«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 16 mai 2012

Shankar: Symphony, chez LPO.


Shankar: Symphony

Anoushka Shankar, sitar
London Philharmonic Orchestra
David Murphy, direction
LPO 0060

Ravi Shankar a collaboré avec les meilleurs musiciens du monde occidental, ce qui a certainement contribué à populariser la musique classique indienne de notre côté du globe.

Shankar n’a jamais véritablement appris la notation musicale européenne. Mais il a bénéficié de nombreux conseils et de l’aide de plusieurs musiciens compétents. Il a déjà collaboré avec Philip Glass, il a composé deux concertos pour sitar et orchestre, et voilà maintenant qu’à l’âge vénérable de 92 ans, il ajoute à son corpus une symphonie en bonne et due forme, en quatre mouvements, et tout et tout.

La présence du sitar (fort bien joué par sa fille Anoushka) donne à l’œuvre un caractère concertant très évident. On ne sera pas surpris que Shankar demeure résolument tonal, voire carrément romantique, dans sa palette orchestrale (superbement dessinée par David Murphy). Mais considérant que l’Inde est l’un des derniers pays majeurs à avoir embrassé l’orchestre symphonique, et la musique européenne en général (le premier véritable orchestre symphonique du pays et digne de ce nom a été fondé en 2006!), on peut comparer cette aventure aux premières esquisses symphoniques de la Chine vers le milieu du 20e siècle, ou du Japon et de l’Amérique latine au début du même siècle.

Le résultat est immensément coloré, tels les milliers de foulards de soie éclatant de couleurs primaires d’une petite échoppe de Delhi. Les 4 mouvements font référence à des styles ou rythmes issus de la musique classique indienne (un univers d’une richesse inouïe), mais se marient bien avec les 4 tempéraments habituels d’une symphonie traditionnelle. Les deux mouvements externes sont dynamiques, le 2e mouvement est plutôt lent, et le 3e, une sorte de court scherzo.

On retiendra des mélodies résolument accrocheuses, une facture orchestrale technicolorée tel un habile et heureux mélange de Holly et Bolly Wood, et une surprenante et très agréable surprise à la toute fin de l’œuvre : un chœur qui chante une formule typique des ragas indiens, rapide et enlevante. Tout un défi pour un chœur classique!

Dans quelques décennies, on trouvera tout cela un brin naïf, probablement. Mais il s’agira tout de même d’un premier jalon important dans la rencontre inévitable (et totalement souhaitable) de deux des plus exceptionnelles traditions musicales savantes du monde, l’indienne et l’européenne.

Frédéric Cardin.

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