Camille Saint-Saens; Samson et Dalila, Mon coeur s'ouvre à ta voix. Par Marie-Nicole Lemieux, Contralto
Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon. Luciano Acocella, Direction
Musiques en fête, chorégies Orange 2013
Voici le nouveau CD qui rassemble les plus beaux airs d'opéra que la contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux a enregistré pour Naïve. De Vivaldi à Saint-Saëns, passant par Berlioz et Massenet, cet album recueille des pistes de six enregistrements réalisés entre 2003 et 2012, et qui ont été le fruit d'une collaboration avec des orchestres d'exception comme: Il Complesso Barocco, l'Ensemble Matheus, Les Violons du Roy et l'Orchestre National de France. La meilleur devise pour définir le travail de Marie-Nicole Lemieux: passion.
La voix derrière les masques
par André Tubeuf
Qui êtes-vous, Marie-Nicole ? On vous a entendue
ces quelques dernières années, vue aussi, sous
bien des identités de théâtre, qui sont autant
de masques. C’est comme si au théâtre vous
nous amusiez à changer de robe, de sexe aussi,
vous dérober (en quelque sorte), contrairement
à l’image trop évidente qu’impose votre
présence de scène : une bonne et saine fille,
qui est pleinement là, et s’engage dans ses
larmes comme dans son rire, totalement. Cette
surface éblouit, elle est faite pour ; elle est
poudre aux yeux, le théâtre vit de cela ; mais
vous ne pouviez empêcher qu’à part de cette
surface, qui enchante, une profondeur ne se
devine ; une autre épaisseur humaine.
Vos récitals, les tout premiers déjà, d’emblée faisaient
preuve : ils vous montraient plus nue si l’on
peut dire, réduite à votre voix et aux gestes,
aux effets que la voix permet ; y éclataient la
sensibilité, la tendresse, une couleur d’âme. On
se souvient d’une Frauenliebe de Schumann,
mais aussi de la vision qui vous passait dans
les yeux, chantant Chausson, chantant Lekeu.
Pour nous qui vous suivons depuis le début,
deux images de la Marie-Nicole que nous
aimons le mieux à la fois se disputent, et se
confondent. L’une est dans ses roulades et ses
oripeaux de Rossini, elle y éclate de la joie et
du culot de chanter, à gorge déployée (avec
n’importe quelle couleur de tissu sur elle, et
de décor derrière) ; et une autre dont la
profondeur émotionnelle, immense, semble se
censurer parfois, de peur peut-être qu’ensuite
la joie, la jubilation vocale s’en ressentent. Au
miroir du disque l’alternative disparaît. Plus
de mise en scène, plus d’oripeau. La voix
seulement, son timbre, et le monde d’affects
qu’elle véhicule ; son rire, et sa douleur aussi,
sublimée dans ce legato royal. Les masques
disparaissent, restent les visages de la voix,
ceux que le pouvoir du chant à la fois dépouille
et révèle, et mieux encore si nous fermons les
yeux. C’est à ce voyage qu’invite le disque,
miroir magique de ce qui s’entend en plus, dès
qu’on ne voit plus. Et voici Marie-Nicole là où
elle est le mieux, et à plein : dans sa vérité.
Naïve, 2013.
Naïve V5340, à partir du 24 septembre au Canada.
Ecoutez une extrait ici: http://youtu.be/mxAmmJcKm8s
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