«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 1 novembre 2011

Giovanni Paisiello : Complete Piano Concertos


Pietro Spada, piano

Orchestra da camera di Santa Cecilia

Brilliant Classics 94224 (2CD)


Giovanni Paisiello est une figure fascinante du 18e siècle italien. Il fut l’un des compositeurs les plus en vogue de son époque, une étoile dans le firmament de la musique italienne. Certains aspects de sa musique rappellent Haydn ou préfigurent Beethoven. Il fut expressément mandaté par l’Impératrice Catherine de Russie de composer des opéras pour sa Cour et c’est là qu’il composa un certain Il barbiere di Siviglia, une génération avant celui de Rossini. Il se lia d’amitié avec Mozart et fut le protégé de Napoléon avant de s’éteindre en 1816, respecté mais quelque peu « passé date ».

Paisiello fut un immense et prolifique compositeur pour la scène : pas moins de 94 opéras lui sont attribués! Malgré cette disposition éminemment favorable à l’art lyrique, Paisiello composa tout de même 8 concertos pour piano qui illustrent assez bien son savoir-faire.

Le Concerto no.1 en do est empreint d’élégance toute classique et est relativement prévisible dans son développement, quoiqu’il soit particulièrement charmant dans le dernier mouvement.

Le Concerto no.2 en fa ressemble beaucoup, par sa facture, au premier. Il fut d’ailleurs composé presque en même temps que ce dernier lors du séjour russe de Paisiello. Si l’on peut y dénoter une différence, ce serait le caractère enjoué et bon enfant de son discours instrumental. Le largo central possède de fort belles qualités mélodiques. Il se dégage de l’ensemble une gracilité très agréable.

Le Concerto no.3 en la est très concis, ne faisant qu’une douzaine de minutes. Il semble faire partie, avec ses deux successeurs, d’un tryptique. Il fut composé après la période russe de Paisiello et est attaché d’un seul trait. Un largo enchaîne sans pause un allegro giusto (plutôt allègre) et mène lui-même à un menuet final séduisant.

Le Concerto no.4 en sol mineur est dramatique et théâtral. Contrairement à son prédécesseur et au suivant dans la liste, ce concerto agite des émotions graves et intenses. Dans le corpus de Paisiello, ce concerto apparaît comme l’une de ses manifestations les plus personnelles et profondément senties. Le largo central est touchant, rappelant quelques belles pages de Mozart, et le rondo final reste longtemps à la mémoire.

Le Concerto no.5 en ré reprend les affects plutôt légers du no.3, et ce sur deux mouvements teintés de ravissement et d’élégance. Encore une fois, Paisiello imagine un largo (première partie du 2e mouvement) drapé de douceur et de mélancolie avant de se lancer dans un allegro bon enfant.

Le Concerto no.6 en si bémol s’amorce par un allegro con spirito leste et ensoleillé, suivi d’un largo intimiste et se terminant par un rondo quasi menuet qui aurait trouvé grâce aux yeux du jeune Haydn.

Le Concerto no.7 en la est très court, un peu comme un concertino. Il totalise environ 11 minutes déclinées sur deux mouvements concis. Le premier, un allegro, est suivi d’un second qui s’amorce sur une partie mitoyenne qui aurait pu servir de mouvement central lent dans une construction tripartite traditionnelle. Ce deuxième mouvement se termine sur un rondo vif.

Le Concerto no.8 en fa est franchement l’un des plus généreux du corpus de Paisiello. Faisant plus de 25 minutes et organisé vif-lent-vif, il manifeste des intentions rythmiques, dynamiques et affectives qui l’approchent d’un concerto mozartien. Le premier mouvement possède cette qualité solaire toute mozartienne, alors que l’allegretto mitoyen, humaniste et pastoral, vise manifestement le cœur de l’auditeur. Le rondo final est on ne peut plus souriant et plaira au mélomane qui aura quitté les chemins de traverse habituels pour aller à la rencontre de ce compositeur délicat et attrayant.

Précisons que ce double-disque est une réédition de parutions des années 1990, alors sous étiquette ARTS, et reprises cette fois par Brilliant. La prise de son accuse un peu son âge et manifeste encore un déséquilibre entre l’orchestre et le piano. Qu’à cela ne tienne, l’économie d’achat permise par Brilliant offre au curieux touche-à-tout une belle occasion de se familiariser avec un compositeur largement apprécié à son époque, mais que la nôtre n’a pas vraiment redécouvert encore.

Frédéric Cardin


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