«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 14 janvier 2011

Monsigny : Le Déserteur (Drame en Trois Actes)

Michel-Jean Sedaine : livret

William Sharp : baryton (Alexis); Dominique Labelle : soprano (Louise); Ann Monoyios : soprano (Jeannette); David Newman : baryton (Montauciel/2e Garde); Eugene Galvin : baryton-basse (Jean-Louis (le Père)/3e Garde); Tony Boutté : ténor (Bertrand/1er Garde); Darren Perry : baryton (Courchemin); Claire Kuttler : soprano (Tante Marguerite);

Andrew Adelsberger : basse (Le Geôlier)

Orchestre de l’Opéra LafayetteRyan Brown, direction


Pierre-Alexandre Monsigny est né en 1729 et mourut le 14 janvier 1817. Sa longue vie lui permit de traverser un siècle extraordinairement riche en bouleversements, tant musicaux (et artistiques) que sociaux et politiques. Il fut témoin de la fin du Baroque, l’apogée du Classicisme et les débuts du Romantisme. Il vécut sous l’Ancien Régime, la Révolution, l’Empire et la Restauration! Comment sa musique reflète-t-elle ces perturbations monumentales? Sans ostentation ni placage trop étroit sur l’agitation stylistique de la période. Il serait vain de chercher chez Monsigny un témoignage de l’évolution musicale française, dans sa facture harmonique et structurelle du moins. Car c’est à un autre niveau que se situe la contribution du compositeur à l’histoire musicale de l’Hexagone. Le rôle que la postérité retient pour Monsigny est celui de père de l’opéra-comique. C’est dans la juxtaposition d’éléments légers (tant musicaux que dramatiques) et de rigueur formelle et compositionnelle que se démarque le corpus du compositeur. C’est également dans ce mariage du « populaire » et du « savant » que l’on peut retrouver l’origine de l’opéra-comique, cette contribution éminemment française à l’art lyrique, qui participe de façon originale au développement historique de cette rencontre des « classes » artistiques présente dans toutes les cultures occidentales, du Singspiel allemand au musical de Broadway en passant par la zarzuela espagnole.

Monsigny compose Le Déserteur en 1768, sur un livret de Michel-Jean Sedaine, un collaborateur régulier. Monsigny avait déjà plusieurs succès à son répertoire, mais le Déserteur sera l’œuvre qui fera sa renommée. Il est facile de comprendre pourquoi : la musique est tout simplement délicieuse, bordée de mélodies accrocheuses et d’une orchestration sensible et raffinée. Les tempis alertes et guillerets sont entrecoupés à l’occasion d’airs tous empreints d’une douce mélancolie, et portés par une écriture sensible qui sait mettre pleinement en valeur les tessitures choisies. Chez Monsigny, la préoccupation de la clarté est évidente, tant dans l’écriture vocale qu’instrumentale. Les duos, trios et pièces d’ensemble ont une grande limpidité. Chaque voix est admirablement bien distinguée des autres, si bien que ce Déserteur offre un expérience d’écoute d’une remarquable netteté. La prise de son Naxos, très naturelle, et l’impeccable diction des chanteurs de l’Opéra Lafayette, situé à Washington D.C., contribuent aussi grandement à ce succès.

Le livret met en scène Louise et son bien-aimé, Alexis, accusé de désertion après un coup monté contre lui. Louise réussira finalement à obtenir un pardon signé du Roi, qui sauvera in extremis Alexis de la peine de mort réservée aux déserteurs.

Cette production constitue une brillante surprise, et une très agréable découverte. On souhaiterait maintenant entendre les autres opéras comiques de Monsigny (une douzaine environ), avec l’Opéra Lafayette (pourquoi pas?). Une combinaison gagnante comme celle-ci ne devrait pas être changée!

Frédéric Cardin

mardi 30 novembre 2010

Marc Hervieux à L'Archambault Laval

Le célèbre ténor québécois Marc Hervieux a fait une séance de signature de disques et posters à L'Archambault Laval samedi dernier.
Ce fut non seulement l'occasion pour plusieurs mélomanes de pouvoir le rencontrer mais aussi c'a été une belle opportunité pour eux d'exprimer toute la sympathie et l'amour qu'ils ont pour l'artiste.
Bravo pour Hervieux, et pour Archambault qui ont permis ce rapprochement, d'autant plus que l'agenda de l'artiste se trouve si achalandée ces derniers temps.

dimanche 14 novembre 2010

More Hispano Yr a oydo

More Hispano, Yr a oydo.
Vicente Parrilla, dir.
Carpe Diem 16279.

Si vous cherchez un son tout à fait original, et une conception bouleversante dans un disque avec des musiques de la renaissance espagnole, il faut que vous écoutiez cet album.
Vicente Parrilla, flûtiste à bec et direction s'est entouré d'un ensemble magnifique de musiciens pour recréer des airs et des danses de cette période, en utilisant l'improvisation pour développer les idées thématiques.
L'improvisation était une pratique très répandu à l'époque dans la musique quotidienne de la renaissance. C'était la façon de faire prolonger les pièces, que si non, elles était en général de courte durée. Tous les musiciens à l'époque savaient improviser et cet art formait une partie essentielle de leur formation.
Cet album est non seulement une belle façon pour nous de connaitre ce noble art, mais aussi l'opportunité de découvrir comment jouait-on de la musique à l'époque de la renaissance espagnole, peut-être une des plus grandes périodes de la musique ancienne.

Ce disque est leur deuxième après une période de onze année de concerts et tournées, où surement beaucoup de ces pièces ont été jouées.

Yr a oydo est formé par:

Vicente Parrilla flûtes à becs et direction
Raquel Anduezza soprano
Fahmi Alqhai viole de gambe
Jesús Fernández lute et théorbe
Javier Núnez clavecin
Álvaro Garrido percussion.

Carpe Diem 16279 More Hispano, Yr a oydo (aller par coeur.)

lundi 23 août 2010

Hector Berlioz Symphonie Fantastique

Hector Berlioz (1803-1869)

Symphonie fantastique, op 14

Le Roi Lear (Ouverture), op. 4

Orchestre symphonique de Pittsburgh

Marek Janowski. Pentatone PTC 5186 338

SACD hybride. Durée : 66 min. 22. Enregistré en novembre 2009.

Distribué au Canada par Naxos


1830, année révolutionnaire pour la France dont le paysage culturel fut projeté irrévocablement dans le Romantisme. Dans une même année éclata le scandale du drame Ernani de Victor Hugo, Lamartine fut élu à l’Académie française quoique non sans difficulté, le public découvrit la célèbre toile La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix et assista à la première de la Symphonie fantastique (ou Épisode de la vie d’un artiste) de Berlioz. Dans son Histoire du romantisme, Théophile Gautier écrivait à propos de cette génération dite de 1830 : « Une sève de vie nouvelle circulait impétueusement, tout germait, tout bourgeonnait, tout éclatait à la fois … L’art se renouvelait sur toutes ses faces; la poésie, le théâtre, le roman, la peinture, la musique formaient un bouquet de chefs-d’œuvre. »


Inutile d’insister sur l’importance historique de cette symphonie délibérément à programme autobiographique (dont le texte de l’argument devait être remis aux auditeurs car « indispensable à l’intelligence complète du plan dramatique » selon les propos du compositeur). Le très grand nombre de versions endisquées en fait foi. Sa structure en cinq parties, parcourue de part en part d’une « idée fixe », image de la bien-aimée présentée en diverses variations, bousculait les normes auxquelles étaient familiers les habitués des concerts symphoniques (Rêveries-Passions; Un bal; Scène aux champs; Marche au supplice; Songe d’une nuit du Sabbat, cette dernière indiquant des sous-scènes concluant l’œuvre : Dies irae, Ronde du sabbat, Des irae et ronde du sabbat ensemble).


L’instrumentation et effets orchestraux fourmillaient de sonorités inédites pour les auditeurs qui étaient encore subjugués par les symphonies de Beethoven et les opéras italiens. Il fallait que Berlioz trouve des solutions originales pour sortir les compositeurs de cette génération de l’immense torpeur créée par les sommets vertigineux du maître vénéré de Bonn; on n’a qu’à se rappeler les longues hésitations de Brahms avant d’accoucher de sa première symphonie.


