mercredi 28 juin 2017

Zhu Xiao-Mei joue les Suites françaises de Bach. La conquête de la simplicité!



J.S.Bach, Les suites françaises BWV812-817
Zhu Xiao-Mei, piano
Accentus Music:ACC30404, enregistrement mai 2016

C'est difficile pour un artiste d'appliquer une recette à son art. Quand la recherche passe par un travail silencieux d'orfebre, il ne reste qu'applaudir en silence. Zhu Xiao-Mei, est peut être, à mon avis, une des plus grandes interprètes de la musique J.S.Bach. Simplement à l'écoute de ses enregistrements, on se rend compte qu'on est face à un artiste tout particulier. Disons que l’interprète s'efface derrière l'oeuvre. Paradigme du XIX siècle, le rôle de l'instrumentiste reste tout aussi important que celui du compositeur, mais il prend une autre dimension quand le respect du texte est, non seulement une responsabilité, mais une vocation.
Enregistrement essentiel, qui fait le bonheur de l'âme.
«Conquérir la liberté, c'est conquérir la simplicité.» Joan Miró (Interview à Xiao-Mei fait par Michel Mollard.

Philippe Adelfang, juin 2017  

Wagner-Ouvertüren & Vorspiele, Staatskapelle Dresden, Hiroshi Wakasugi

Richard Wagner (1813-1883)
Der Fliegende Holländer, ouverture (version 1860)
Tannhäuser, ouverture
Rienzi, ouverture
Lohengrin, préludes à l'acte I et III
Staastkapelle Dresden, Hiroshi Wakasugi, direction
Enregistrements (Eterna) 1984.

Cet enregistrement est pour les amateurs avertis, c'est certain. Mais ils seront comblés par cette série du label allemand Berlin Classics d'enregistrements historiques pris du riche fond de catalogue d'Eterna.
Entre les grands noms de réputés chefs d'orchestre, je retiens pour cette chronique celui de Hiroshi Wakasugi. Né à New York en 1935, il fera carrière au Japon, après avoir fini ses études à Tokyo et en créant l'Opéra de Chambre de cette même ville en 1968. Wakasugi fera aussi carrière en Allemagne où il sera directeur musical invité de la Staastkapelle de Dresde de 1982 jusqu'à 1991. C'est dans cette période que cet enregistrement a été réalisé.
Le son de ces archives est excellent, et ils nous donnent une preuve éloquente de la qualité artistique du chef et d'un orchestre dont la réputation est immense.
Encore une fois, l'industrie discographique est à la rescousse d'un patrimoine sonore, qui probablement  serait perdu sans la vision de certains producteurs.

Philippe Adelfang, juin 2017

lundi 26 juin 2017

Oeuvres orchestrales de Ferruccio Busoni, Chandos Classics

Ferruccio Busoni, oeuvres orchestrales
John Bradbury, clarinette
Neslon Goerner, piano
BBC Philharmonic, Neeme Järvi direction.
2 CD avec des enregistrements faits en 2002 et 2005 dans la série 2 x 1 de Chandos.
Avec le recul du temps, certains compositeurs finissent par se placer. Le cas de Ferruccio Busoni (1866-1924) est un paradigme. Le compositeur a souvent pris des détours esthétiques tout au long de sa carrière. À l'écoute de ses oeuvres on dirait que plus d'une main a travaillé les partitions, tant la diversité de styles est exposée dans son écriture.
La Suite Orchestrale n°2 op.34A qui ouvre ce CD, représente le style d'écriture en vogue vers la fin du XIX siècle.Composée en 1895 mais révisée en 1902-03 elle se trouve sur la même voie que les poèmes symphoniques de Richard Strauss, ou les premières symphonies de Gustav MahlerL'orchestration est brillante et la musique agréable à écouter, d'ailleurs, on ne comprends pas très bien pourquoi le compositeur l'a relégué au fond du tiroir.
Avec la Berceuse élégiaque op.42 composée en 1909, Busoni se rapproche d'une esthétique plus expressionniste. C'est une oeuvre inspirante, magistralement écrite qui s'inscrit déjà dans un langage propre au XX siècle, celui de l’expressionnisme allemand.
Avec le Concertino pour clarinette et orchestre op.48 écrit en 1918 Busoni prend un chemin plutôt néo-classique en se rapprochant de la deuxième esthétique que Strauss a adopté avec son opéra Ariadne auf Naxos. Le soliste dans cet enregistrement John Bradbury est tout simplement brillant. Offrant un son chaleureux et une technique époustouflante il contribue à faire de celle-ci une version anthologique.
Avec la Sarabande et Cortège tirés de son opéra Doktor Faust de 1918, le langage est à nouveau plus prêt de la Berceuse élégiaque, plus hermétique et proche d'un univers expressionniste.
Avec Tanzwalzer Busoni rend hommage non seulement à Johann Strauss mais aussi à toute une époque qui arrivait à sa fin.L'oeuvre est légère et brillamment orchestrée. Disons plus un jeu qu'un défi de discours.
L'Ouverture de comédie op.38 fut composé en une seule nuit en 1897, et présente un style plutôt classique avec des ingéniosités harmoniques très intéressantes. Disons un Mozart aux portes du XX siècle. Ceci prouve que l'évolution de Busoni n'était pas trop linéaire. Son esthétique changa souvent selon le thème de composition et d'inspiration.
Avec la Fantaisie Indienne op.44 de 1913-14 Busoni nous présente ses impressions de l'univers du “Far west” américain, un peu à l'européenne. Il s'agit d'un espèce de concerto pour piano et orchestre qui fut joué pour la première fois en mars de 1914 avec la Philharmonique de Berlin et le compositeur comme soliste. Notre deuxième soliste Nelson Goerner est absolument magistral, tant dans l'aspect technique comme artistique, rendant les lettres de noblesse à une oeuvre qui devrait être plus souvent jouée, surtout quand les orchestres sont à la recherche d'un répertoire moins connu.
Le chant de la danse des esprits op.47 de 1915 s'inscrit dans la série des élégies orchestrales comme la Berceuse précédente. Oeuvre grave et triste, avec également un thème tiré du folklore  amérindien.
Cette belle ré-édition dans une mouture pratique de 2 CD pour le prix d'un se termine avec la suite de l'opéra Die Brautwahl (Le Choix de la fiancée) écrite en 1912. La suite fut créée en 1913 également par la Philharmonique de Berlin, et nous montre une série de tableaux qui représentent des épisodes différents de cet opéra.
Cet enregistrement nous permet de connaître des oeuvres d'un compositeur qui n'est presque jamais joué aux concerts, mais qui,  à son époque,  jouissait d'une réputation et  d’un  respect énorme. La preuve de ceci ce sont les orchestres de premier rang qui ont souvent assuré la création mondiale de ses oeuvres.
L'Orchestre de la BBC, dirigé brillamment par Neeme Järvi, nous livre des versions remarquables, qui sont déjà une référence dans la discographie pas trop volumineuse de ce compositeur. Un juste hommage à un talent différent et unique dans l'histoire de la musique.

Philippe Adelfang, juin 2017.

samedi 17 juin 2017

Haochen Zhang joue Schumann-Liszt-Janacek-Brahms

Schumann-Liszt-Janacek-Brahms
Haochen Zhang, piano.
Robert Schumann, Kinderszenen op.15
Franz Liszt, Ballade n°2 S.171
Leos Janacek, sonate n°1.X.1905
Johannes Brahms, Drei Intermezzi op.117
BIS-2238, enregistrement février 2016.

Quand Beethoven eut publié les partitions de ses dernières sonates, il savait très bien qu'une époque était en train de s'achever. Processus difficile à mesurer par ses contemporains, mais quelle évidence pour la génération de compositeurs qui lui suivirent. Schumann, Liszt, Chopin et le jeune Brahms ont tous essayé de composer des sonates, mais le seul qui a vraiment su capitaliser le legs beethovénien,c’est Franz Liszt en introduisant la musique à programme aux pièces de piano. Avec cette technique le compositeur n'est plus obligé de dépendre d'une forme pré-établie (sonate) pour articuler sons discours. Petite grande révolution, qui sera suivie par tous les autres. La génialité consiste à prendre un sujet externe qui articule et module le discours, la grammaire et syntaxe musicale.
Dans cette voie, une pléiade d’œuvres, recueils et séries de pièces, presque toutes ayant une forme ternaire, plus simple et mieux adaptée à raconter une histoire, seront écrites et composées par à peu-près tous les compositeurs des générations qui suivirent le maître de Bonn.
Ce récital vraiment inspiré et intimiste que nous offre le jeune pianiste chinois Haochen Zhang (médaille d'or du concours Van Cliburn 2009), est à la mesure des œuvres jouées.

