jeudi 25 octobre 2012

Nouveau disque de Marie-Josée Lord, "Yo soy María" chez ATMA Classique.

À la suite du formidable succès de son premier disque éponyme avec l’Orchestre Métropolitain, [gagnant d’un Félix, ADISQ 2011], pour son nouvel opus, Marie-Josée Lord propose Yo soy Maria un parcours musical exceptionnel qui va des trottoirs de Buenos Aires (Astor Piazzolla) en passant par les jardins d’Aranjuez en Espagne (Joaquín Rodrigo) et les Avenidas du Portugal.

Soutenue par un ensemble de neuf musiciens, Marie-Josée chante quelques-unes des plus belles mélodies du répertoire latin : Bésame muchoGranada et La flor de la canela. Elle aborde également des pièces plus lyriques comme le Kyriede la Misa criolla d’Ariel Ramírez et la Bachianas Brasileiras no 5 de Villa-Lobos dans des arrangements originaux signés Simon Leclerc qui assume aussi la direction musicale de ce disque.


ATMA Classique: ACD22663, à partir du 30 octobre 2012. 

Good Night, Good Night, Beloved le nouveau CD de Viva Voce chez ATMA Classique.

Good Night, Good Night, Beloved! offre un rare coup d’œil sur la vie culturelle à Montréal dans la seconde moitié du XIXe siècle. Sur cet enregistrement VivaVoce rend hommage au Montreal Mendelssohn Choir, un des piliers de la vie musicale montréalaise durant trois décennies. Ce qui avait débuté comme un petit groupe de parents et d’amis s’est amplifié en une société chorale de quelque 120 voix, dont les concerts annuels constituaient l’un des points forts du calendrier culturel et social du Montréal anglophone. Le Montreal Mendelssohn Choir se spécialisait dans le répertoire de la part-song anglaise. Il vénérait Joseph Gould pour lui avoir fait vivre une nouvelle expérience sonore. Après la dissolution de l’ensemble en 1894, sa bibliothèque de partitions a été léguée à l’Université McGill. Toutes les pièces de ce CD sauf « Good Night, Good Night, Beloved ! » proviennent de cette collection.

VivaVoce a été fondé à Montréal en 1998 par Peter Schubert. Gagnant de plusieurs prix, cet ensemble se spécialise dans l’interprétation de la musique classique de toutes les époques tout en développant le répertoire de la musique chorale canadienne, et ce, en commandant au moins une nouvelle œuvre à chaque année.


ATMA Classique: ACD22670, à partir du 30 octobre 2012.

Levant, nouveau CD de l'ensemble Amici chez ATMA Classique.

Pour son nouvel enregistrement chez ATMA, l’ensemble Amici se tourne vers les fascinantes et mystérieuses couleurs des États du levant. Avec des musiques inspirées du Proche-Orient, le voyage commence dans les Balkans, puis se déplace vers Israël, la Péninsule Arabe jusqu’aux montages du Caucase, à la découverte d’une sélection éclectique d’œuvres de Prokofiev, Gurdjieff, Golijov et Abu-Khalil.

Depuis plus de 25 ans maintenant, l’ensemble Amici a été l’une des figures de proue dans le domaine de la musique de chambre au Canada. Ses membres fondateurs, le clarinettiste Joaquin Valdepeñas, le violoncelliste David Hetherington et, plus récemment, le pianiste Serouj Kradjian, invitent régulièrement quelques uns des meilleurs musiciens à participer à leurs concerts. Ces rencontres musicales sont l’occasion de souligner des amitiés artistiques, dont le nom même des Amici se fait l’écho, par la présentation de programmes aux horizons les plus diversifiés. Parmi les artistes de renom ayant participé aux séries de concerts de l’ensemble Amici au studio Glenn Gould mentionnons les violonistes James Ehnes, Cho-Liang Lin et Jaime Laredo, la soprano Isabel Bayrakdarian, le baryton Russell Braun, le ténor Michael Schade, et le pianiste André Laplante. 


ATMA Classique: ACD 22655 à partir du 30 octobre 2012.

mercredi 17 octobre 2012

Von Deutscher Seele, cantate romantique de Pfitzner chez Capriccio



Pfitzner : Von Deutscher Seele

Solveig Kringelborn, soprano
Nathalie Stutzmann, mezzo-soprano
Christopher Ventris, tenor
Robert Holl, basse
Rundfunkchor Berlin
Deutsches Symphonie-orchester Berlin
Ingo Metzmacher, direction
Capriccio: C5092

La musique de Hans Pfitzner demeure dans l’oubli de nos jours. Probablement à cause de ses opinions pro-nazies lors de la 2e guerre mondiale (qui ne l’empêchèrent pas de sauver des amis juifs!), plus qu’en raison de sa musique, somptueusement romantique et magnifiquement écrite.

La grande tradition romantique allemande imprègne totalement l’œuvre de Pfitzner. L’immense talent d’orchestrateur du compositeur vient compléter cet univers sonore opulent, magnifique, parfois grandiose et parfois aussi pastoralement intimiste. Imaginez Schumann, Humperdinck, Wagner et un tout petit peu de Mahler, tout ça habilement marié et tenu par un sens de la mélodie souvent mémorable.

Von Deutscher Seele (De l’Âme allemande) se divise en deux sections, L’Homme et la Nature puis Vivre et Chanter. La musique est ravissante, magnifiquement orchestrée et se permet des références manifestes à Bach, Debussy et Delius. Certains interludes instrumentaux sont oniriques, d’autres plus picturaux. Mais on appréciera l’écriture pour les voix, axée sur la beauté de la ligne et la puissance expressive des chœurs.

Plusieurs enregistrements existent, mais la plupart datent des années 50. Un autre, paru à la fin des années 90 sur Arte Nova, avait actualisé la lecture de cette œuvre méconnue. Mais je crois bien que cette version Capriccio fait désormais figure de référence.
Les solistes sont de très haut niveau, particulièrement Nathalie Stutzmann, impériale.

L’orchestre et le chœur de Berlin offre tout le panorama grandiose voulu par le compositeur, tout en exécutant avec grâce les épisodes fragiles et délicats. Metzmacher dirige le tout avec passablement de conviction.

Pfitzner demeure maintenu dans une obscurité injuste. Injuste en raison de la qualité de sa musique. La répugnance de ses opinions politiques devraient laisser place au plaisir sensoriel de ses partitions luxuriantes. Écouter et apprécier cette musique, ce n’est pas un acte de complicité idéologique. C’est une affirmation de la capacité de l’homme, même le plus mal avisé, à tout de même pouvoir créer de la beauté. C’est un espoir.


Frédéric Cardin



dimanche 14 octobre 2012

Le Paris des Romantiques avec Le Cercle de L'Harmonie chez Naïve.



Le Paris des Romantiques

Napoléon-Henri Reber (1807-1880) :
Symphonie no. 4 en sol majeur, op. 33 (entre 1840 et 1850 – 1ère mondiale)
Hector Berlioz (1803-1869) :
Rêverie et Caprice pour violon et orchestre, op. 8 (1841)
Franz Liszt (1811-1886) :
Concerto pour piano no. 1 en mi bémol majeur (1839-50)

Julien Chauvin, violon (Gian-Battista Gabrieli, 1757)
Bertrand Chamayou, piano (Érard, 1837)
Le Cercle de l’Harmonie (instruments d’époque)
Jérémie Rhorer, chef

Label : Ambroisie AM 207
Enregistrement public (Octobre 2011)
Durée : 55 min. 00

Nous sommes loin d’avoir épuisé tout le répertoire romantique et ce disque confirme, grâce à une interprétation convaincante et chaleureuse, que le chemin sera long avant d’aboutir au recensement phonographique complet des œuvres.

Il y a d’une part, cette quatrième symphonie d’un compositeur pratiquement inconnu à ce jour, Napoléon-Henri Reber, professeur au Conservatoire de musique de Paris et membre, comme son contemporain Berlioz, de l’Académie des beaux-arts à l’Institut de France. Tant pour l’oeuvre que pour le compositeur, il me semble que ce soit la première fois qu’ils apparaissent sur disque. J’y reviendrai un peu plus loin.

