«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 10 février 2012

Oeuvres de Howard Hanson chez Naxos.


Howard Hanson: Symphony no.4 « Requiem »; Symphony no.5 “Sinfonia Sacra”; Elegy in Memory Serge Koussevitsky; Dies Natalis

Seattle Symphony
Gerard Schwarz, direction
Naxos 8.559703

J’aime beaucoup la musique de Howard Hanson. Cet Américain né en 1896 contribua en grande partie au développement du Romantisme en terre d’Amérique, alors que le vieux continent européen l’abandonnait pour d’autres territoires musicaux, plus « modernes » et soi-disant créatifs (ils l’étaient, créatifs, mais cela n’enlevait rien au potentiel toujours riche du langage tonal et de la démarche discursive héritée du Romantisme, chose que Hanson, entre autres, a amplement prouvé avec ses compositions).

Ce disque Naxos brillamment interprété par l‘orchestre de Seattle et son directeur artistique Gerard Schwartz (certainement l’un des plus ardents et convaincants défenseurs de la musique américaine du 20e siècle) nous offre ici un programme conceptuel où la présence du sacré se fait sentir, à l’image du compositeur lui-même. Hanson était en effet très pieux. Dans sa jeunesse, il jongla avec l’idée de devenir pasteur luthérien. Heureusement pour nous, l’art l’emporta sur la foi « professionnelle ».

Toutes les œuvres sur le disque ont un lien avec le sacré, de manière suggestive ou même parfois plus explicite.

La symphonie no.4 « Requiem » est de ce dernier ordre. Ses quatre mouvements sont nommés selon les parties du célèbre rite de la messe des morts catholique, soit « Kyrie », « Requiescat », « Dies Irae », et « Lux eterna ».
Le premier mouvement est très somptueux, en mode mineur comme il se doit, mais riche et ample, invoquant et stimulant la piété et l’humilité. Le deuxième mouvement est un largo élégiaque très bellement orchestré. Les cordes chaleureuses appuient plusieurs passages lyriques pour les bois, en particulier le hautbois et le basson. Le troisième mouvement est un scherzo acharné et martelé alors que le mouvement final reprend l’esprit expansif et choral du début avec des lignes galbées aux cordes et aux cuivres. Vers le milieu du mouvement, la musique devient tendue et tempêtueuse, plutôt dramatique dirais-je, avant d’aboutir au retour serein, annoncé par un choral de cuivres, d’un certain pastoralisme coloré par les bois appuyés, lovés presque, dans un tapis de cordes.

La symphonie no.5 « Sinfonia Sacra » est écrite d’un seul trait d’une quinzaine de minutes. Elle est néanmoins divisée en trois sections qui sont peu contrastées car l’ensemble de l’œuvre est d’une propension plutôt sombre et tragique, bien que la coda finale semble vouloir apporter un échantillon de repos spirituel. Cette symphonie témoigne d’une introspection plutôt rare chez ce compositeur. Aucun fondement explicitement confessionnel n’y est associé, mais les évidentes connections harmoniques et stylistiques avec le chant grégorien ne laissent que peu de doute sur les bases intrinsèques de la symphonie.

Elegy in Memory Serge Koussevitsky, bien que faisant peu référence à un quelconque texte sacré, procède du même esprit pénétrant. Une sorte de mélancolie enveloppe l’auditeur à l’écoute de cette élégie qui alterne des épisodes intenses et puissamment émotifs avec d’autres plus dénudés. L’hommage que voulait offrir Hanson à son prédécesseur est fortement ressenti.

Le programme se termine avec Dies Natalis, un chorale luthérien dominant suivi de 7 variations et d’un finale qui revient au climat du début, mais de manière encore plus lumineuse, voire héroïque. Dies Natalis fut composé à l’occasion du centenaire de l’état du Nebraska. On peut imaginer sans peine l’émotion créée par cette partition somptueuse, qui sert également de conclusion tout à fait appropriée à ce très bel enregistrement.


Frédéric Cardin

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