mercredi 30 mars 2011

Rossini: Le Siège de Corinthe

Luciana Serra (Pamyra)

Marcello Lippi (Mahomet II)

Dano Raffanti (Cléomène)

Maurizio Comencini (Néoclès)

Armando Caforio (Hiéros)

Vito Martino (Adraste)

Francesco Facini (Omar)

Francesca Provvisionato (Ismène)

Prague Philharmonic choir

Orchestra e Coro del teatro Carlo Felice di Genoa

Paolo Olmi, direction

Michael Alexander Willens, direction

Nuova Era 233010 (2CD: 157 min 10 s)

Le Siège de Corinthe fut créé en français le 9 octobre 1826 à l’Opéra de Paris. Qualifié de « tragédie lyrique » par Rossini, il s’agit en réalité du remaniement partiel d’un opéra précédent créé en 1820 à Naples et intitulé Maometto II, lequel n’avait pas connu de succès. Rossini savait très bien que le public français était habitué et fier du style de tragédies héritées de Rameau, lequel faisait une place prépondérante aux récitatifs en cherchant à les intégrer le plus fluidement possible aux airs et morceaux d’ensemble. Cette « confusion des genres » était probablement déroutante (et rébarbative) pour la plupart des compositeurs italiens, Rossini compris. Ce doit être la raison pour laquelle le compositeur, en retravaillant son Maometto II, y intégra des récitatifs. Mais bien que Rossini en insère régulièrement entre les numéros vocaux, ceux-ci demeurent plastiquement séparés des airs, ne servant en fait que de liens transitoires entre les morceaux de bravoure et de lyrisme emporté, ou, si vous préférez, ne servant que de « faire-valoir » aux véritable spectacle, les feux d’artifices vocaux! Le terme « tragédie lyrique » ne s’applique donc que de façon superficielle.

Quoiqu’il en soit, Le Siège de Corinthe possède plusieurs atouts qui en font un opéra agréable à entendre. L’écriture rossinienne pour les chœurs se situe à un haut niveau de qualité mélodique et dramatique. Votre humble serviteur a été délicieusement ravi par la plupart des numéros choraux, souvent très enlevants. La virtuosité des phrases vocales offre aux solistes des épisodes de brillance plutôt divertissants. À certains égards, cet opéra annonce aussi Guillaume Tell. Sans être un chef-d’œuvre à redécouvrir, Le Siège de Corinthe a de quoi satisfaire le mélomane curieux.

Il y est question du siège de la ville de Corinthe par les Turcs (dans la réalité, il s’agissait de Negroponte) au XVe siècle. Pendant le siège de la ville, Pamira, la fille du Roi de Corinthe Cléomène, s’est promise au guerrier Almanzor alors que son père la destine à Néoclès, l’un de ses fidèles conseillers. Quand les Turcs prennent la ville, Mahomet II fait venir Almanzor pour le questionner sur une jeune et belle grecque qu’il avait aperçue il y a plusieurs années. Pamira, capturée elle aussi, se jette sur Almanzor quand elle le voit. Mahomet II comprend qu’elle est la jeune fille qu’il recherche depuis si longtemps. Mahomet II veut épouser Pamira, en échange de la vie des Corinthiens. Pamira hésite, son père la supplie de pas accepter cet échange odieux. Pamira commence par se laisser convaincre par les Turcs, mais alors que les préparatifs de noces vont bon train, elle change d’idée à l’appel de son père, retourne auprès des siens dans la réconciliation générale. Les Turcs encerclent la citadelle de la ville, où sont réfugiés les derniers résistants, et fait sonner le massacre. Les Grecs se battent jusqu’à la mort, et, au moment où Mahomet II entre avec ses troupes dans les derniers retranchements de Pamira afin de la reprendre et la forcer à devenir sa femme, celle-ci accomplit son destin et se donne la mort, plutôt que de vivre dans le déshonneur.

Marcello Lippi est impérial dans le rôle de Mahomet II. Luciana Serra possède un soprano bien étendu qu’elle réussit à projeter avec assurance. On aurait aimé que l’instrument soit un peu plus malléable, par contre. Mais l’occasionnel manque de flexibilité est bellement compensé par un timbre aux teintes onctueuses. Dano Raffanti campe un Cléomène solide et digne devant la chute imminente de son royaume. Sa diction française, claire et limpide, est à noter dans les points positifs.

Le principal regret vient de la prise de son, réalisée en public en 1992. L’orchestre manque d’ampleur et de coffre. Les bois sonnent à l’occasion comme s’ils avaient été captés dans un centre communautaire dénué d’acoustique adéquate. Le contraste est frappant avec la prise des voix, directe et éclatante.

Que ce léger déséquilibre ne vous empêche pas, cependant, de jeter une oreille attentive à cette production sommes toutes fort satisfaisante. Vous aurez ainsi l’occasion de découvrir un opus rossinien rarement joué, mais habilement construit, comme c’est si souvent le cas chez ce compositeur.

Nuova Era 233010

Frédéric Cardin




Kalliwoda : Concert Overture no.17, op. 242; Symphonie No. 2 op. 17 en Mi bémol majeur; Symphonie No. 4 op. 60 en Do majeur

Die Kölner Akademie

Michael Alexander Willens, direction

CPO 777 469-2 (67 min 41 s)

La découverte des oeuvres (en particulier les symphonies) de Johann Wenzel Kalliwoda (1801-1866) fut l’un des moments musicaux les plus agréables des dernières années de votre humble serviteur. Depuis la parution du premier volume CPO consacré à Kalliwoda (avec en programme les symphonies nos 5 & 7) il y a déjà presque 5 ans, l’intérêt a été grand d’en connaître davantage sur ce compositeur d’origine tchèque (né à Prague), mais qui vécut et travailla en Allemagne. Ses dates de naissance et de décès le consacrent comme une sorte de chaînon manquant entre Beethoven et Schubert, mais aussi un contemporain de stature moindre à, mais certainement pas écrasée par, celles de Mendelssohn et même Schumann.

Les Symphonies de Kalliwoda sont clairement liées, stylistiquement et caractériellement, à celles de Beethoven et de Schubert. La clarté de la forme, mais aussi le souffle musclé et plein d’allant rappellent ce cher Ludwig. La physicalité du geste musical ne doit cependant pas laisser l’impression qu’il ne s’agit que d’une musique d’enveloppe, et non de contenu. Les constructions mélodiques de Kalliwoda trahissent une aisance certaine, autant dans la construction musicale à proprement parler que dans l’art de l’orchestration. Kalliwoda maîtrisait superbement le langage esthétique de son époque et, au-delà de l’habile technicien, il se révèle avoir été un créateur parfois inspiré et doué. Kalliwoda n’était pas in innovateur, loin s’en faut, mais il était talentueux et manifestement sophistiqué. Si vous avez fait le tour des centaines de fois des symphonies de Beethoven et de Schubert, tentez l’expérience de celles de Kalliwoda. Vous ne serez pas déçus!

La première au programme est la Symphonie no.2, op.17, publiée en 1829. Beethoven et Schubert venaient de s’éteindre. On pourrait y voir une sorte d’hommage, ou encore la volonté de poursuivre une lignée si génialement établie par les deux géants. Pourtant, aucun pathos n’y est décelable. La symphonie se déroule sur 4 mouvements sans lourdeur exagérée, malgré l’accentuation thématiquement marquée de la pulsation, typique du style beethovenien. Il s’en dégage une impression de fraîcheur et de jeunesse, qui nous place également en territoire schubertien.

La Symphonie no.4, op.60 (en Do majeur), composée quelques années plus tard (en 1835), se révèle être faite du même moule, quoique l’on sente indéniablement que la musculature du langage musical de Kalliwoda s’est amplifiée. L’aisance mélodique n’est jamais amoindrie par cette progression « athlétique », ni le lyrisme inhérent aux thèmes principaux.

Une Ouverture de Concert (no.17), amorce l’enregistrement de façon attrayante et efficacement divertissante, malgré le manque de profondeur du traitement thématique.

Un grand bravo et un sincère merci à toute l’équipe de la maison CPO de nous offrir la chance de redécouvrir un compositeur oublié, et qui constitue une très agréable alternative au répertoire déjà rebattu du jeune Romantisme.

CPO-777469-2

Frédéric Cardin



mardi 29 mars 2011

Johann Adolf Hasse : Sanctus Petrus & Sancta Maria Magdalena

Kirsten Blaise, soprano (S. Maria Magdalena); Heidrun Kordes, soprano (Maria Iacobi); Vivica Genaux, mezzo-soprano (Maria Salome); Terry Wey, alto (S. Petrus); Jacek Laszczkowski, soprano (Joseph d’Arimatea)

Chor und Orchester der Ludwigsburger Schlossfestspiele

Michael Hofstetter, direction

Oehms Classics OC 950

Johann Adolf Hasse (1799-1783) eut une carrière prolifique, même si cela ne transparaît guère dans les programmes des différentes sociétés musicales tant européennes que nord-américaines. Pourtant, sa musique est raffinée et souvent inspirée, et elle possède de très belles qualités mélodiques. Hasse écrivait fort bien pour la voix, comme le prouve cet Oratorio composé pour l’Ospedale degl’Incurabili, l’un des quatre orphelinats de Venise, dont la Pieta demeure à ce jour le plus célèbre, ayant été dirigé par Vivaldi. Hasse, bien qu’Allemand (il est né près de Hambourg), composait dans un style fortement italianisé, et ce de façon pleinement assumée (il signait ses manuscrits Giovanni Adolfo Hasse!). La construction des lignes mélodiques, en particulier celles des voix, trahit une préoccupation de l’effet dramatique et de la projection d’affects de manière très directe. L’essence de cette partition est clairement dédiée à l’expression de la beauté et de sentiments humains rarement tempérés par le recours à des conceptions structurelles telles que la fugue. Malgré cela, la construction de Hasse est rigoureuse tout en étant claire et transparente, ceci en vue de favoriser l’appréciation d’un plus large public.

L’histoire traite d’une rencontre entre Saint-Pierre et Marie-Madeleine (ou Marie de Magdala, la première personne à avoir vu le Christ ressuscité), et leur discussion sur la part de responsabilités attribuée à chacun dans la mort de Jésus sur la Croix. Le dialogue des protagonistes est fictif, et la dramatisation des affects est accentuée (comme il se doit avec un compositeur italianisé!). Pierre et Marie sont en désaccord sur la question, affirmant à tour de rôle leur plus grande responsabilité. Joseph d’Arimathie offre quant à lui des réflexions sur le sens de la crucifixion.

L’écriture de Hasse, tel que mentionné plus haut, est accessible, vibrante, mélodique et hautement dramatique. On remarquera en particulier l’air Mea tormenta, propetare!, chanté par Saint-Pierre (l’alto masculin Terry Wey) : un remarquable exemple de fougue vivaldienne de forme ABA qui aurait très bien pu être écrit par le Prêtre Roux pour Orlando Furioso.

Les solistes sont tous très bons. L’alto Terry Wey, déjà mentionné, possède un timbre aérien non dénué d’aisance dans le registre plus grave. Vivica Genaux est égale à elle-même, soit impériale. Kirsten Blaise, qui joue Marie-Madeleine, transmet toute la fragilité du personnage, mais aussi une indéniable force de caractère qui sous-tend le caractère passionné de cette femme.

Michael Hofstetter imprime une énergie fougueuse aux passages impétueux, et une économie de moyens empreinte de délicatesse dans les passages introspectifs. L’orchestre, assuré et incisif, est magnifiquement bien capté par les techniciens, ainsi que le chœur, qui brille de mille feux, particulièrement dans les derniers mouvements. Une production franchement emballante, qui nous donne sérieusement envie d’entendre les autres œuvres sacrées de M. Hasse.

Oehms Classics: OC950

Frédéric Cardin

samedi 26 mars 2011

Geneviève Laurenceau Tugan Sokhiev Orchestre National du Capitole de Toulouse Naïve V5256

Serge Prokofiev, concerto pour violon n°2, op.63 (1935).
Sergey Rachmaninoff, danses symphoniques, op.45 (1940).
Genviève Laurenceau, violon.
Orchestre National du Capitole de Toulouse.
Tugan Sokhiev, directeur.

À partir de 1935 l'idée d'un retour en Russie soviétique apparaît comme quasi inévitable pour Serge Prokofiev (1891-1953). Durant cette période une oeuvre majeure va naître. Elle a été pensée pour soutenir le violoniste Robert Soetens, qui aurait l'exclusivité de joué le concerto pour violon n°2 durant toute une année. L’écriture est moins complexe que celle du 1er concerto pour violon de 1917, mais plus lyrique, comme nous pouvons l'écouter dans son fameux deuxième mouvement andante assai. Ce concerto est un bel exemple de ce qu'on a appelé " nouvelle simplicité", où Prokofiev avait commencé à clarifier son langage harmonique en atténuant son niveau de dissonance et en donnant la primauté à ses dons remarquables en matière d'invention mélodique.
C'est juste après la tournée de création de se concerto en Europe et Afrique du Nord, que Prokofiev entame le chemin du retour en URSS, et qui deviendra son étape dite soviétique.
Geneviève Laurenceau, premier violon solo de l'orchestre, nous donne une très belle interprétation du concerto, en le jouant de la façon lyrique et passionnée que la partition exige. L'Orchestre du Capitole, fidèle à sa tradition, excellentes cordes, très bons vents le tout très bien géré par Tugan Sokhiev futur directeur musical de la Deutsches Symphonie-Orchester de Berlin à compter de la saison 2012-2013.

Bien que du même pays que Prokofiev, Rachmaninov (1873-1943) vivait une toute autre réalité que son cadet. Pianiste virtuose et légendaire, il a aussi émigré (aux États-Unis), mais n'a pas voulu revenir après la révolution bolchevique. Évidemment tout son univers ainsi que ses biens furent basculés par la marée révolutionnaire, et sa Russie ancestrale ne sera plus jamais comme il s'en souvenait sûrement. Ainsi que le peuple juif, les russes partagent un culte à la nostalgie qui se laisse entendre dans ses magnifiques danses symphoniques. Pensées originalement comme un ballet, Rachmaninov reprend ce matériel en le transformant en trois danses pour l' Orchestre de Philadelphie. L'oeuvre a un caractère autobiographique, sans que le compositeur n'ait jamais donné d'explication, le final du premier mouvement comporte une citation de sa première symphonie, dont la création fut un évènement traumatique dans sa vie. Tandis que dans la danse finale le thème de l'Alléluia de ses Vêpres apparaît pour conduire un espèce de combat ultime et victorieux contre la mort. L'Orchestre du Capitole retrouve toute l'énergie dynamique que cette partition précise, non seulement pour faire ressortir les rythmes et les mélodies si particulières, mais aussi pour rendre justice au métier d'orchestrateur de Rachmaninov.

Un très beau disque de tout point de vue!

Naïve V5256

lundi 21 mars 2011

Sonia Wieder-Atherton / Chants Juifs / Prière Naïve V5226


«Tous, on a eu un jour ou l'autre à attendre, et on aura à attendre encore souvent. Attendre un résultat, attendre un retour, attendre une nouvelle. On sait qu'on aura à attendre, on s'y prépare. On tente de s'installer avec elle, l'attente, de s'entendre avec elle don gré mal gré. Le propre de cette attente, c'est de ne pas savoir ce qui en découlera et d'accepter qu'on ne'est pas seul à décider, pas seul maître des évènements. C'est un ballet qui se danse, un ballet secret, invisible de petits pas vers le passé, de scènes remontant à la surface, vécues, imaginées ou espérées. Où l'on parlemente, on rit, on se fâche, on se réconcilie avec d'autres, avec soi. Petit à petit les pensées se pacifient, faisant place à un besoin de recommencer, de sentir beaucoup plus léger.
Ce chant, il est pour ce jour là. Il résonne, présent sans discontinuer comme pour se souvenir qu'une fois l'attente terminée, c'est un regard nouveau qu'on posera.» Kol Nidre par Sonia Wieder-Atherton.

Naïve V5226.

Wagner: Die Walküre (Bayreuth) Opus Arte


Christian Thielemann, considéré "comme le grand wagnérien des directeurs d'orchestre de notre temps" (Die Presse) retourne à Bayreuth avec cette radieuse version de Die Walküre filmée en 2010. Pour la première fois en DVD et Blu-ray, nous avons accès au visuel et l'audio de cette production faite par Tankred Dorst's Ring, après l’immense succès de leur version Ring en CD. Deux nouveaux chanteurs ce sont joint à la production: Johan Botha comme Siegmund, qui a été salué par la presse, "comme faisant partie d'une distribution idéale" (Frankfurter Allgemeine Zeitung) et Edith Haller avec sa "belle et puissante voix de soprano" (Süddeutsche Zeitung), comme Sieglinde. Cette production sera dans les salles de cinéma partout dans le monde entier.

Siegmund: Johan Botha
Hunding: Kwangchul Youn
Wotan: Albert Dohmen
Sieglinde: Edith Haller
Brünnhilde: Linda Watson
Fricka: Mihoko Fujimura
Gerhilde: Sonja Mühleck
Ortlinde: Anna Gabler
Waltraute: Martina Dike
Schwertleite: Simone Schröder
Helmwige: Miriam Gordon-Stewart
Siegrune: Wilke te Brummelstroete
Grimgerde: Annette Küttenbaum
Rossweisse: Alexandra Petersamer

Bayreuther Festspiele Chorus
Bayreuther Festspiele

Conductor: Christian Thielemann
Director: Tankred Dorst

Opus Arte DVD: OA1045D
Blu-ray: OABD7081D

À partir du 26 avril 2011.

dimanche 20 mars 2011

Aga Mikolaj chante Strauss et Mozart

Richard Strauss:
Quatre derniers lieder
Ariadne auf Naxos: Es gibt ein Reich
Capriccio: Schlussszene der Gräfin
Wolfgang Amadé Mozart:
Le Nozze di Figaro: cavatina
Le Nozze di Figaro: e Susanna non vien!
Don Giovanni: in quali eccessi
Cosi fan tutte: come scoglio
Aga Mikolaj: soprano
WDR Rundfunkorchester Köln, Karl Sollak, chef.

Voici une nouveauté de CPO pour le mois d'avril 2011. Le dernier disque de la soprano polonaise Aga Mikolaj, Naxos 8.572032 Penderecki, Credo, 8.557766 Penderecki, Seven gates of Jerusalem.
Il s'agit d'un enregistrement qui forme partie du répertoire musical sur scène de la soprano devenant un espèce de portrait musical de l'artiste.

«Sind es die Worte die mein Herz bewegen? Oder sind es die Töne, die stärker sprechen?/ Sont-ce les mots qui émeuvent mon coeur? Ou bien sont-ce les notes qui parlent plus forts?» Capriccio scène finale. Questions d'ordre esthétique que Richard Strauss et tout artiste sont sûrement demandé» Aga Mikolaj.

«Ces même questions d'esthétique Strauss ce les a posé avec les Vie Letzte Lieder/Les quatre derniers lieder, où un vieil homme regarde en arrière un passé qui pour lui ne reviendra plus. Ces lieder représentent un adieu, un adieu à la vie, adieu à une époque de la langue musicale qui fait revivre à l'auditeur la beauté parfaite du son» Karl Sollak.

Le disque finit avec quatre morceaux de Mozart tirés de trois de ses plus grands opéras. Aga Mikolaj à travers son art, nous montre des figures de femmes différentes mais dont le point commun c'est d'être prises avec l'amour sous une forme ou une autre.

Très beau enregistrement où l’on apprécie toute la dimension la plus noble de l'art vocal, avec deux de ses plus grands créateurs Strauss et Mozart.

CPO 777641-2

Philippe Adelfang.


samedi 19 mars 2011

"Discovering Beethoven" - Christian Thielemann, Wiener Philharmoniker.