D’autre part, les interprètes et producteurs discographiques portent de plus en plus leur attention depuis quelques décennies à l’instrumentation plus authentique du 19ème siècle. On a beau avoir enregistré l’intégrale de l’œuvre pour piano de Liszt (Hyperion), on est loin du compte pour ce qui est d’une intégrale équivalente sur un piano d’époque et qui apporterait un éclairage exhaustif sur le son tel que l’entendait Liszt.

Quoiqu’un tel projet serait extrêmement ambitieux, certains labels ont commencé à mettre leur pierre à l’édifice avec des programmes entièrement consacrés au maître hongrois. Ainsi, on retrouve chez Brilliant Classics des oeuvres jouées sur un piano Bechstein (1860) ayant appartenu à Liszt, chez Oehms Classics des pièces jouées sur le Steinway (1876) donné à Wagner et chez Zig Zag Territoires la célèbre paraphrase sur le Dies irae, intitulée Totentanz, sur un Érard de 1886.

Et voilà que le label Ambroisie nous présente pour la première fois sur instrument d’époque son premier concerto pour piano (S. 124). Tout porte à croire que la belle équipe Chamayou/Le Cercle de l’Harmonie/Rhorer nous reviendra avec le deuxième concerto. Et ce serait heureux puisque cette première réalisation est vraiment merveilleuse. L’œuvre est exécutée avec brio et raffinement tout à fait en accord avec les exigences expressives de la partition; que ce soit dans les passages lyriques ou, par contraste, d’une passion déchaînée, l’orchestre sait répondre à la vision perspicace du chef. Quant à Bertrand Chamayou, qui s’est déjà signalé favorablement dans un enregistrement précédent (le cycle complet des Années de pèlerinage – Naïve), son aisance technique n’a d’égale que sa souplesse d’adaptation aux divers caractères qui composent la nature du héros romantique. Sa virtuosité se subordonne volontiers à la poésie du discours musical, signe de maturité artistique.

Mais ce que nous apporte plus particulièrement cet enregistrement, c’est une palette subtile de timbres. J’en veux pour exemple les premières mesures, au piano solo, du deuxième mouvement : portez votre attention sur la différence de sonorités entre les registres des deux mains. Toujours dans le concerto, cette fois dans le premier mouvement, à partir de 1 minute 45 : les échanges entre le piano et les solos de divers pupitres nous offrent des couleurs absolument charmantes.

De telles subtilités timbrales sont perceptibles dans la Rêverie et caprice de Berlioz notamment au violon solo qui possède parfois le moelleux nostalgique de son cousin l’alto ou encore quand le soliste est accompagné par les bois. Cet intermède nous est présenté avec une sensibilité digne des plus belles pages berlioziennes.

Mais revenons à la symphonie de Reber, la dernière dans le genre, qui regorge aussi de sonorités toute dix-neuvième. Leurs contours sont arrondis, moins agressants qu’avec les instruments modernes, les cordes moins astringeantes, les flûtes veloutées, les cuivres moins tonitruants quoique bien présents dans les passages les plus vigoureux. On s’étonnera que Reber ait été si vite oublié alors qu’il fut professeur de composition au Conservatoire, inspecteur des succursales de cette institution, nommé Chevalier de la Légion d’honneur, auteur d’un Traité d’harmonie qui connut plusieurs ré-éditions, et admiré de Saint-Saëns, ce dernier ayant réalisé une transcription pour piano à quatre mains de la symphonie en question. C’est sans doute parce que Reber témoignait très peu d’intérêt pour la musique la plus moderne de son époque, préférant plutôt rechercher une manière d’actualiser l’héritage des maîtres beaucoup plus âgés qu’il vénérait tels que Mozart, Haydn, Mendelssohn et Beethoven.

Ceci étant dit, l’œuvre est très agréable à écouter du début jusqu’à la fin, très habilement structurée (aucun temps mort, ni redite inutile) et parfois empreinte de dramatisme (à cet égard, le climax du deuxième mouvement, à partir de 7 min.33, rappelle la culmination grandiose de l’Eroica de Beethoven, ce qui n’est pas peu dire). Le scherzo et le mouvement final offrent sans doute une piste de ce à quoi on pourrait s’attendre dans sa musique pour la scène; il y a de l’entrain et de l’humour dont Offenbach et autres maître de l’opéra comique ont volontiers pris le relais.

