mais aussi une indéniable force de caractère qui sous-tend le caractère passionné de cette femme.

Michael Hofstetter imprime une énergie fougueuse aux passages impétueux, et une économie de moyens empreinte de délicatesse dans les passages introspectifs. L’orchestre, assuré et incisif, est magnifiquement bien capté par les techniciens, ainsi que le chœur, qui brille de mille feux, particulièrement dans les derniers mouvements. Une production franchement emballante, qui nous donne sérieusement envie d’entendre les autres œuvres sacrées de M. Hasse.

Oehms Classics: OC950

Frédéric Cardin

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