Giuseppe Tartini : Concertos pour violon
I Musici
Salvatore Accardo, violon
Pentatone PTC5186137
Vous aurez deviné en lisant le nom de l’interprète (Salvatore Accardo) que ce disque est une réédition. Il a été enregistré en 1973, mais le travail des ingénieurs de Pentatone est assez remarquable en ce sens que la sonorité d’ensemble est ample et coffrée. On a choisit de privilégier un type de réverbération assez contenu permettant au violon d’Accardo de percer clairement à travers l’accompagnement de l’ensemble I Musici.
En fait, le meilleur indice de la datation de cet enregistrement n’est pas la qualité sonore, mais plutôt le style d’interprétation, poli et soigné, à des années-lumière de l’approche incisive et mordante des ensembles actuels.
Le premier des trois concertos pour violon présentés ici, en la majeur D.96, confirme tout de suite cette impression. L’auditeur faisant cette écoute à l’aveuglette, sans connaître un seul détail de l’enregistrement, se sentira curieusement projeté en arrière dans une sorte de douce réminiscence esthétique, celle d’une époque révolue où la musique baroque semblait encore être un terrain de découvertes mystérieux, injustement inapprécié à sa juste valeur, et encore appréhendé par la plupart des musiciens (excepté quelques jeunes illuminés déjà en avance sur leur temps) à travers la lorgnette déformante du 19e siècle. Ceci dit, on remarquera aisément que, pour l’époque, le jeu d’Accardo et des Musici était déjà relativement informé. Le Concerto en la majeur, donc, amorce le programme en présentant un soliste illuminé de façon brillante par la prise de son ET la remastérisation. Les tempi ne sont jamais accélérés. Au contraire, on sent même une forme de retenue qui ne peut s’expliquer que par la relative « nouveauté » de cette musique en 1973. Bien qu’étant peut-être le plus joué des concertos de Tartini, il n’est pas mon préféré, manquant d’extravagance et de la chaleur méditerranéenne à laquelle on serait en droit de s’attendre d’une œuvre baroque italienne.
Le Concerto en si bémol majeur D.117 commence de façon plus affirmée, et manifeste immédiatement des ambitions expressives plus évidentes. Un Largo souverain prépare le terrain pour un Allegro dans lequel Salvatore Accardo illumine la partition d’un jeu lumineux et inspiré. Le Largo andante central est sensible et élégant à la fois, presque mozartien, alors que l’Allegro final est impérial, empreint d’une noble dignité qui marque notre mémoire par sa très belle construction mélodique.
Le Concerto en sol majeur D.78 met en scène un Allegro initial distingué qui éclaire la fluidité technique du soliste, un Largo andante de forme aria lyrique où Accardo fait chanter son instrument de façon toute italienne et un Presto final qui tient plus de l’allegro ma non troppo (1973 oblige, vous rappellerais-je!) et qui évoque aussi ces interprétations de concertos pour trompette baroques inoubliables enregistrés par Maurice André dans les mêmes années, ou à peu de choses près. Ceux qui les connaissent sauront de quoi je parle. Même son d’ensemble, même type d’attaques sur les temps forts, etc.
En musique populaire, on qualifierait cela de vintage, c’est-à-dire un style musical ou encore d’interprétation musicale dépassé, mais tout à fait typique d’une époque donnée et apprécié en ce sens malgré son apparente désuétude. Un bel exemple, donc, d’interprétation baroque vintage.
CD Pentatone: PTC5186137
Frédéric Cardin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire