Vivaldi:
Orlando furioso
Marie-Nicole
Lemieux (Orlando), contralto
Jennifer
Larmore (Alcina), mezzo-soprano
Veronica
Gangemi (Angelica), soprano
Philippe
Jaroussky (Ruggiero), contreténor
Christian
Senn (Astolfo), baryton
Kristina
Hammarström (Bradamante), mezzo-soprano
Romina
Basso (Medoro), mezzo-soprano
Pierre
Audi, mise en scène
Patrick
Kinmonth, décors et costumes
Choeur
du Théâtre des Champs-Élysées
Ensemble
Matheus
Jean-Christiophe
Spinosi, direction
Naïve
DVD DR 2148
Marie-Nicole
Lemieux est un véritable plaisir à regarder, et à entendre bien
entendu. Cet Orlando
est une magnifique réussite. Grâce à une distribution tout étoile
(Marie-Nicole, on l’a dit, mais aussi Jennifer Larmore, Philippe
Jaroussky et Kristina Hammerström) et à la direction incisive de
Spinosi (quel instrument quand même cet Ensemble Matheus!), cette
production du Théâtre des Champs-Élysées devra tôt ou tard faire
son chemin jusque dans votre lecteur!
On
connaît l’histoire d’Orlando.
Celui-ci arrive sur l’île dominée par la magicienne Alcina, à la
recherche de celle qu’il aime, Angelica. Il est chargé de détruire
Alcina en s’emparant des cendres de Merlin, source du pouvoir
absolu sur cette île. Angelica est cependant amoureuse de Medoro et
celui-ci sous le charme d’Alcina. S’ajoutent à cela les
personnages de Ruggiero (un autre chevalier) et Bradamante (sa
bien-aimée). Les quiproquos engendrés par la magie d’Alcina et
les tribulations amoureuses de tout un chacun finissent par créer
une trame bien emberlificotée, typique des intrigues baroques, mais
sans humour. Tout ici est traité dans un sens dramatique.
C’est
la musique de Vivaldi, glorieuse, qui attache toutes ces
invraisemblances ensemble. C’est pour elle, vraiment, que nous
prenons le temps aujourd’hui de monter, d’enregistrer et
d’écouter cette œuvre qui s’avère magnifique. Malgré deux
siècle d’oubli, c’est bien la partition flamboyante du vénitien
qui nous a convaincu d’y reporter attention. On y entend défiler
une succession d’airs tour à tour spectaculaires et poignants.
Les
solistes sont tous très bons. Marie-Nicole tend à surjouer un peu,
mais on lui pardonne facilement. Après tout, nous sommes dans un
opéra baroque qui parle de magie et de preux chevaliers! La voix est
belle et somptueuse. Jennifer Larmore, dont la voix a un peu vieilli,
semble trouver sa grâce ici dans le personnage d’Alcina. Son large
vibrato, qui m’agaçait autrefois est inscrit dans le tempérament
du personnage, imposant et tempétueux. Philippe Jaroussky possède
l’un des plus beaux instruments vocaux du monde lyrique. Son
Ruggiero est sensible, déterminé, mais parfois fragile aussi.
Kristina Hammerström est une touchante Bradamante.
Jean-Philippe
Spinosi, je l’ai dit, dirige avec diligence et intensité
l’Ensemble Matheus, qui répond à ses moindres inflections avec
une célérité impressionnante.
La mise
en scène constitue l’élément qui risque de faire le moins
l’unanimité. On a campé l’action et les personnages dans une
atmosphère très sombre, décors et costumes comme autant de teintes
de gris, bleu foncé ou beige. Cette « épuration » a ses
avantages : on y perçoit avec plus d’acuité l’émotion des
personnages, peu distraits que nous sommes par une orgie de
baroquismes visuels. Ceci dit, ce genre de production peut très bien
bénéficier d’une mise en scène à « l’authentique ».
La magie de ce genre d’histoire est aussi contenue, en partie du
moins, dans la flamboyance typique de ce que l’on pouvait
probablement voir à cette époque. Je demeure franchement ouvert en
ce qui a trait aux visions des metteurs en scène à l’opéra. Mais
je sais que ce n’est pas au goût de tous et toutes. Alors soyez
avertis qu’Orlando baigne dans un dépouillement suggestif d’une
forme épurée d’intériorité, plutôt que dans une réminiscence
spectaculaire et historiciste.
Quoiqu’il
en soit, cette production vaut absolument le détour!
Frédéric
Cardin
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