Georg Schumann (1866-1952)
Symphonie en si mineur (1887)
Sérénade pour grand orchestre, op. 34 (1902)
Müncher Rundfunkorchester
Christoph Gedschold, chef
CPO 777464-2
Durée : 73 min.32
Année d’enregistrement : 2009
Distribué au Canada par Naxos
En déposant le cd dans mon lecteur, mon intention originale était juste d’en dégager une première impression globale, sans analyse, seulement pour faire connaissance sommairement avec un compositeur inconnu. Mais dès qu’une trentaine de secondes du mouvement initial de la symphonie ont été entamées, mon attitude a résolument changé et mon attention a été captée jusqu’à la fin du quatrième mouvement sans que j’éprouve entre-temps le besoin d’interrompre l’écoute.
Mon étonnement a été d’autant plus grand quand j’apprenais que cette symphonie sans numéro d’opus a été composée à 18 ans (!) et qu’elle a valu à son très jeune auteur le premier prix parmi les 57 soumissions auprès du jury.
Né d’une famille de musiciens, le grand-père étant maître de chœur et organiste, le père directeur musical de la ville de Königsten (Saxonie), le jeune Georg s’est familiarisé très tôt aux rudiments de l’orchestre. À 16 ans, il entreprend des études au Conservatoire de musique de Leipzig, fondé par Félix Mendelssohn. C’est donc dans cet esprit de fraîcheur et de vivacité mélodique, typique de Mendelssohn, qu’a été conçue cette symphonie. On est presqu’aux antipodes de la massivité post-wagnérienne quoiqu’elle est demeure tout de même riche de l’héritage culturel allemand. On ne parle pas assez de musique « post-mendelsohnienne » comme si certains ne voulaient évoquer son héritage que du bout des lèvres. Je crois pourtant que les héritiers de cette approche esthétique, faite d’élégance, de tempérance et de mesure (apollinienne comme le dirait Nietszche), sont beaucoup plus nombreux en cette fin de 19ème siècle qu’on pourrait le croire. En attendant d’en découvrir davantage, Georg Schumann est certes déjà un des plus beaux fleurons de cet héritage que le monde du disque a porté à notre connaissance.
Pendant les quatre mouvements qui totalisent 43 minutes, on ne peut qu’admirer cette maturité précoce puisque la musique est totalement personnelle (elle n’emprunte aucune citation d’autres compositeurs, ni thème issu du folklore), d’une construction solide (aucun temps mort, une verve soutenue, aucune mièvrerie), une maîtrise orchestrale remarquable témoignant d’un savoir-faire étonnant pour cet âge.
Bien que les commentaires sur cette symphonie mériteraient un plus long développement, la sérénade qui suit, écrite à 36 ans, est encore plus remarquable.
Constituée de cinq mouvements totalisant près d’une demi-heure, nous entrons dans un univers plus intime puisque l’œuvre est basée sur un programme, donc une sorte de poème symphonique, imaginé par le compositeur qui raconte l’histoire de concurrences amoureuses et d’un amant rejeté. Mais attention, on ne se noie pas dans le tragique à la Tchaikovsky. Cette sérénade représente plutôt une série d’humeurs dont le dénouement fait sourire l’observateur.
Les cinq mouvements sont nettement caractérisés et démontrent bien comment l’inspiration venait facilement au compositeur. Dans le premier tableau, on savourera des moments somptueux mais où l’espièglerie se manifeste dans une orchestration tout aussi colorée que chez Richard Strauss. Si vous aimez le Till l’espiègle de celui-ci (1895), vous aimerez certainement ce premier mouvement. Le deuxième mouvement est léger, vivace, coquin, avec des échanges rapides entre les pupitres mais où les bois ont surtout la part belle. Le troisième est la sérénade proprement dit : la harpe accompagne la clarinette étalant une longue mélodie dans un épanchement amoureux lors d’un nuit d’été en plein air, une scène qui me rappelle un tableau du même genre par le peintre Carl Spitzweg. Dans le quatrième mouvement, les bois dominent encore cette fois sur une valse gracieuse. En premier lieu, le hautbois énonce le thème dans une orchestration suave qui évoque Dvorak. Ensuite, la clarinette met son grain de sel dans un élan tout aussi gracieux mais enrobée d’une coloration brahmsienne. Finalement, c’est l’ensemble des vents qui s’approprie le thème en le fragmentant d’un pupitre à l’autre mais avec une habileté confondante. Le dernier mouvement est une tarentelle d’une allure très décidée, presque combative car appuyée par les percussions, alors muettes dans les sections précédentes.
Comme dans la symphonie, tout cela nous repose de certaines extravagances de la musique d’avant-garde de l’époque. C’est une musique d’un goût sûr, d’une écriture experte, d’un humour intelligent, qui n’a nul besoin d’excès pour nous séduire et qui n’est en aucun temps ennuyante surtout qu’elle est interprétée de manière tout à fait convaincante et enregistrée avec un équilibre plus que satisfaisant.
Un site web étant exclusivement consacré à la vie et l’œuvre de Georg Schumann (uniquement en allemand), je décidai de parcourir la liste des œuvres (http://www.georgschumanngesellschaft.de/de_werkverzeichnis.html). Je souhaite donc que CPO nous propose sur un prochain album sa seule symphonique avec numéro d’opus (op. 42 -1905) couplée de son poème symphonique (Im Ringen um ein Ideal – Le Combat pour un idéal) ou peut-être de l’une de ses trois séries de variations symphoniques. J’ai bon espoir que ce projet se réalisera bientôt.
Guy Sauvé
Février 2013