Berlioz réussit, grâce à cette œuvre toujours d’une fraîcheur vivifiante et écrite en seulement trois mois (!), à s’imposer comme brillant illustrateur musical et personnalité créatrice audacieuse. Je pense notamment à la dissonance des quatre timbales pour évoquer le fracas lointain du tonnerre, aux huit divisi des violons et altos ouvrant le mouvement du Songe d’une nuit du Sabbat, au glissando de la clarinette en mi bémol et aux cordes frottées par l’archet pour représenter les personnages typiques du romantisme noir, mais aussi à la sublime sobriété de la coda marquée Religiosamente, apaisement final d’un épisode passionnel soumis aux « mouvements de fureur, de jalousie », à l’atmosphère voluptueuse d’une scène de bal animée d’une valse se terminant dans une frénésie enivrante, au contrechant d’un hautbois hors-scène dialoguant dans le lointain d’un soir en campagne. Tant d’images parmi d’autres si délicieuses pour les mélomanes de notre siècle mais qui ont dû vivement surprendre ceux de 1830 !


Bien qu’il existe déjà plusieurs enregistrements qui font autorité, celui-ci détient une place respectable au statut de référence tant l’interprétation est à la hauteur des ambitions du compositeur et la sonorité merveilleusement dévoilée par la qualité de l’enregistrement. Les contrastes parfois très subtils reçoivent le relief approprié pour les nuances expressives que ce soit pendant les effets d’ensemble ou pour éclairer le contour d’instruments qui doivent se distinguer de la masse (écoutez attentivement les solos marqués pppp de la flûte et de la clarinette à partir de la mesure 118 de la Scène aux champs). Tout est rendu avec une souplesse magistrale qui nous laisse avec le souvenir d’une narration musicale impérissable, sinon avec le désir de la ré-entendre aussitôt.


Contrairement à ce que pourrait laisse croire son numéro d’opus, l’ouverture du Roi Lear a été composée en 1831 et, tel que le note Ronald Vermeulen dans le livret du disque, « suit à la lettre le déroulement de la pièce de théâtre de Shakespeare ». Elle complète fort bien le programme car l’inspiration mélodique et dramatique ne s’était point épuisée après l’énergie requise pour réaliser quelques mois auparavant le chef-d’œuvre de la Symphonie fantastique qui avait mobilisé autour de 130 musiciens lors de sa création et qui avait certainement contribué à l’euphorie dont témoignait Théophile Gautier.


Guy Sauvé

Août 2010


lundi 21 juin 2010

Ne mortem timueritis


Deux petits trésors pour les amateurs de musique de la renaissance.

L'étiquète Ars Musici nous présente deux albums dédiés au compositeur flamand Jacobus Vaet, interprétés par l'ensemble Dufay
Vaet a vécu à la même époque que Palestrina et Lassus, mais sa vie fut malheureusement trop brève, (1529-1567).
Le premier volume est composé de pièces à caractère funèbre, puisque le morceau central est une messe pour les défunts, complètée de six autres motets, ou l'on peu avoir un aperçu des qualités techniques et expressives de ce compositeur.
Le tout dans le style typiquement polyphonique de la renaissance, en poursuivant une lignée de requiems qui commença avec ceux de compositeurs plus connus comme Dufay, Ockeghem, De la Rue, et qui nous mènent jusqu'a Lassus.
Le deuxième album nous présente un Te Deum à huit voies, qui pourrait se considérer comme un sommet du genre. Il reflète une certaine
influence vénitienne des pièces composées pour double chœur. Sa densité et son travail polyphonique sont d'une grande subtilité, très proche du style de Palestrina, et feront présager les oeuvres de la prochaine génération comme Monteverdi et Gesualdo.
Une ligne aussi pour souligner l'exceptionnelle qualité de l'ensemble Dufay, composé de huit chanteurs masculins, qui travaillent dans le sud de l'Allemagne, d'où ils ont réalisé trois albums pour Ars Music.

Ars Musici 232354 Jacobus Vaet vol 1
Ars Musici 232392 Jacobus Vaet vol 2
Ensemble Dufay.
"Ne craignez pas la mort"

samedi 19 juin 2010

Gaïtani le trio Tzane ou la rencontre de trois femmes


Superbe nouveauté de Naïve pour le mois de juillet. C'est toute une découverte que ce petit bijou réalisé à Paris nommé Gaïtani, et qui représente l'aboutissement d'une rencontre parisienne de trois femmes venant de différentes nationalités. Effectivement le trio Tzane formé par Gül Hacer Toruk (Turquie), Xanthoula Dakonavou (Grèce) et Sandrine Monlezun (France), chante des polyphonies non seulement à la manière de leurs ancêtres, mais aussi avec des improvisations donnant une saveur différente à leurs arrangements vocaux.
Les mélodies sont prises du folklore balkan, une des zones les plus riches en matière de chanson et musique populaire d'Europe puisqu'elle se trouve dans la croisée des chemins qui uni l'orient et l'occident. Zone qui a été fréquentée par des musiciens comme Bartok et Kodaly, au cours de leurs voyages d'enregistrements de mélodies populaires.
Dans ce disque on peu découvrir des chansons bulgares, avec leurs rythmes et polyphonies très particulières, des mélodies traditionnelles grecques chantées à la façon de différentes régions et aussi des airs turcs donnant place à l'improvisation et richement ornementés.
Aux excellentes voix ce joint un groupe de musiciens permettant le contraste nécessaire et assurant l'accompagnement rythmique dans certaines des chansons.
Un disque à découvrir, pour voyager dans une région qui a été un territoire convoité par de nombreux empires, un must de cet été.

Gaïtani
Naïve V5230

vendredi 4 juin 2010

Deux pianistes, le même concours.


Yundi Li, Quand la Chine s'éveillera...
20 ans après le passage d'Isaac Stern en terre chinoise - voyage très bien documenté dans le beau film "De Mao à Mozart" - voilà que ce pays produit un coup d'éclat en musique classique occidentale: Yundi Li remporte le premier prix au concours Chopin de Varsovie, en l'an 2000.
Il a fallu au moins une vingtaine d'années pour que la Chine puisse surmonter la fin de sa révolution culturelle, avec des artistes de grand niveau et ce qui est certain , c'est qu'elle est bien intégrée dans notre système culturel, en produisant des musiciens d'une telle qualité.
Dans ce très beau DVD, on peu apercevoir le parcours de Yundi Li, depuis ses toutes premières leçons de musique, jusqu'a son présent de grande vedette de la musique en Chine et dans le monde. Ce qui m'a frappé le plus dans sa façon de voir la culture, c'est sa participation dans un concert rock du chanteur taiwanais Jay Chou, où il a été invité à partager la scène devant des milliers de jeunes qui surement ont bien aimé écouter un peu de musique classique."C'est une belle expérience pour moi, ce sont des jeunes, c'est le futur." Yundi dixit.
Le DVD nous offre cinq bonus très intéressants: les scherzos de Chopin et une étude de Liszt, enregistrés au cours d'un concert de Yundi Li à la Roque d'Anthéron en 2004
The Young Romantic
Euro Arts 3079058

Ivo le pianiste qui n'a pas joué en finale.
Un an après qu'Isaac Stern se trouve en Chine en tournée éducatrice, un événement particulier se produisit au concours Chopin de Varsovie, plus précisément en 1980. Un des pianistes de ce concours n'était pas accepté en finales. Son nom: Ivo Pogorelich. À l'époque ce jeune Serbe avait commencé à éblouir les oreilles mais aussi les âmes des jurés des concours de Casablanca en Italie et le Concours de piano de Montréal, mais voici qu'un événement dramatique se joua à Varsovie. Un des membres du juré d'évaluation, signe son opposition à la décision de ne pas laisser accéder Pogorelich aux finales, et renonce comme juré. C'était Martha Argerich. Il a suffit de cela pour que la carrière internationale de Pogorelich commence et p
eu après il débute au Carnegie Hall de New York.

Voila l'occasion d'écouter le meilleur Pogorelich jouant des oeuvres qui lui sont très chères, comme la sonate en sib mineur de Chopin, la dernière sonate de Beethoven et des pièces de Scriabin.
La production semblerait un peu statique
pour un DVD,
mais écoutez la
musique,
car c'est là que tout se passe,
c'est à travers le son qu'on voyage.

Ivo Pogorelich
Cmajor 701308