En conclusion, musiciens et solistes défendent ce programme avec un engagement vraiment sincère et surtout avec énormément de talent. Ils font désormais partie des meilleurs représentants, du moins pour la musique française, du répertoire romantique sur instruments d’époque. L’aventure vient à peine de débuter et j’ai déjà hâte au prochain chapitre, en espérant qu’ils nous feront découvrir une nouvelle symphonie de Reber, le deuxième concerto pour piano de Liszt, ou encore quelques perles qui attendent le secours du Palazetto Bru Zane qui abrite le Centre de musique romantique française et fut l’un des partenaires les plus actifs à la réalisation de ce disque.

Guy Sauvé
Octobre 2012


vendredi 5 octobre 2012

Concertos pour flûte à bec de Mancini chez Brilliant.


Mancini: 12 Recorder Concertos

Corina Marti, flûte-à-bec
Capella Tiberina
Paolo Perrone, premier violon
Alexandra Nigito, clavecin
Brilliant 94324

Francesco Mancini est un compositeur napolitain né en 1672. Il fut assez prolifique avec environ 200 cantates, une quarantaine d’opéras et beaucoup de musique de chambre à son actif.

Il composa également plusieurs concertos pour flûte-à-bec, dont douze se retrouvent sur ce fort bel enregistrement de la maison Brilliant.

Son style fait écho au baroque pré-vivaldien, le jeune Albinoni entre autres. La presque systématisation d’un mouvement fugué, ainsi que la technique du ritornello assez prévisible des mouvements finaux, dénotent une absence de conscience de la « révolution » vivaldienne.

Les concertos sont datés de 1725, du moins le manuscrit, mais on pense que plusieurs d’entre eux auraient été plutôt écrits vers 1715. Déjà à cette époque, Vivaldi faisait des siennes sur la péninsule italienne. Force est d’admettre que Mancini était donc plutôt conservateur.

Ceci dit, le charme simple et direct de ces miniatures enjouées fait le plus bel effet et vous donnera certainement le sourire, si comme moi vous aimez la musique bien construite, bien jouée et mélodiquement attrayante.
Je ne connaissais aucun de ces interprètes. Mme Marti est tout à fait respectable en tant que flûtiste, bien que le grain de l’instrument se fasse parfois un rude aux extrêmes. La Capella Tiberina offre un accompagnement équilibré, exprimant la verve nécessaire lorsque la partition le demande.

Franchement, un très joli disque.

Frédéric Cardin

Symphonie n°1 de Ben-Haim chez CPO.


Ben-Haim: Symphonie no.1; Fanfare to Israel; Symphonic Metamorphoses on Bach Chorale

NDR Radiophilharmonie Hannover
Israel Yinon, dir.
CPO 777 417-2

J’ai toujours été très très curieux de découvrir plus avant la musique de Paul Ben-Haim (1897-1984), né Paul Frankenburger à Munich, émigré en Israel (alors la Palestine) à l’arrivée des Nazis au pouvoir en 1933. Je connaissais déjà le 2e mouvement de la Symphonie no.1, et c’est celui-ci qui avait éveillé ma conscience à la musique magnifiquement construite de ce compositeur encore presque totalement anonyme.

Le 1er mouvement de la Symphonie est constitué d’un thème robuste et de thèmes secondaires contrastés. L’ensemble rappelle une sorte de mariage entre Mahler et Hindemith. L’utilisation de rythmes vigoureux propulsés par les cordes graves est l’un des aspects résolument mahlérien. Les jeux chromatiques et pointés des bois font office de caractère hindemithien. Le 2e mouvement est une merveille de romantisme tardif. Un lent crescendo amorcé aux cordes et au hautbois (remarquable solo!) mène à un summum expressif renforcé par les cuivres, avant de s’éteindre tout doucement dans un crépuscule de teintes pastorales délicieusement mélancoliques. Le 3e mouvement, marqué presto con fuoco, revient à des sentiments plus expansifs et musculaires. Mahler et Hindemith, encore une fois, mais avec un « polissage » des angles harmoniques qui rend l’expérience « Ben-Haim » plus cinématique que purement intellectuelle ou même émotive. Voilà une addition majeure au corpus symphonique de tout passionné de musique du 20e siècle!