Un travail de répétition approfondi, une tournée de concerts mondiale, des séances de tournage qui ont duré de décembre 2008 à avril 2010: de toute évidence, c'est un projet colossal à tout égards que Christian Thielemann et les Wiener Philharmoniker ont réalisé avec BEETHOVEN 9, leur cycle Beethoven commun. Les film ont été tournés en haute définition, et la musique enregistrée en 5.0 Surround-Sound (sans canal subwoofer supplémentaire pour des raisons artistiques). C'est ainsi qu'ont vu le jour non seulement le premier enregistrement Beethoven des Wiener Philharmoniker en HD mais aussi le tout premier cycle Beethoven à satisfaire aux critères de la technologie blu-ray haute résolution. L'intégralité de ce programme fait aujourd'hui l'objet de deux publications, l'une sous forme de trois disques blu-ray, l'autre sous forme de trois triples DVD.

CMajor: blu-ray 705004, 704804 (déjà disponible) et 705204 (à partir du 29 mars 2011)
DVD 704908, 704708 (déjà disponible) et 705108 (à partir du 29 mars 2011)

Sonia Wieder-Atherton: "Vita" Monteverdi-Scelsi Naïve V5257


Violoncelliste, interprète d'un large répertoire reflétant son imaginaire, metteur en scène, musicienne recherchée par de nombreux compositeurs contemporains, Sonia Wieder-Artherton occupe une place à part dans le monde musical aujourd'hui. Elle joue en soliste avec l'Orchestre de Paris, l'Orchestre national de France, l'Orchestre national de Belgique, le Philharmonique de Liège, le Philharmonique d'Israël, l'Orchestre Gulbenkian de Lisbonne, l'Orchestre philharmonique du Luxembourg, l'Orchestre de la NDR de Hanovre...

« Je ressens, Monteverdi et Scelsi, comme des explorateurs des forces humaines. Chacun à sa manière essaie de toucher ce qui lie l'être humain au cosmos, à l'espace. Les impulsions créatrices, les émotions, comment tout cela s'exprime. Cette quête inlassable les pousse à faire exploser la notion d'époque, dont chacun d'eux sort avec fracas. C'est pour cela qu'ils peuvent raconter une vie, ensemble.» Sonia Wieder-Artherton.

Nouveau disque chez étiquette Naïve V5257 à partir du 22 mars au Canada.

vendredi 18 mars 2011

Julia Lezhneva / Rossini: opera arias Naïve V5221 à venir le 26 avril


Voici un avant-goût du premier CD solo sur étiquette Naïve de Julia Lezhneva avec l'orchestre Sinfonia Varsovia sous la direction de Marc Minkowski.
Gagnante des compétitions Mirjam Helin et le Concours d'Opéra de Paris, protégée de Dame Kiri Te Kanawa, la soprano Julia Lezhneva consacre son premier album à des airs de Gioachino Rossini.
Disponible à partir du 26 avril.
Naïve: V5221.

mercredi 2 mars 2011

Swiss Piano Quintets

Swiss Piano Quintets

Ensemble Il Trittico (Jan Schultsz, piano; Jonathan Allen et Anahit Kurtikyan, violons; David Greenless, alto; Daniel Pezzotti, violoncelle; Dariusz Mizera, contrebasse)

Divox CDX 20506

De belles découvertes à faire sur cette splendide parution de la maison Divox! Trois œuvres de deux compositeurs suisses sont au programme. Le morceau de résistance est sans contredit le Grand Quintuor (!) en la mineur, op. 107, de Joseph Joachim Raff (1822-1882). Raff est un compositeur éminemment romantique, auteur de quelques 300 partitions, la plupart méconnues et rarement jouées. À l’écoute de ce somptueux « quintuor », on ne peut que le regretter amèrement. Le premier mouvement révèle un caractère impétueux, mais empreint d’élégance, qui réussit à projeter l’impression d’une fougue intérieure savamment calibrée et contrôlée, et ce sans refroidir le potentiel émotif du matériel thématique. Raff possède un sens très sûr du développement mélodique et de la construction dramatique. Ce premier mouvement est à lui seul un mémorable morceau d’écriture musicale, envoûtant du début à la fin.

Le deuxième mouvement, un scherzo vif et allant, surprend par son caractère rafraîchissant et limpide, contrastant avec la tension plus touffue du premier. Cela a probablement à voir avec le choix de la tonalité, le do dièse mineur, inattendu après le la mineur du premier. À remarquer après le dévoilement vivifiant du motif piqué initial, le thème particulièrement empreint de tendresse, joué par les cordes, et radieusement ornementé par des cascades printanières au piano.

Le troisième mouvement, un andante quasi allegretto, présente une mélodie passionnée, brahmsienne, ample et charnue, véritable morceau d’ardeur émotive d’une grande profondeur. Un thème léger et affectueux apporte un joli contraste avant la conclusion du mouvement sur une note éthérée qui ne ramène jamais complètement l’intensité initiale du mouvement.

Le finale, un allegro brioso, patetico, débute par une exclamation brillante du piano, suivie par un thème de type rondo teinté de faux-folklorisme « à la hongroise ». Ce thème se veut robuste, mais l’écriture de Raff ne lui permet jamais de s’alourdir. La conclusion finale est pleine de confiance et témoigne de l’assurance du compositeur.

