«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 17 février 2015

LA PREMIÈRE SYMPHONIE DE RACHMANINOV, OU L'EFFET DÉVASTATEUR DE LA CRITIQUE MUSICALE

Si jamais on me demandait de citer un exemple de conséquence néfaste d'une mauvaise critique musicale sur la carrière et la vie d'un compositeur, je citerais volontiers le cas de la première symphonie de Sergei Rachmaninov.
Ce fut à St-Petesbourg, le 15 mars 1897, que le célèbre musicien et journaliste César Cui écrivit: « Si jamais il y avait un conservatoire en enfer où un étudiant talentueux composerait une symphonie à programme sur les sept plaies d'Égypte, elle sonnerait sans doute comme celle de M. Rachmaninov.»
Ce fut trop pour le jeune artiste. Évidement, après cette création tourmentée, accueillie par des critiques unanimes et décourageantes, Rachmaninov tomba dans une longue et profonde dépression créative. Il n'arrivera à s'en sortir qu'avec l'aide d'un célèbre psychiatre, qui sera d’ailleurs le tributaire de son célèbre deuxième concerto pour piano, peut-être une des œuvres majeures du répertoire.
Mais qu'est-ce qu'il en reste, de ces critiques? Rien du tout. Une anecdote seulement. Avec le recul du temps, on comprend que Cui avait tort et raison en même temps. Peut-être ses critiques étaient autant une démonstration de force entre deux centres musicaux rivaux, Moscou et St-Petesbourg, que des véritables comptes-rendus des concerts, honnêtes et dépourvus de toute allégeance politique.
Si on compare la Première Symphonie de Rachmaninov avec celles de Glazounov (le musicien qui dirigea l'orchestre pendant sa création), on se rend compte que celle de Rachmaninov avait des qualités musicales suffisantes, qui méritaient d'être soulignées.
Tout cela pour dire que toute critique devrait être écrite de la façon la plus objective possible. Il faut toujours tenir compte du contexte, ne jamais oublier que la musique est un langage et que, comme tel, il est souvent assujetti à des influences externes.
Je suis un inconditionnel admirateur du chef russe Kitajenko. Sa version de cette Première Symphonie ne fait qu'ajouter un autre jalon à son énorme carrière musicale.

Sergeï Rachmaninov
Symphonie n°1 op.13
The Rock op.7
Gürzenich-Orchester Köln
Dimitrij Kitajenko, direction
Enregistrement janvier et mai 2013.
Oehms Classics : OC 440

Philippe Adlefang

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire