Magifique : Tchaïkovsky Suites
Musique : Tchaïkovsky
Décors et costumes : Jorge Gallardo
Malandain Ballet Biarritz
Chorégraphie : Thierry Malandain
Arthaus 108 034
Thierry Malandain a fondé son Ballet Biarritz en 1998, et guide sa destinée avec vision et audace depuis ce temps. En 2009, il a décidé de s’attaquer à des monstres sacrés du ballet classique par excellence : les 3 ballets féériques de Tchaïkovsky, soit La Belle au bois dormant, Le Lac des cygnes et Casse-Noisette. Pour dira vrai, il ne s’agit pas des ballets eux-mêmes, mais plutôt des suites symphoniques tirées des partitions originales. En fin de compte, Malandain passe doublement au tamis des œuvres, et surtout des mélodies, qui sont ancrées dans la psyché occidentale comme peu d’autres. En effet, non seulement réinterprète-t-il tout le visuel associé si étroitement aux œuvres, mais il s’appuie sur des pièces musicales qui ont elles-mêmes été retirées de leur contexte par le compositeur pour être proposées comme entités autonomes (bien que musicalement très près de leur incarnation originale).
Malandain conçoit trois tableaux (autant de suites!) liées par de courts intermèdes au caractère mystérieux, voire énigmatique et même un brin ténébreux. Ces épisodes sont accompagnés d’une musique signée Nicolas Dupéroir, qui tisse une trame de caractère contemporain tachetée de réminiscences (sous forme de citations) des partitions de Tchaïkovsky.
Chacun de ces tableaux est une sorte de sublimation abstraite et extrêmement poétique des principaux éléments des contes originalement si bien racontés par la musique de Tchaïkovsky.
Malandain utilise avec une infinie distinction et un extrême bon goût quelques éléments simples de mise en scène : des miroirs réflecteurs qui servent aussi de paravent ou de murs, des barres d’entraînement ou encore des costumes-peau délicatement brodés de motifs qui rappellent un peu certaines créations pour le Cirque du Soleil. Mais en bien plus discret! La surface de la scène elle-même semble être enduite d’une pellicule réfléchissante qui fait écho aux miroirs.
L’univers créé par le chorégraphe baigne dans une agréable lumière dorée, tirant parfois sur le cuivré. L’ensemble confère à l’œuvre une dimension onirique qui vient magnifiquement (devrai-je dire maGIfiquement!) compléter une vision transcendante, mais absolument pas sur-intellectualisée.
Il faut vraiment voir cette envoûtante oscillation, cette ondoyante vibration de l’air qui semble enrober les danseurs, résultat de la jonction des divers reflets de la lumière. L’éclairage charnel et la beauté soyeuse des corps dans leurs costumes ambrés sont exaltés par un habile jeu de réfraction polyphonique des couleurs et des textures grâce aux miroirs et à la surface réverbérante du sol. La cohésion avec la musique de Tchaïkovsky est totale. Sa sensualité inhérente s’épanouit comme jamais grâce à l’instinct brillant de Malandain.
L’idée de se servir des suites symphoniques des ballets est vraiment géniale. On ne s’éternise donc jamais inutilement sur le sujet, et on y retrouve les mélodies les plus essentielles à entendre. Ces petits concentrés musicaux permettent au chorégraphe de ramener lui aussi à l’essentiel tout son propos. Les grands instants de ces histoires maintenant archi-connues s’y trouvent, mais en parallèle avec un commentaire très personnel du chorégraphe, formulé de façon très émouvante et poétique.
Voici l’une des créations de danse contemporaine les plus touchantes que j’aie vu depuis longtemps.
Frédéric Cardin.
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