lundi 27 août 2012

Théodore Gouvy, symphonies n°1 et n°2 chez CPO.


Gouvy : Symphonies 1 & 2
Deutsche Radio Philharmonie
Saarbrücken Kaiserslautern
Jacques Mercier, dir.
CPO 777 381-2

Théodore Gouvy est une sorte de chaînon manquant entre la musique française et allemande, entre Berlioz et Wagner. Quand on pense à la symphonie française de large envergure, on ne peut éviter d’avoir César Franck comme premier artiste digne de ce nom (à part Berlioz il va de soi, mais d’une manière si personnelle et unique) faisant en France ce que les Teutons réalisaient, eux, depuis plus longtemps de leur côté de la frontière.
Il est ironique, mais peut-être inévitable aussi, que Gouvy eut été un enfant d’Alsace. Cette région ballottée entre deux nations longtemps ennemies, mais si proches à la fois, était probablement le terreau idéal pour qu’une jonction de deux esprits musicaux en apparence si contraires puisse se faire.

Chez Gouvy, en particulier dans ces deux premières symphonies, on retrouve le souffle beethovénien (comme tous les symphonistes du 19e siècle direz-vous!), mais avec un indéniable sens de la ligne et du dessin très précis. On pense aussi beaucoup, beaucoup, à Mendelssohn. Alors, était-ce plutôt Felix qui était un allemand avec un esprit « français »? Aïe aïe aïe, je ne me lancerai pas ici dans le début d’une polémique musicologique!
Il suffit d’écouter la Symphonie no.1, donnée par un ensemble amateur pour la première fois en 1846, mais créée professionnellement en 1847, par un orchestre et dans une salle payés par Gouvy lui-même! Il avait du cran ce jeune homme. Bien sûr, il avait aussi un petit peu de bon sens publicitaire, car il inclua en première partie de la création de son op.9 un concerto pour piano de Beethoven.

La soirée fit sensation. Gouvy s’affirma comme un digne représentant d’une classe à part de créateurs musicaux, ceux qui peuvent revendiquer à juste titre l’héritage du grand Ludwig.
Le premier mouvement indique dès le départ un besoin d’extérioriser une énergie qui ne s’arrête pas aux petites esquisses. De larges traits de cordes sont colorés par l’excitation des bois et l’ampleur des cuivres. Le rythme est puissant et affirmé. Oui, Beethoven a bien fait des petits à l’ouest. Le court Scherzo est quant à lui éminemment mendelssohnien. Le sens de la mélodie alerte n’était certainement pas pour déplaire à ce dernier. Un Andante solennel, mais empreint d’une grande tendresse, apporte une note de réconfort bienvenue dans une trame jusque-là plutôt portée sur l’agitation. Le Finale, rustique et dansant, fait place en son centre à un passage lyrique magnifiquement scandé par les cors et les cordes, pour se terminer de façon grandiose et résolument optimiste.

La Symphonie no.2 op.12 introduit un thème martial et volontaire qui se développe sur près de 10 minutes. Un peu trop peut-être. Le Scherzo produit encore une fois une impression de fébrilité, comme dans l’op.9, mais avec une ampleur musculaire bien plus poussée. Mendelssohn, ici, aurait peut-être senti un courant d’air lui déplacer le toupet! Encore une fois, cependant, Gouvy s’avère un être mélodiste efficace et franchement attrayant. L’Andante qui suit est mélancolique et plutôt évocateur de rêves perdus, remplissant en ce sens un impératif o ne peut plus romantique. Gouvy est un orchestrateur de haut niveau, transformant habilement les lignes de cordes en passages suggestifs pour clarinette, cor, flûte, etc. Superbe. Le mouvement final vibre et imprègne un sentiment d’urgence à l’auditeur, mais sans le laisser dans la crainte d’une virée incohérente vers l’inconnu. On sent Gouvy en plein contrôle de son discours, pointant vers l’inévitable conclusion épanouie, tout en nous faisant passer entre-temps par un chemin panoramique qui ravit le cœur et l’âme de celui qui saura regarder (ou plutôt, écouter!). Ouf. Quel voyage magnifique. Je sais que je réécouterai souvent ces deux œuvres absolument essentielles, désormais, à ma discothèque et à ma connaissance de l’histoire musicale. Je me précipiterai aussi sur les deux autres volumes de la collection, où l’on retrouve les symphonies 3 à 6 du compositeur.

Frédéric Cardin

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