«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 2 décembre 2009

Twin Spirits: un portrait de l'amour entre Robert et Clara Schumann

Trudie Styler (dans le rôle de Clara Schumann)
Sting (dans le rôle de Robert Schumann)
Derek Jacobi (narrateur)
Rebecca Evans, soprano
Simon Keenlyside, baryton
Sergej Krylov, violon
Natalie Clein, violoncelle
Natasha Paremski, piano
Iain Burnside, piano
John Caird, conception et mis en scène
Opus Arte OA 0994 (2 DVD)
Narration en anglais avec sous-titres en français, allemand, espagnol et italien

Le Royal Opera House a été le lieu d'une mise en scène tout à fait originale et pertinente. Deux groupes, un masculin, l'autre féminin, et un narrateur rendent hommage à l'un des couples mythiques du romantisme musical: Robert et Clara Schumann. On y raconte, par un récit bien ficelé et des extraits de lettres et de leur journal de mariage, les hauts et les bas de leur tumultueuse relation: leur liaison secrète, leur combat pour pouvoir se marier, leur vie de couple, de famille et d'artistes, les épreuves causées par la maladie de Robert, et, non des moindres, la fidélité de Clara après la mort de son mari.
Dans le clan de Robert, il y a Sting, accompagné du baryton, du violoniste et d'un pianiste, qui lit des passages de lettres qu'il avait adressées à Clara. De l'autre côté de la scène, il y a l'actrice Trudie Styler, côtoyée de la soprano, de la violoncelliste et de la pianiste, qui cite les lettres que Clara avait adressées à Robert. Cet échange de correspondance est parsemé de lieder et de pièces pour piano, surtout de Robert, soit des oeuvres tirées du Carnaval op.9, des Kinderszenen op.15, des cycles de lieder Dichterliebe op. 48 et Zwölf Gedichte, op. 35, une des trois Romances de l'opus 94. Mais nous avons droit à quelques belles surpises telles que deux superbes lieder de Clara Es ist gekommen in Sturm und Regen op.12 no. 2 et Sie liebten sich beide op. 13 no. 2 et une romance tirée de son concerto pour piano op. 7.
On entend aussi l'adagio des variations de Chopin sur le duo célèbre de l'opéra Don Giovanni de Mozart, La ci darem la mano. Et un peu plus loin, le duo lui-même avec piano. On y apprend que les variations de Chopin faisaient partie d'une "proposition mystique" imaginée par Robert, un moyen aux deux âmes séparées de se retrouver par la pensée durant l'interdiction du père de Clara suite à la demande en mariage. Le drame se termine dans une fougueuse apothéose du mouvement final (Mit Feuer - avec feu) du Trio no. 1 en ré mineur.
Tous les musiciens donnent une prestation fort réussie quoique je déplore un peu chez la pianiste et la violoncelliste certains effets de pose pour la caméra que l'on pourrait excuser comme erreurs de jeunesse. Bien sûr, rien au disque n'y paraîtrait et leur talent n'en serait point diminué.
Le passage le plus émouvant fut la lecture d'une lettre de Clara aux derniers jours de Robert. Les larmes nous viennent aux yeux en même temps que l'actrice. Dans le deuxième DVD, on apprend pourquoi: elle-même épouse de Sting, elle a projeté le sentiment de Clara sur sa personne; on ne peut la blâmer de cette sincérité.
Le deuxième DVD comporte cinq parties. La première consiste en une galerie de photos des artistes lors des répétitions; j'aurais apprécié que l'on ajoute des images de Robert et Clara. La deuxième partie se subdivise en quatre entrevues: instrumentistes; chanteurs et narrateur; acteurs; et le musicologue Daniel Gallagher. J'ai beaucoup aimé le commentaire perspicace du violoniste sur la densité de l'écriture de Robert Schumann. La troisième partie, nettement la plus instructive, nous vient du conservateur du musée Schumann à Zwickau. Il nous informe de manière éclairante sur plusieurs aspects de la vie des Schumann. La quatrième partie est une chronologie avec des couleurs permettant d'identifier ce qui appartient à Robert ou à Clara ainsi que certains événements indépendants d'eux. La typographie aurait dû être améliorée pour faciliter la lecture. La cinquième partie fait la promotion des projets éducatifs et communautaires associés au Royal Opera House grâce à trois témoignages sympathiques et dont devraient s'inspirer nos gouvernements.
En somme, cette production rend justice à une dramatisation qui pourrait aisément servir de modèle dans la conaissance approfondie que nous apportent des sources directes telles les correspondances et les journaux intimes des grands artistes. Et ce ne sont pas les sujets qui manquent.
Guy Sauvé

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