L’œuvre qui suit sur le disque est également de Raff. Il s’agit de la Fantaisie en sol mineur, op.207b, pour les mêmes effectifs que le quintette précédent. Encore une fois, le talent de mélodiste de Raff est impressionnant. Nous ne sommes manifestement pas en présence d’un compositeur de moindre envergure que Schumann ou Brahms à ce chapitre.

Hermann Goetz (1840-1876) n’eut pas le temps d’exploiter tout le talent qui était le sien, comme l’indiquent ses dates de naissance et de décès. À défaut d’y déceler la marque d’un génie oublié, on peut en revanche affirmer que le savoir-faire de Goetz était très élaboré et avancé. On décèle Brahms dans ce Quintette en do mineur, op.16 écrit pour un ensemble particulier, soit piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse. L’ajout d’une basse accentue le drame inhérent à cette œuvre, témoin d’une personnalité musicale empreinte de profondeur et de tragédie. Malgré cette attirance pour le côté obscur de l’expression musicale et harmonique, Goetz manifeste dans son écriture une réelle aptitude pour le lyrisme et la construction mélodique. Il faut bien comprendre, cependant, toute la différence qui démarque ce quintette de celui de Raff qui précède. Alors que ce dernier est clairement flamboyant et extraverti, Goetz est plus typiquement germanique, exprimant ses émotions à travers le prisme d’une réflexion structurelle et conceptuelle plus rigoureuse. C’est une sorte de photographie fixée dans le temps, témoin du développement déjà prometteur d’un créateur plein de promesses, qui nous est offerte ici à travers cette superbe exécution signée par l’ensemble Il Trittico.

Divox: CDX-20506

Frédéric Cardin

mardi 1 mars 2011

Purcell: The Fairy Queen

Jonathan Kent, mise en scène
Paul Brown, décors
Mark Henderson, éclairages
Kim Brandstup, chorégraphie
Lucy Crowe, Carolyn Sampson, Ed Lyon, Andrew Foster-Williams, Sally Dexter, Joseph Millson, Desmond Barritt, distribution
Orchestra of the Age of Enlightenment
The Glyndebourne Chorus
William Christie, direction
Opus Arte OA BD7065 D

The Fairy Queen est peut-être un « semi-opéra », mais dans cette vibrante mise en scène de Jonathan Kent, il devient un divertissement total et absolu. La proposition de Kent et de ses acolytes aux décors et aux costumes est imaginative, pleine d’esprit et d’humour et ce sans sombrer dans la facilité. Concevoir la scène finale du Premier Acte comme une orgie de lapins libidineux sans être vulgaire ou grossier, cela tient du pur génie! On assiste ailleurs à l’ascension de monstres venant du sous-sol, ou à une descente des dieux du ciel avec force subterfuges mécaniques dignes d’un véritable théâtre baroque londonien.

La version utilisée pour cette représentation donnée au Glyndebourne Opera en 2009 est celle qui utilise le texte complet dans lequel Purcell insère une version récitée du Midsummer Night’s Dream de Shakespeare. Cette insertion rarement utilisée allonge substantiellement la durée de l’œuvre. Trop peut-être, du moins selon certaines critiques. Pour ma part, cette bonification est bienvenue puisqu’elle nous éclaire sur la volonté initiale du compositeur.

Les acteurs/chanteurs donnent vie à leurs personnages de façon convaincante. Certains le font mieux que d’autres par contre. Desmond Barritt, en particulier, démontre un sérieux talent scénique, en plus de posséder une magnifique basse profonde.

La direction de William Christie est impeccable, comme d’habitude. La sensibilité du chef permet à la partition de resplendir d’un éclat particulièrement vif dans les épisodes fougueux, mais aussi d’être empreinte d’une très profonde intensité émotive dans les parties dramatiques.

Opus Arte: OABD7065D

Frédéric Cardin

Sibelius: concerto pour violon et orchestre

Jean Sibelius (1865-1957)

Concerto pour violon et orchestre, en ré mineur, op. 47 (1903, révisé en 1905)

Le Barde, op 64 (1913, révisé en 1914)

La Nymphe des bois, op. 15 (1895)

Franz Peter Zimmermann, violon

Orchestre philharmonique d’Helsinki, John Storgards, chef

Ondine ODE 1147-2

Enregistrement : 2008-2010

Durée : 62 min. 57

Distribué au Canada par Naxos


La couverture du livret, deux moitiés de violon en feu, annonce bien ce que l’on va entendre, du moins pour ce qui est du concerto. Car c’était avec une passion fiévreuse que Sibelius s’était plongé dans la composition du seul concerto qu’il ait écrit de toute sa carrière. Les idées bouillonnaient tant dans sa tête que la genèse fut animée d’une ferveur qui ne passait pas inaperçue, si l’on en croit la lettre que sa femme adressa à un grand ami de la famille. Rappelons que le violon était son instrument de prédilection et que son talent musical précoce fut révélé grâce à celui-ci. Il avait l’ambition de devenir violoniste sinon de concert, du moins au sein d’un orchestre. Sûrement que son expérience de soliste dans des œuvres concertantes de Bériot, David, Vieuxtemps, lui ont rapporté des dividendes au moment d’écrire son propre concerto, l’un des plus souvent joués et enregistrés.

Par ailleurs, la rapide succession de succès remportés dans le domaine orchestral (dès 1892 avec Kullervo) l’ont amené à embrasser définitivement la composition. On peut donc dire que ce concerto a profité du meilleur des deux mondes, violonistique et symphonique.

Devant une œuvre si souvent interprétée, la concurrence est extrêmement vive. Même si je préfère, parmi les versions récentes que j’ai écoutées, les prestations de Hilary Hahn (DGG), de Lisa Batiashvili (Sony) et de Kavakos, celui-ci pour avoir enregistré les deux versions, originale et révisée (Bis), Zimmermann tire bien son épingle du jeu, démontre une technique solide, particulièrement dans le troisième mouvement qui semble mieux convenir à son jeu brillant.

Les deux poèmes symphoniques choisis pour compléter le programme est heureux puisqu’ils nous présentent Sibelius sous d’autres jours. On quitte le domaine de la virtuosité, tantôt pour l’étrange beauté symboliste avec Le Barde, tantôt pour la narration musicale d’une légende aux climats contrastants avec La Nymphe des bois.

Étrange beauté en effet chez l’un des plus courts poèmes symphoniques non cycliques de Sibelius (8 min.). Ainsi, dans Le Barde, des arpèges égrenés par-ci par-là par la harpe se font l’écho d’un univers mythique tandis que l’orchestre nous suggère sur un ton élégiaque le souvenir d’un monde désormais accessible que dans le rêve, trait caractéristique de l’esthétique symboliste. Vers la fin, une très courte section (Largamente) rompt la tranquillité onirique pour atteindre une brusque éclaircie majestueuse qui se dissout tout aussi rapidement. Harpe et orchestre nous ramènent alors dans l’immémoriale douceur. L’interprétation de l’orchestre est magnifique.

La Nymphe des bois, d’une durée nettement plus substantielle (24 min.), est sous-titrée « Ballade pour orchestre », genre que l’on doit rapprocher de la tradition littéraire germanique. L’œuvre est en quatre parties très bien découpées. Dans la première (Alla marcia), le héros va son chemin, sûr et fier de sa personne. Dans la seconde (Vivace assai / Molto vivace), des gnomes malfaisants lui tendent patiemment une embuscade dans la forêt. Le climat de tension progressivement élaboré prend l’allure d’un thriller soutenu. Marc Vignal, dans sa biographie sur le compositeur, nous dit de ce passage : « … un tour de force d’une originalité absolue, on a là du plus grand Sibelius. » Pour un instant, le héros se croit en mesure de se sortir du pétrin mais la nymphe lui apparaît. C’est alors que la troisième partie (Moderato) enchaîne avec une scène d’amour aux connotations sensuelles, une touche d’exotisme colorant pendant quelques mesures la séduction fatale pour le jeune homme. La quatrième partie (Molto lento) est une longue plainte d’une âme irrémédiablement prisonnière du joug d’une femme moralement cruelle, qui laisse périr sa victime dans une interminable désolation. J’ai rarement entendu une musique rendre si intensément le vertige du vide existentiel. Encore une fois, l’orchestre fait merveille.

Ainsi, ce disque propose un très bon portrait de l’univers sibélien. Quiconque veut se familiariser avec le personnage avant d’investir dans une intégrale, que seul le label Bis a entreprise sérieusement (il reste encore deux coffrets à paraître cette année d’une série de treize), sera bien servi avec cette version.

Guy Sauvé

Février 2011





Kuhnau – Albrici: Sopran Cantatas


Kuhnau – Albrici: Sopran Cantatas

Barbara Christina Steude, soprano

Concerto Con Voce

Jan Katzschke, direction



Quel malheur de s’appeler Johann Kuhnau! La postérité vous condamne à n’être retenu dans les livres d’histoire que comme prédécesseur d’un certain Johann Sebastian Bach à Saint-Thomas de Leipzig. Il faut alors compter sur des mélomanes du futur, prêts à fouiller les coins d’ombre de l’histoire, et celle, gigantesque, de cet immense JSB pour y découvrir des œuvres fort estimables, que le géant successeur lui-même, apparemment, appréciait grandement.

Les mélomanes-découvreurs chez CPO réussissent encore quelques miracles en illuminant de façon respectueuse et attentive ces cantates pour soprano d’un fils de menuisier devenu cantor de Leipzig en 1701. Les deux œuvres principales qui encadrent le programme de ce disque, Weicht ihr Sorgen aus dem Herzen et Und ob die Feinde, sont des cantates de maturité, celle correspondant à sa nomination comme cantor. Elles se distinguent du concert spirituel de la fin du 17e siècle en alternant de manière très découpée airs et récitatifs. Leur germanisme est indéniable, à la fois dans la rigueur harmonique et la retenue lyrique imposée au chant, ainsi que la logique du développement instrumental, plus préoccupé par le contrepoint que par l’effet émotif. Les autres pièces de Kuhnau présentes datent d’avant 1701 et trahissent une influence plus marquée de la musique italienne en vogue. Kuhnau se lia d’amitié avec Vincenzo Albrici, son aîné d’une génération, et bénéficia de ses conseils à ses débuts. Ce qui est particulièrement ironique puisque Kuhnau se fit connaître à l’époque pour avoir écrit un court roman satirique (il était aussi écrivain), Le Charlatan musical, qui dénonçait…. l’italianisme qui imprégnait la musique allemande!

