Marche d’entrée
des boyards (ca. 1893)
Andante religioso
(1ère mondiale- 1890) (*)
Suite de Mascarade
(1922)
La Mélancolie
(1913) (**)
Symphonie no. 1 en
do mineur (1920)
Marianne Thorsen,
violon (*)
Melina Mandozzi,
violon (**)
Orchestre
phiharmonique de Bergen
Neeme Järvi, chef
Chandos Chan 10584
Durée : 76
min.48
Johan Halvorsen, violoniste virtuose,
arrangeur et chef d’orchestre, fut, avec Sinding, l’un des
compositeurs norvégiens les plus importants de sa génération après
Grieg et Svendsen et faisait partie d’un groupe qui a maintenu la
tradition romantique dans son pays. Manifestant très jeune un
véritable talent, Halvorsen devint à l’âge de quinze ans,
violoniste du Folktheater de Kristiana (aujourd’hui Oslo). En 1885,
il fut promu premier violon de l’Orchestre Harmonien de Bergen,
l’ancêtre de la formation qui figure sur ce disque. En 1899, il
devient chef de cet orchestre et directeur musical du théâtre
national de la ville. À ce titre, sa carrière se développa
considérablement; il dirigeait de la musique scénique surtout
composée par lui (plus d’une trentaine pour des pièces de
théâtre), mais aussi toutes les productions lyriques, les matinées
musicales, les concerts symphoniques et folkloriques jusqu’à sa
retraite en 1929.
En tant que compositeur de musique pour
le théâtre, il s’est établi une réputation fort enviable grâce
à une grande maîtrise des ressources instrumentales (il savait
jouer de presque tous les instuments de l’orchestre), habilement
adaptées aux différents caractères des scènes et des mouvements
de danses. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à écouter comment
il sait rendre l’atmosphère élégante et gaie du cotillon,
menuet, gavotte, passepied, bacchanale mais aussi relever l’aspect
comique, caricatural de la danse grotesque (Molinasque), toutes
tirées de sa suite pour Mascarade. On peut en dire autant de
la Marche d’entrée des boyards, pièce flamboyante qui ouvre
magnifiquement cette série dédiée à l’œuvre orchestrale de
Halvorsen et qui compte parmi ses oeuvres les plus justement
célèbres.
Il était grand temps que l’anthologie
amorcée par Chandos soit entreprise pour sortir Halvorsen de l’oubli
en dehors des pays scandinaves. En complétant le programme par la
première de ses trois symphonies, on sera plus en mesure d’apprécier
l’émulation qu’il a donnée à ce genre à la génération de
compositeurs qui a suivi. Avant lui, Grieg rejetta la seule symphonie
qu’il avait rédigée. Quant à Svendsen (1840-1911), surtout connu
pour ses rapsodies norvégiennes, a laissé deux symphonies qui
procèdent d’un style personnel et caractérisé à la fois par
l’influence du folklore et de la forme classique. Ensuite, Sinding
(1856-1941), fort apprécié de son vivant mais boudé par la suite à
cause des réactionnaires antiromantiques, a laissé quatre
symphonies dont seule la première, composée en 1880 et révisée en
1890, semble la plus réussie.
Avec Halvorsen, le post-romantisme
prend davantage le pas avec un premier mouvement (Allegro non troppo)
ouvrant sans délai sur un thème décidé, grandiose mais dont la
tonalité mineure et le rythme en hémioles viennent donner une
teinte un peu tragique mais tempérée par un deuxième thème
tendre, optimiste et vaillant. Le deuxième mouvement (Andante) est
d’un lyrisme ample et aux textures plus denses. Le scherzo,
débutant sur des accords d’une plénitude sereine, retrouve
légèreté et humour (par ex. : mélodie aux hautbois
accompagnée du tintement de triangle). Le final propose diverses
évocations très prégnantes, telle la mélodie irrésistible de la
clarinette, le thème dramatique de l’Allegro deciso, un passage
d’une suavité toute brahmsienne (à 2 min.27 et à 6 min 52), une
parenthèse surprenante et comique (à 4 min 28), une coda concluant
dans une apothéose triomphante.
Avec cette superbe symphonie, écrite
vers la fin de la cinquantaine, Halvosen démontre une orchestration
brillante (admirablement servie par une prise de son de très grande
qualité) avec des pupitres très habilement utilisés, une conduite
cohérente des thèmes et des développements ainsi qu’une
personnalité sûre, appuyée par la maturité d’un travail
constant. Bref, une très belle découverte qui nous rendra
impatients d’écouter les prochains volumes à plus forte raison
que ce répertoire ne pourrait trouver meilleur ambassadeur que
l’Orchestre philharmonique de Bergen dont l’histoire remonte,
selon les notes du livret, aussi loin que 1765, « ce qui fait
de cet ensemble l’un des plus anciens orchestres du monde » et que
Halvorsen lui-même a dirigé pendant plus de trente ans.
Guy Sauvé
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