Buffalo Philharmonic Orchestra
JoAnn Falletta, direction
Michael Ludwig, violon
Roman Mekilunov, violoncelle
Ya-Fei Chuang, piano
Pouvait-on revenir d’Auschwitz? Oui, car quelques-uns réussirent cet exploit. Bénis de la Providence, ou de la chance, furent-ils! Mais plus extraordinaire encore : peut-on en ressusciter? C’est apparemment le miracle que parvient à réaliser la musique de Marcel Tyberg, compositeur autrichien dont la 2e symphonie fut crée dans les années 30’ par un jeune Rafael Kubelik! L’histoire des manuscrits de Tyberg est édifiante. Peu avant d’être arrêté pour ses origines partiellement juives, puis déporté vers les camps de la mort, Marcel Tyberg confia ses partitions à un ami de longue date, un physicien italien du nom de Milan Mihich. Les manuscrits ont été par la suite légués en héritage au fils de Milan, Enrico, devenu spécialiste au Roswell Park Cancer Institute de Buffalo. Enrico Mihich raconta cette histoire à JoAnn Falletta qui accepta de regarder les partitions, puis de les interpréter.
L’initiative est absolument heureuse. La musique de Tyberg est d’une grande beauté. Le langage est résolument romantique, et offre à l’auditeur attentif des échos plus que satisfaisants de Schumann et de Brahms, avec quelques teintes de Bruckner ici et là. Le 1er mouvement est affirmatif avec son thème héroïque et cuivré, le 2e est un scherzo allègre où la patte schumanienne se fait plus évidente, le 3e est un adagio lyrique et mélancolique somptueusement écrit pour les cordes alors que le 4e et dernier mouvement est un rondo dynamique qui propulse l’auditeur en territoire de robuste espièglerie.
Le Trio en fa majeur fut créé en 1936 et ne porte que très peu la marque de son époque troublée, ni de sa personnalité stylistique. La plume et le canevas utilisés sont éminemment romantiques, encore plus que dans la symphonie. On songe à Schumann, mais aussi à Mendelssohn, avec un lyrisme à fleur de peau qui ramène à l’écriture des nationalistes est-européens et nordiques. Le premier mouvement révèle une mélodie poignante et rhapsodique, qui mérite certainement à elle seule la redécouverte de cette partition. L’adagio central est empreint de tendresse et de nostalgie. Le rondo final, bien qu’allant, est tendu et sombre, ce qui constitue la première manifestation de la conscience que devait avoir le compositeur de l’orage maléfique qui grondait autour de lui en ces années.
Le mélomane découvrira en Marcel Tyberg un mélodiste inspiré et un orchestrateur de premier rang qui sait toucher le cœur et l’esprit. Son esthétique devait paraître archaïque au moment de ces compositions, mais la qualité du savoir-faire qui y est exprimé est indéniable et devrait combler quiconque saura débourser quelques menus dollars pour cette magnifique parution. Merci Naxos.
Naxos 8572236
Frédéric Cardin
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