Berlioz :
Les Troyens
Susan
Graham (Didon); Anna Caterina Antonacci (Cassandre/Clio); Renata
Pokupic (Anna); Gregory Kunde (Énée); Ludovic Tézier (Chorèbe);
Nicolas Testée (Panthée); Laurent Naouri (Narbal/Le Grand Prêtre);
Mark Padmore (Iopas); René Schirrer (Priam/Mercure)
Yannis
Kokkos, mise en scène
Patrice
Trottier, éclairage
Monteverdi
Choir
Choeur
du Théâtre du Châtelet
Orchestre
Révolutionnaire et Romantique
Sir
John Eliot Gardiner,
dir.
Opus
Arte OA BD7059 D (2 Blu-ray)
C’est
un casting d’enfer qui donne vie à ces Troyens de Berlioz, un
opéra monumental plutôt casse-gueule. Cette histoire basée sur
l’Énéide de Virgile, qui retrace les racines de la fondation de
Rome à partir de la Guerre de Troie, fait appel à des effectifs
énormes en plus de taxer les chanteurs avec des partitions où
l’endurance des artistes est mise à rude épreuve en plus d’exiger
une technique et une puissance hors norme.
Parlons
d’abord de la mise en scène. Économe, symbolique, impressionnante
mais sans exagération ostentatoire, celle-ci réussit avec beaucoup
de bonheur à traduire le côté grandiose de l’épopée, mais
aussi ses drames humains et personnels particulièrement intenses.
Yannis Kokkos utilise plusieurs artifices de façon très
intelligente, dont un gigantesque miroir surplombant les acteurs et
qui vient troubler la perspective en révélant un regard surélevé
de l’action. Le spectateur se retrouve dans une position de force
et semble regarder, par moments, le déroulement de la tragédie
comme du haut de l’Olympe. Des projections de la mer et
d’apparitions fantômatiques contribuent à une certaine ambiance
irréelle. Les autres éléments importants de l’histoire sont eux
aussi stylisés, mais jamais dans une sorte de version euro-trash
post-moderne trop souvent perpétrée ces dernières années. Kokkos
est plus subtil. Troie apparaît vaguement italienne de la
renaissance, les costumes sont intelligemment calibrés de façon à
suggérer certaines associations contemporaines, mais tout juste. On
prendrait les Grecs pour des GIs américains, les Carthaginois sont
en teintes pâles et indiquent une vague réminiscence de l’Afrique
du Nord actuelle, les vaisseaux de combat sont stylisés, linéarisés.
Tout est fait avec un indéniable sens du bon goût et un refus de
l’hyperbole.
Évidemment,
une belle mise en scène peut jouer un rôle important dans le succès
d’un opéra, mais ce qui compte le plus, c’est la qualité des
chanteurs! Et en ce sens, cette production frappe très fort là où
ça compte!
Susan
Graham est une interprète reconnue du répertoire français, en plus
d’être une excellente actrice. Anna Caterina Antonacci est l’une
des grandes étoiles de la jeune génération, et elle se révèle
ici une tragédienne au grand souffle et à la présence scénique
imposante (ce qui est nécessaire pour son rôle de Cassandre,
longuement présente sur scène). Le ténor américain (Kunde) est
aussi une très belle révélation. Il possède un coffre sonore
ample et velouté. Les rôles plus occasionnels ou même secondaires
n’ont pas à pâlir eux non plus. Imaginez quand vous avez des
Laurent Naouri, Mark Padmore et Ludovic Tézier pour compléter un
casting, et vous aurez vite deviné que ce qui vous est présenté
peut difficilement être qualifié autrement qu’exceptionnel.
Sir John
Eliot Gardiner dirige son orchestre et ses chœurs de main de maître.
Ses tempi et ses textures sont clairs, nets et précis. Gardiner
pousse l’action, sans la bousculer. Il illumine la partition grâce
à sa vision bien connue de la musique ancienne, qu’il applique ici
à une œuvre romantique parmi les plus « lourdes », et
ce d’une façon éminemment convaincante.
Cette
production Blu-ray nous fait presque croire qu’on se trouvait au
Théâtre du Châtelet en 2003.
Frédéric
Cardin
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