Fanfare to Israel est une oeuvre de circonstance, d’abord écrite pour des fonctions protocolaires, puis arrangée pour orchestre symphonique. On ne fait pas de découverte majeure ici, mais notons au passage le thème élégiaque central qui rappelle quelque peu la célèbre et inoubliable mélodie de l’hymne national israélien.

Les Symphonic Metamorphoses on Bach Chorale (« Wer nun den lieben Gott last walten”) s’amorcent sur une transposition du thème au hautbois (pour lequel Ben-Haim réservait certaines de ses plus belles lignes instrumentales!). Les métamorphoses qui suivent sont très contrastées entre sommets de puissance et économie orchestrale, tout cela dans un langage plus moderne que dans les autres pièces sur le disque. Le tout ne manque certainement pas d’effets et de savoir-faire.

Je ne saurais trop vous enjoindre à jeter une oreille attentive sur la musique de ce compositeur habile et sensible, en particulier sa Symphonie, une œuvre qui mérite sa place dans n’importe quelle bonne discothèque.


Frédéric Cardin

Goya de Menotti avec Plácido Domingo chez Arthaus.


Menotti : Goya
Placido Domingo (Goya); Michelle Breedt (Dona Cayetana); Iride Martinez (Maria Luisa, Reine d’Espagne); Andreas Conrad (Carlos IV, Roi d’Espagne); Maurizio Muraro (Don Manuel Godoy); Christian Gerhaher (Martin Zapater); Nadia Krasteva (Leocadia/une chanteuse); Petra Simkova (une bonne); Sergio Raonic Lukovic (Aubergiste/majordome)
Nikolaus Adler, chorégraphie
Jesper Kongshaug, éclairages
Steffen Aarfing, costumes et décors
Kasper Bech Holten, mise en scène
Radio-Symphonieorchester Wien
Festival-Chor KlangBogen Wien
Emmanuel Villaume, direction
Arthaus Musik 101 576

C’est en 1986 que fut donnée la première de cet opéra dont l’idée fut soufflée à Menotti par Domingo lui-même. « C’est la seule fois, il me semble, que j’accepte une idée venant de quelqu’un d’autre » a dit le compositeur.

L’histoire, qui ne prétend aucunement à la vérité historique, est une sorte de « description poétique de sa (Goya) personnalité ». On y voit Goya, vieux, dans une taverne, tomber amoureux d’une jeune femme aguichante, la duchesse d’Albe. Elle lui commande un portrait et pendant les séances de pose, Goya devient de plus en plus intensément attiré par la belle (Acte 1).

À l’Acte 2, on voit la reine être jalouse de la duchesse et de sa relation privilégiée avec le grand peintre. Celle-ci, rebelle et entichée d’idées modernes (nous sommes au tournant du 19e siècle), provoque la reine en présentant ses six caméristes, toutes vêtues exactement comme la souveraine. Le Premier ministre oblige Goya à faire serment d’allégeance à la reine, celui-ci accepte. La duchesse en est fort insultée et reproche à Goya son manque de caractère. Elle rompt avec lui.

L’Acte 3 retrouve Goya dans son atelier, retiré du monde et remplis de remords à l’idée de n’avoir pas été, dans sa vie personnelle, à la hauteur des idéaux et de la critique sociale véhiculés par ses tableaux. La duchesse a été empoisonnée par la reine et Goya fut incapable de se rendre à temps à son chevet pour la réconforter. Mais, avant de mourir, celle-ci apparaît à Goya et lui dit que son art transcendera le temps et réparera tous ses doutes.

Cette production fut crée en 2004 à Vienne, devant le compositeur déjà très vieux. Le traitement assez sobre, mais juste, rend justice à l’esprit des lieux, bien qu’on aurait peut-être aimé un brin plus de flamboyance visuelle, question de bien illuminer la somptuosité de la musique de Menotti. Le premier acte est visuellement dénudé, la taverne en question ressemblant étrangement à un atelier moderne. Le deuxième acte montre une cour dont l’opulence est marquée principalement par la couleur rouge ocre des murs, plutôt dénudés eux aussi. À cet endroit en particulier, j’aurais aimé un peu plus d’élaboration nobiliaire dans les décors. Le troisième acte est assez réussi. L’atelier de Goya nous montre sur les murs quelques gravures, certaines presque lubriques, d’autres résolument contestataires. On comprend ainsi les remords de Goya et son sentiment d’inadéquation entre la modernité affirmée et engagée de ses œuvres d’un côté, sa relative discrétion dans ses relations personnelles avec le pouvoir de l’autre.

Domingo est le Depardieu de l’opéra. On dirait qu’il ne refuse aucun rôle, aucun personnage, aucun défi. Et, habituellement, il s’en sort assez bien. C’est le cas ici. Je vous avouerai par contre que j’ai été impressionné par la performance d’Iride Martinez, la reine, frappante de conviction et de force dominante imposée à son entourage. Elle est dangereusement vindicative, mais sait parfois faire preuve d’un humour cruel déroutant. Une révélation. Michelle Breedt campe une duchesse solide, touchante (surtout dans la scène finale où elle apparaît à Goya, dans un moment éminemment touchant) et volontaire.

La mise en scène de Bech Holten est assez conventionnelle, s’effaçant presque devant l’œuvre du compositeur. Pourquoi pas, après tout? Menotti est l’un des plus habiles hommes de théâtre du 20e siècle!

Parlons-en donc de Menotti. Si vous n’êtes pas familier avec sa musique, sachez qu’elle est résolument tonale et bel cantiste. Aucun doute là-dessus : Menotti est un héritier avoué de Puccini, et on l’entend dans ce Goya. Les grandes mélodies qui embrassent l’espace sonore et harmonique et qui survolent constamment la partition rappellent le maître italien du début du 20e siècle. Et vous savez quoi? C’est tellement somptueux, c’est tellement bien construit, c’est tellement bien imbriqué avec l’action sur scène, que ça ne peut que faire le plus grand sens. On en ressort en se disant qu’on n’aurait pas pu imaginer une autre partition que celle-là!

Cet opéra, l’un des derniers de Menotti, rencontrerait beaucoup de succès populaire s’il était présenté plus souvent dans nos maisons d’opéra. La critique dira ce qu’elle voudra sur le romantisme dépassé, je peux vous assurer que si vous aimez le chant, la musique et les histoires passionnées, vous ne pourrez qu’être conquis par cette œuvre magnifique.

Je l’ai été.

Frédéric Cardin



Oeuvres de Montsalvatge chez Chandos.


Montsalvatge: Partita 1958; Cinco Canciones Negras; Calidoscopi Simfonic op.61; Simfonia da Requiem

Ruby Hughes, soprano
Clara Mouriz, mezzo-soprano
BBC Philharmonic
Juanjo Mena, direction
Chandos CHAN10735

2012 étant le centenaire de la naissance de Xavier Montsalvatge, un compositeur catalan, il était temps qu’une maison de qualité nous propose quelques titres du répertoire symphonique de ce catalan mort à 90 ans en 2002.

Montsalvatge a donc traversé le 20e siècle. Il semble en avoir musicalement retenu les éléments les plus communicatifs. Montsalvatge n’est pas un compositeur d’avant-garde. Chez lui, on retrouve une attention aux rythmes bien affirmés (il aimait beaucoup la musique des Antilles et de l’Amérique latine), une préférence pour des structures et des harmonies bien définies, un brin néo-classiques, et un amour pour les orchestrations parfois opulentes, bien trempées dans une sorte de post-impressionnisme assez séduisant. Tous ces éléments se retrouvent dans un langage résolument accessible sans être trop pastiché. On pense parfois à Britten, d’autres fois à Milhaud ou Stravinsky.

La Partita 1958 est en quatre mouvements séparés (Fanfare, sarabande, Intermezzo, Final) plutôt attractifs qui intègrent habilement des éléments latins, un peu comme ce que Darius Milhaud pouvait faire en ce sens. Les Cinq Chants Noirs (Cinco canciones negras) sont franchement à découvrir. L’atmosphère douce et aimable de ces pièces est un hommage à la moiteur des nuits antillaises. Seul le dernier chant est enlevant, à l’image de la musique antillaise populaire que l’on connaît. Celui-ci est également l’un des points forts du disque. Montsalvatge aimait particulièrement cette région et sa musique. Clara Mouriz est absolument merveilleuse. Sa voix est souple et son aisance à traduire la beauté de ces textes poétiques antillais, remarquable. On est littéralement transporté sous un arbre au crépuscule, devant une mer bleue-verte. Une révélation.