«Cet album renferme des œuvres qui non seulement me parlent d'une manière très intime, mais encore sont-elles reliées l'une à l'autre sur un niveau correspondant d'intimité : dans leur ensemble elles forment une unique narration musicale» Haochen Zhang dixit.

Enregistrement parfait, essentiel, à la hauteur de l'espoir de ce jeune pianiste. On attend avec impatience les autres à venir.

Philippe Adelfang, juin 2017.

samedi 10 juin 2017

Deuxième volume des concertos pour piano et orchestre par Florian Uhlig

Le pianiste allemand Florian Uhlig poursuit son projet d'enregistrement des concertos « français » en présentant ce deuxième volume avec des œuvres connues et d'autres beaucoup moins jouées.
L'enregistrement commence avec le concerto de Ravel (1875-1937) en Ré majeur dit Pour la main gauche. Si la version est un  peu martiale, Uhlig déploie un son époustouflant toujours très rond, et en faisant preuve d'une technique remarquable.
Quel plaisir d'entendre la ballade pour piano et orchestre de Germaine Tailleferre (1892-1983),très peu enregistrée et qui s'enligne dans la tradition française de Debussy, Ravel et D'Indy. Bien qu'elle a des accents modernes, l’œuvre ne perd jamais son repère d'appartenance.
Avec la Fantaisie variée pour piano et orchestre de Nadia Boulanger (1887-1979), on rentre dans un discours plus romantique, disons exotique ou oriental. Des influences de la musique russe sont présentes dans une œuvre tout à fait originale qui mérite d'être plus souvent jouée et enregistrée.
L'enregistrent se fini avec le concerto pour piano et orchestre de Jean Françaix (1912-1997), absolument classique dans sa forme et langage, mais avec des accents de musique disons plus populairesComme une petit brise d'air frais, il nous relaxe et nous transporte dans un monde plus enfantin.
Cet enregistrement nous montre comment la musique pour piano et orchestre composée en France après la Première Guerre Mondiale, était très différente de ce qui ce faisait dans d'autres pays, et en Allemagne plus précisément.
Un petit paragraphe pour parler du très jeune orchestre Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern créé seulement en 2007 avec la fusion des orchestres SR et SWR, dont le son et les couleurs orchestrales sont absolument magnifiques. Tâche pas facile, de jouer un répertoire français où le son doit avoir une personnalité indépendante du discours. L'orchestre est guidé brillamment par le chef espagnol Pablo González, qui assure une cohésion remarquable.

Album SWR19027CD
Enregistrement : novembre 2015

Philippe Adelfang, juin 2017.

lundi 5 juin 2017

Alexandre Kantorow, piano à la russe!

À la russe.
Rachmaninov: sonate n°1 op. 28
Tchaikovsky: deux des 18 morceaux op.72
Stravinsky de l'Oiseau de feu (transcription Guido Agosti)
Tchaikovsky: Scherzo à la russe op. 1 n°1
Balakirev: Islamey op. 18
Alexandre Kantorow, piano.
BIS-2150 enregistrements avril 2016.

Ce deuxième enregistrement d'Alexandre Kantorow pour le label BIS est simplement magnifique. Le répertoire choisi d'une difficulté gigantesque, souligne l’intelligence et les  qualités artistiques et techniques de ce merveilleux pianiste.
Que ce soit dans la vaste première sonate de Rachmaninov, d'une beauté égale à sa difficulté, Kantorow nous livre peut-être une des meilleures interprétations de ces dernières années.
Un autre sommet de cet enregistrement c'est la transcription pour piano solo réalisée par Guido Agosti des trois morceaux de L'Oiseau de feu de Stravinsky, où Kantorow déploie toute son énergie a transformer le piano en un véritable orchestre de couleurs et dynamiques.
Les pièces de Tchaikovsky sont plutôt des moments de répit, comme des haltes entre deux montagnes. L'enregistrement  finit avec une version d'Islamey de Balakirev, qui restera parmi les meilleures pour ce chroniqueur.
Enregistrement formidable, qui témoigne non seulement de la qualité artistique et la virtuosité technique de ce génial pianiste mais aussi la beauté du programme choisi.

Philippe Adelfang, juin 2016.