Les
Ballets de Monte-Carlo
Philippe
Guillotel, costumes
Dominique
Drillot, éclairages
Jean-Christophe
Maillot, chorégraphie et direction
Arthaus
Musik 108 035 (Blu-Ray) et 101586 (Dvd)
Le
Songe d’une nuit d’été
de William Shakespeare est une histoire échevelée qu’il est
difficile d’aborder sans trébucher sur ses nombreux pièges, et ce
dans sa version scénique habituelle. Imaginez alors si l’on tente
d’en traduire la trame alambiquée (faite d’êtres féériques,
de Thésée Roi d’Athènes, de trois peuples oscillant dans les
méandres complexes de l’amour, etc.) dans le monde autrement
exigeant de subtilité du ballet!
Heureusement,
Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo,
possède une grande intelligence, et certainement un brin de génie.
Cette
adaptation, qu’il a intitulé simplement Le
Songe, navigue allègrement
dans l’univers fantasque de cette pièce tout en sachant économiser
les effets d’esbrouffe visuelle, évitant ainsi de sombrer dans
l’ostentation frivole, tentation ma foi bien présente dans le
sujet de la pièce elle-même.
Rappelons
les faits : quatre amoureux, dont deux sont contraints à des
mariages forcés, se réfugient dans la forêt des fées, où le roi
et la reine se disputent constamment. S’ajoutent à ces hommes,
femmes et créatures magiques, une troupe d’acteurs amateurs. Le
reste est un feu roulant de propos contradictoires sur l’amour, ses
prémisses et ses conséquences.
Maillot
construit un scénario bien découpé, campant les trois tribus en
présence (les Athéniens, les Fées et les Artisans) de façon
nettement définie, tant par les mouvements, les costumes, et la
musique.
Chacun
possède sa musique. Mendelssohn pour les Athéniens, Daniel Teruggi
et Bertrand Maillot (le frérot) pour les deux autres, beaucoup plus
contemporains (électro-acoustique) et, incidemment, plus
« surnaturels » que les « classiques »
Athéniens.
Ce
chassé-croisé d’intrigues amoureuses, développé sur trois
niveaux de sens, apporte son lot de trivialités rigolotes, de mises
en scène amusantes, de situations incongrues, habilement et joliment
transcrites dans un contexte visuel empreint d’élégance et de
poésie subtile.
Les
décors sont ramenés à une abstraction visuelle qui prend la forme
d’un voile aérien coloré par des éclairages rétroactifs aux
teintes oniriques doucement décalées. D’autres éléments
scéniques et géométriques accentuent l’étrangeté des lieux et
leur déclinaison résolument abstraite et minimaliste.
Maillot
évite l’écueil du voyeurisme et nous laisse quelque peu en
retrait par rapport à l’action et aux émotions des personnages.
Certains y trouveront à redire, y décelant une froideur esthétique
distanciée. Moi, j’ai plutôt été charmé, justement, par cette
harmonie et cette beauté plastique des corps, des mouvements et des
costumes.
La
musique de Mendelssohn est, bien entendu, irrésistible. Elle campe
bien les personnages des Athéniens, rationnels et ordonnés, sans
être limitée à mimer l’action et les mouvements. Elle apporte
aussi une heureuse chaleur à l’ensemble de l’œuvre. Les
partitions de Teruggi et Maillot (le compositeur, pas le chorégraphe)
apportent un contraste parfois tranchant, brusque même, dans la
trame narrative (on saute allègrement d’une partition à l’autre).
On est d’abord surpris par ces interventions acousmatiques
surréelles, surtout après les notes raisonnables de Mendelssohn,
mais on finit par s’y faire et comprendre la démarche du créateur.
Ces pages très contemporaines accompagnent adéquatement l’arrivée
et les élucubrations parfois grotesques des êtres magiques.
En fin
de compte, Le Songe
de Jean-Christophe Maillot est une création audacieuse, fort bien
captée et mise en évidence par ce très beau Blu-Ray de la maison
Arthaus.
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