Shankar:
Symphony
Anoushka
Shankar, sitar
London
Philharmonic Orchestra
David
Murphy, direction
LPO 0060
Ravi
Shankar a collaboré avec les meilleurs musiciens du monde
occidental, ce qui a certainement contribué à populariser la
musique classique indienne de notre côté du globe.
Shankar
n’a jamais véritablement appris la notation musicale européenne.
Mais il a bénéficié de nombreux conseils et de l’aide de
plusieurs musiciens compétents. Il a déjà collaboré avec Philip
Glass, il a composé deux concertos pour sitar et orchestre, et voilà
maintenant qu’à l’âge vénérable de 92 ans, il ajoute à son
corpus une symphonie en bonne et due forme, en quatre mouvements, et
tout et tout.
La
présence du sitar (fort bien joué par sa fille Anoushka) donne à
l’œuvre un caractère concertant très évident. On ne sera pas
surpris que Shankar demeure résolument tonal, voire carrément
romantique, dans sa palette orchestrale (superbement dessinée par
David Murphy). Mais considérant que l’Inde est l’un des derniers
pays majeurs à avoir embrassé l’orchestre symphonique, et la
musique européenne en général (le premier véritable orchestre
symphonique du pays et digne de ce nom a été fondé en 2006!), on
peut comparer cette aventure aux premières esquisses symphoniques de
la Chine vers le milieu du 20e
siècle, ou du Japon et de l’Amérique latine au début du même
siècle.
Le
résultat est immensément coloré, tels les milliers de foulards de
soie éclatant de couleurs primaires d’une petite échoppe de
Delhi. Les 4 mouvements font référence à des styles ou rythmes
issus de la musique classique indienne (un univers d’une richesse
inouïe), mais se marient bien avec les 4 tempéraments habituels
d’une symphonie traditionnelle. Les deux mouvements externes sont
dynamiques, le 2e
mouvement est plutôt lent, et le 3e,
une sorte de court scherzo.
On
retiendra des mélodies résolument accrocheuses, une facture
orchestrale technicolorée tel un habile et heureux mélange de Holly
et Bolly
Wood, et une surprenante et très agréable surprise à la toute fin
de l’œuvre : un chœur qui chante une formule typique des
ragas indiens, rapide et enlevante. Tout un défi pour un chœur
classique!
Dans
quelques décennies, on trouvera tout cela un brin naïf,
probablement. Mais il s’agira tout de même d’un premier jalon
important dans la rencontre inévitable (et totalement souhaitable)
de deux des plus exceptionnelles traditions musicales savantes du
monde, l’indienne et l’européenne.
Frédéric Cardin.
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