Les courtes cantates en un mouvement Ach Gott, wie lässt du mich verstarren, In te Domine speravi et Bone Jesu, témoignent de cette influence (assumée ou séprouvée?) par la qualité dramatique des lignes vocales, extrêmement touchantes, voire poignantes.

Deux pièces dudit Albrici sont également au programme, soit Omnia quae fecit Deus et Mihi autem bonum est. Grâce, amplitude dramatique, puissance des affects, ces cantates miniatures sont de petits opéras sacrés dignes du meilleur de la sensibilité théâtrale italienne.

Barbara Christina Steude possède un soprano ample et flexible, Jan Katzschke dirige son Concerto con Voce de manière vive et limpide. Une autre très belle réussite de nos amis de CPO.

CPO: 777531-2

Frédéric Cardin

Jazz Nocturne – American Concertos of the Jazz Age

Gary Hammond, piano

Don Vappie, banjo, Tatiana Roitman, piano

Peter Mintun, piano

Michael Gurt, piano, Créole Serenaders

Hot Springs Music Festival Symphony Orchestra

Richard Rosenberg, direction


Le début du 20e siècle aux États-Unis fut propice aux explorations musicales combinant les couleurs particulières du jazz naissant ainsi que de la musique savante européenne. Bien qu’apparaissant plutôt naïves à nos oreilles actuelles, toutes les oeuvres en présence sur ce très sympathique disque sont empreintes d’un charme indéniable et franchement réjouissant.

La première pièce du disque est Yamekraw, A Negro Rhapsody, de James P. Johnson (1894-1955). Fortement tributaire de la Rhapsody in Blue de Gershwin (dont Johnson était un ami), elle fait appel sensiblement aux mêmes effectifs, le piano y jouant le rôle de guide amical nous invitant à parcourir avec lui l’univers musical enjoué et résolument optimiste de la jeunesse jazzistique de l’époque, vêtue de ses plus beaux habits de soirée. On a envie de découvrir d’autres pièces jazz-symphoniques du compositeur, telles que sa Harlem Symphony, sa Symphony in Brown et son Concerto Jazz A-mine. Parions que Naxos pourrait déjà être sur le coup!

Une Suite pour Banjo et Orchestre de Harry Reser (1896-1965) suit immédiatement. Les couleurs utilisées ici renvoient plutôt au folklore américain de type bluegrass (inévitabilité de l’instrument soliste!), mais avec des harmonies plus chromatiques, en particulier dans le premier mouvement, un morceau allant et énergique. Le deuxième mouvement dégage un je-ne-sais-quoi de pastoral bon-enfant, le banjo jouant une mélodie légère et guillerette sur fond d’accompagnement bienveillant des cordes, ce qui donne à l’ensemble un air de promenade dans un pré fleuri. Le troisième mouvement est une sorte de rondo allègre qui conclut avec beaucoup de brillance ce « concerto » de 11 minutes qui ne dit pas son nom. Le soliste Don Vappie convainc par son jeu techniquement impeccable, et une musicalité qui fait honneur à cet instrument trop souvent snobé par l’élite artistique. Il fait la preuve que le banjo est assurément un instrument bourré de ressources expressives!

Deux œuvres de la compositrice Dana Suesse (1909-1987) sont également au programme. D’abord, Jazz Nocturne, pour piano et orchestre, une courte pièce de quelques 4 minutes, résolument accessible et combinant agréablement une mélodie teintée de jazz au piano, et un accompagnement orchestral également somptueux qui aurait eu sa place dans un bal mondain et bourgeois du Nouvel An. Dans un autre ordre d’idée, le Concerto in Three Rhythms est une composition en trois mouvements, un pour chaque « rythme », et correspondant en fait à une structure de musique populaire en vogue à l’époque, soit le Fox-Trot (1er mouvement), le Blues (2e mouvement) et le Rag (3e mouvement). L’inspiration première, encore une fois, est manifestement la Rhapsody in Blue, mais on sent également un sens du coloris (dans le Fox-Trot) et un certain chromatisme harmonique (dans le Blues) qui démontre une familiarité de la compositrice avec l’écriture de Duke Ellington.

Au milieu de ce répertoire nous trouvons, à juste titre, la Rhapsody in Blue, la vraie, dans une version non-abrégée du manuscrit original pour jazz band et orchestre.

Les solistes ainsi que l’orchestre dirigés brillamment par Richard Rosenberg offrent des performances radieuses d’un répertoire trop méconnu. Un disque indispensable pour bien nourrir notre «joie-de-vivre» interne.

Naxos:8559647

Frédéric Cardin