«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 23 décembre 2011

Richard Wetz Ein Weihnachtsoratorium


WETZ RICHARD - CHRISTMAS ORATORIO OP. 53

Marietta Zumbült, soprano
Máté Sólyom-Nagy, baryton
Dombergchor Erfurt
Philharmonischer Chor Erfurt
Thüringisches Kammerorchester Weimar
George Alexander Albrecht, direction
CPO 777 638-2


Vous êtes-vous déjà demandé s’il existait d’autres Oratorios de Noël que celui de Bach? Et une fois que vous avez découvert que plusieurs compositeurs baroques moins connus avaient eux-mêmes composé des scènes grandioses sur la Nativité, vous êtes-vous demandé plus avant si ce type de construction sacrée avait traversé l’époque baroque?

Dans ce cas, vous n’avez probablement pas dû trouver beaucoup d’exemples probants pour satisfaire votre soif de découvertes! Il y a bien ce El Nino de John Adams ou cette Nativité du Seigneur d’Olivier Messiaen (pour orgue solo cependant), mais entre les splendeurs baroques et l’éclatement contemporain, il semblait bien que plusieurs siècles de désert créatif affligeaient cette forme musicale si brillamment exemplifiée par le grand JSB.

La maison allemande CPO vient de remplir magnifiquement une partie de cet espace laissé vacant en offrant un enregistrement magistral d’une œuvre méconnue d’un compositeur non moins obscur (mais manifestement inspiré!), Richard Wetz, artiste allemand né en 1875 en Pologne et mort à Erfurt en 1935.

J’ai été littéralement charmé et touché par ce Weihnachtsoratorium romantique et ses atmosphères tour à tour solennelles et grandioses, puis angéliques, voire mystiques.

Rappelons les faits : Richard Wetz, alors qu’il séjournait à Francfort, entama la composition de cet Oratorio le 12 avril 1927 et le termina le 22 avril 1929, soit presque 2 années jour pour jour après avoir écrit les premières notes.

L’Oratorio se divise en trois grandes parties, Attente et Annonciation, La naissance du Christ, puis Les trois Rois Mages, chacune d’entre elle étant subdivisée en mouvements distincts.

La première partie débute par des manifestations de solennité grandiose, l’attente étant manifestement conditionnée par une certitude imposante et impériale. Après ces deux premiers mouvements monumentaux, trois portions de caractère plus élégiaque et retenu leur succèdent afin de calmer le jeu et d’offrir un espace de recueillement introspectif facilitant une expectative plus sereine. Cette première partie se termine avec le retour d’une grandiose monumentalité, rappelant sans doute que l’attente tire bientôt à sa fin, que la Naissance est sur le point de se réaliser.

La deuxième partie, La Naissance du Christ, est tissée avec beaucoup de tendresse et d’allégresse intérieure. On sent à son écoute qu’un bouleversement bienfaisant, rare et précieux vient de se manifester au monde et aux hommes. Des envolées de couleurs ponctuent des épisodes de contemplation sereine et baignée d’affection, comme si l’observateur (en l’occurrence le compositeur, mais aussi nous, l’auditeur) était constamment partagé entre la joie pure et le respect admiratif, entre le désir de danser et de laisser échapper son exaltation, et celui de se recueillir délicatement devant cet enfant si fragile et pourtant si inestimable. Cette partie se termine par une exaltation joyeuse non retenue tout à fait appropriée.

La troisième et dernière partie, Les Trois Rois Mages, illustre elle aussi le sentiment de contemplation, mais tel que vécu celui-là par les personnes illustres que sont ces trois monarques étrangers venus de loin pour embrasser le Christ en toute humilité. Des émotions souveraines s’entremêlent à des sentiments de retenue et de contenance attentionnée, à l’image de ces trois personnages de grande stature qui ont néanmoins le devoir de s’agenouiller devant un tout petit bébé. L’ensemble se termine dans l’allégresse et l’exaltation colossale. Le Christ est bel et bien né!

La musique de Wetz est on ne peut plus romantique. Ses orchestrations sont évocatrices et réussissent à plonger l’auditeur dans le tourbillon de sentiments qui l’envahissent devant ce sujet passablement mythique mais non moins passionnant depuis 2000 ans. Wetz sait surtout utiliser les chœurs de façon inspirée afin de créer des atmosphères angéliques absolument irrésistibles.

L’orchestre et les chœurs sont dirigés magistralement par George Alexander Albrecht, qui leur insuffle la conviction qu’il s’agit ici d’un chef-d’œuvre injustement négligé depuis plus de 80 ans. Je suis fortement tenté de le croire.

Ce qui, pour ma part, est certain, c’est que cette parution constitue l’une des plus  belles découvertes de mon année 2011. Elle en sera une pour vous également, je crois.

Joyeux Noël à vous tous chers amis mélomanes!

Frédéric Cardin


1 commentaire:

  1. Personnellement, je n'ai pas été très séduit par la Symphonie n°2 de Wetz, peut-être que cet oratorio vaut mieux.
    Concernant les oratorios sur le thème de la Nativité, dans la période romantique, il faut absolument écouter Hymn On The Morning Of Christ's Nativity, oeuvre superbe de John Blackwood McEwen.

    Blog intéressant.

    Bonne continuation.

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