Turina : Danzas fantasticas; Poema en forma de canciones; Saeta en forma de salve a la virgen de la esperanza; Farruca from « Triptico »; Ritmos; Sinfonia sevillana
Clara Mouriz, mezzo-soprano
BBC Philharmonic
Juanjo Mena, dir.
Chandos: CHAN 10753
Un ami a déjà dit à un jeune homme épris de la musique de César Franck, d’oublier cette voie et de plutôt se concentrer sur les mélodies de son Espagne natale afin de puiser son inspiration. Ce que le jeune compositeur fit. On ne peut que remercier le destin qui a mené à de telles beautés musicales. Ce disque de la maison Chandos nous fait voyager sur les chemins sinueux et parfumés du crépuscule halitueux d’une Hispanie onirique, telle que dessinée par le jeune homme, devenu compositeur, et appelé Joaquin Turina (1882-1949).
Ah oui, l’ami en question s’appelait Isaac Albeniz.
J’adore ces sonorités empreintes d’une fièvre contenue, frémissante de bruissements de feuilles dans les glycines en fleurs sous un soleil déclinant mais chatoyant de pourpres et d’orangés enveloppants.
Les Danzas fantasticas op.22 reflètent à merveille cet esprit et les couleurs évocatrices de l’univers musical hispanique. Chez Turina, une sorte d’impressionnisme côtoie un romantisme appuyé sur le folklore et les modes suggestifs des musiques traditionnelles populaires. On détecte ici une ressemblance évidente avec Chabrier (Espana), là une autre avec de Falla. Le résultat est superbe.
Poema en forma de canciones op.19 fait appel à une mezzo-soprano et évoque l’Andalousie chantée par les artistes populaires, présents dans chaque village. Farruca est à l’origine une danse masculine, mais cette pièce fut composée pour une chanteuse extrêmement célèbre à son époque. Saeta en forma de salve a la virgen de la esperanza fait référence à la vierge protectrice de Séville et, pour une rare fois chez Turina, abandonne les rythmes traditionnels en faveur d’un chant de dévotion poignant.
Ritmos op.43 est une musique composée pour un ballet qui n’a jamais été monté. La suite orchestrale est d’un très bel effet et constitue une sorte de passage des ténèbres vers la lumière. Encore une fois, plusieurs rythmes de danse sont utilisés et le côté générique associé trop souvent aux musiques utilitaires de ce type n’est heureusement pas présent. Turina signe une magnifique partition qui oscille entre Debussy, Puccini, Ravel et, bien sûr, l’Espagne millénaire!
La Sinfonia sevillana op.23 est plus une suite inspirée de la ville natale de Turina qu’une réelle symphonie au sens formel et musicologique du terme. Trois mouvements, sortes de fresques visuelles et sensorielles luxueusement colorées, se suivent : Panorama (regard somptueux et amoureux sur Séville), Por el rio Guadalquivir (évocation romantique du fleuve qui baigne la ville à grand coups d’élans mélodiques et de tendres solos tenus par violons et bois) et Fiesta en San Juan de Aznalfarache (une fête jubilatoire, pleine de fanions, de feux et de sourires) où l’orchestre explose littéralement dans une gerbe lumineuse diaprée de mille teintes.
Je ne peux que vous suggérer le plus passionnément possible de courir vous procurer ce magnifique disque (ou encore de le télécharger!). Il mérite la plus grande attention de tout mélomane qui se respecte.
Frédéric Cardin
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