Calidoscopi Simfonic est un condensé d’une partition écrite pour un ballet. Montsalvatge était un homme de théâtre, et sa musique pour cette œuvre (que je ne connais pas) me semble très adéquatement expressive. L’orchestration foisonne et remplit l’espace, tout en permettant régulièrement aux différents solistes de l’orchestre de briller dans de superbes lignes mélodiques, parfois un rien grinçantes, mais de façon très peu aggressive.

Dans la Simfonia de Rèquiem, Montsalvatge tenta de traduire l’essence profonde de la messe catholique, sans avoir recours à la voix (sauf dans le tout dernier mouvement, Libera me, où l’intervention de Ruby Hughes est belle comme un miracle du Vendredi Saint). Curieusement, c’est cette partition qui voit Montsalvatge être le moins « accessible » de tout le disque. Les harmonies sont rugueuses, et la tension palpable. Ça demeure une œuvre de très belle facture, mais ne vous faites pas une idée trop affirmée sur le son de ce disque en écoutant le requiem en premier!

Que peut-on dire sur le BBC Philharmonic? Rien de plus qu’habituellement. L’orchestre est parfait et sonne à la fois grandiose et intime, lorsque nécessaire. Rien d’extraordinaire à dire non plus sur Juanjo Mena. Sa direction est tout à fait adéquate.

Frédéric Cardin






lundi 1 octobre 2012

Samson et Dalila de Saint-Saëns avec José Cura chez Arthaus

Camille Saint-Saëns
SAMSON ET DALILA

Samson -- José Cura
Dalila -- Julia Gertseva
The High Priest of Dagon -- Stefan Stoll
Abimelech -- Lukas Schmidt
Voice of the Old Hebrew -- Ulrich Schneider
Badisches Staatstheater Chorus and Orchestra
(chorus master: Ulrich Wagner)
Jochem Hochstenbach, conductor
José Cura, stage director and designer
Gerd Meier, lighting designer
Recorded live at Badisches Staatstheater, 22 and 24 October 2010



Samson et Dalila, parle de Ouvoir et Domination, de Trahison; de comment la «volonté de Dieu» est utilisée pour justifier des actes de vengeance... 3500 ans après l'écriture de l'apologue de Samson, rien n'a vraiment changé: la trahison est si courante que nous avons perdu le sens de son indignité: Pouvoir et domination sont encore moteurs de notre si appelée «civilisation» et tuer caché derrière un masque de Foi- de n'importe quelle Foi- est, malheureusement, toujours à la mode.  José Cura.

Arthaus : Dvd 101631

Le Grand Macabre de Ligeti, une production du Liceu chez Arthaus

György Ligeti

LE GRAND MACABRE

Piet the Pot -- Chris Merritt
Amando -- Inés Moraleda
Amanda -- Ana Puche
Nekrotzar -- Werner Van Mechelen
Astradamors -- Frode Olsen
Mescalina -- Ning Liang
Venus / Gepopo -- Barbara Hannigan
Prince Go-Go -- Brian Asawa
White Minister -- Francisco Vas
Black Minister -- Simon Butteriss
Liceu Grand Theatre Chorus and Orchestra
(chorus master: José Luís Basso)
Michael Boder, conductor
Àlex Ollé (La Fura dels Baus) and Valentina Carrasco, stage directors
Alfons Flores, set designer
Lluc Castells, costume designer
Peter van Praet, lighting designer
Recorded live from Gran Teatre del Liceu, Barcelona, November 2011.



L'opéra Le Grand Macabre de György Ligeti (1923-2006) est l'un des opéras les plus populaires de la seconde moitié du XXè siècle en termes de nombre de productions. Cet opéra remarquable par l'utilisation d'un style et d'une technique musicale inédits par rapport aux compositions antérieures de Ligeti. Composé entre 1974 et 1977 pour l'Opéra Royal de Stockholm, cet opéra est basé  sur la pièce de théâtre La balade du grand macabre (1935) du dramaturge belge Michel de Ghelderode; un récit surréaliste et excentrique d'une apocalypse prochaine.

Arthaus: 101643 Dvd et 108058 Blu-ray.