Joseph Schwantner: Chasing Light…; Morning’s Embrace; Percussion Concerto
Christopher Lamb, percussions
Nashville Symphony
Giancarlo Guerrero, direction
Naxos 8.559678
La première fois que j’ai entendu le Concerto pour percussions de l’Américain Joseph Schwantner (né en 1943), c’était, il me semble, lors d’un concert d’étudiants de McGill. L’œuvre avait fait une grande impression sur moi. Son modernisme typiquement américain, c’est-à-dire cette façon d’utiliser la dissonance dans un discours général résolument tonal, son usage de rythmes syncopés et pulsatifs de type minimaliste, l’attention portée au déploiement de couleurs picturales, et puis, finalement, son désir manifeste de communiquer émotionnellement et même « visuellement » (de façon cinématique) avec l’auditeur, tout cela , lorsque manipulé par un artiste qui sait éviter les pièges du racolage (ce qui peut facilement arriver dans ce genre de musique), arrive à toucher et même parfois émerveiller l’auditeur attentif. Voilà, à mon avis, la qualité première de ce type de musique.
Le Concerto pour percussions s’articule en trois mouvements séparés. Le premier, marqué Con forza, est très court mais, comme son titre l’indique, très énergique également. Les quelques cinq minutes de ce mouvement présentent des percussions qui propulsent littéralement la partition tel un gigantesque pouls battant. Tom-toms, marimba amplifié, crotales, bongos, etc. servent à caractériser cette pièce enlevante. Le deuxième mouvement, intitulé Misterioso (In Memoriam) est sombre et funeste mais tout de même très accessible. Teintes en clair-obscur empreintes de poésie, caractère tragique du développement, tout cela confirme cette partition comme une page très puissante de la musique contemporaine américaine. Le mouvement lui-même se divise en deux parties, une première appuyée sur un battement sous-jacent empreint d’inéluctabilité (l’obscur) et coloré par des percussions scintillantes (le clair) qui agrémentent l’ensemble de superbes contrastes. La deuxième portion du mouvement lui-même est constituée d’une mélopée élégiaque grave et profondément dramatique jouées aux cordes, peu à peu rejointes par les cuivres et appuyées par les percussions graves comme le bass-drum et les tam-tams, qui agissent tel un cœur battant monumental. Les chatoiements du triangle et autres percussions lumineuses refont surface à la toute fin, dans une ultime tentative pour illuminer ce mouvement ténébreux. Par moments, ce mouvement fait penser à la musique de James Horner pour certaines scènes du film Aliens de 1986. Une qualité, car cette partition est l’une de plus réussie de la musique de cinéma.
Le troisième mouvement, Ritmico con brio, débute en faisant une référence explicite à Mars dans les Planètes de Host. La citation est tellement évidente qu’elle ne peut être un hasard. Ce serait trop bête. Les percussions « naturelles », soit le marimba (amplifié) ainsi qu’une sorte de gourde appelée shekere prennent ici toute la place et agissent comme élément propulseur de toute la partition, qui s’illumine à mesure qu’elle avance grâce à l’intervention des cuivres, interrompus seulement par un épisode de 4 minutes où le soliste improvise librement et finit par guider l’orchestre au complet vers une conclusion explosive et spectaculaire.
L’œuvre suivante au programme s’intitule Morning’s Embrace. Elle est inspirée des levers de soleil admiré par le compositeur dans le New Hampshire rural. Une introduction kaléidoscopique mène à une section animée marquée par les cuivres, les timbales et l’insistance rythmique des cordes. Une section plus contemplative suit afin d’amener l’ensemble à sa conclusion plus scintillante que grandiose.
Le disque se termine avec Chasing Light…, commandée par Ford Made in America. L’œuvre s’inspire elle aussi du New Hampshire rural, ses couleurs et sa vie naturelle. Elle est divisée en quatre parties distinctes. Un sentiment d’urgence effrénée caractérise le premier mouvement Sunrise Ignites Daybreak’s Veil alors que Calliope’s Rainbowed Song (le deuxième mouvement) fait l’effet d’une sérénade pastorale qui n’aurait pas déplu à un certain Aaron Copland. Le troisième mouvement, A Kaleidoscope Blooms rappelle par sa foison de textures et de teintes instrumentales l’éveil d’un pré fleuri vu au niveau presque microscopique. Insectes et créatures rampantes de toutes sortes apparaissent et déambulent, menaçante à prime abord, mais finalement belles et admirables. Le dernier mouvement, intitulé Morning’s Embrace Confronts the Dawn, est la portion la plus lumineuse et optimiste de toute la suite. Encore une fois, l’ombre de Copland plane bienveillamment sur la plume de Schwantner. Et ce n’est pas moi qui s’en plaindra.
Frédéric Cardin.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire