«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

vendredi 14 octobre 2016

Enregistrement essentiel, majeur et que tout mélomane devrait écouter.

Albert Roussel (1869-1937)
Bacchus et Ariane op.43 suites n°1 et n°2 (1930)
Claude Debussy (1862-1918)
Six épigraphes antiques (1914) (orch.Ansermet 1930)
Francis Poulenc (1899-1963)
Les Biches-suite (1939-1940)
Orchestre de la Suisse Romande
Kazuki Yamada, direction.
Pentatone : PTC5186558 enregistrement octobre 2015

Ce nouvel enregistrement de l'Orchestre de la Suisse Romande sous la baguette du génial Yamada, offre la possibilité de comprendre un aspect que la musique du XX siècle a tenu toujours à cœur. Le rythme est à la musique, ce que l'oxygène est aux corps vivants. Un combustible. Le compositeur moderne à toujours compris, que l'articulation rythmique dans les phrases musicales, c'est quelque chose d'essentiel dans le discours. C'est ce que Yamada comprend aussi. Et c'est ce qui fait que les œuvres sous sa baguette magique, prennent une dimension existentielle.
Dire que les œuvres d'Albert Roussel sont un peu négligées dans la programmation et l'enregistrement des orchestres d'aujourd'hui, c'est une vérité qui devrait changer au fur et à mesure que sa musique est comprise comme un contraste intelligent au discours, disons impressionniste du début du XX siècle dans la scène française. Bien que du point du vue sonore le discours de Roussel et Debussy est, apparemment, semblable, la différence est radicale. Roussel ne construit pas son discours comme Debussy. Pour Roussel la variation et l'évolution des cellules thématiques sont plus essentielles qu'une construction en mosaïque. Ceci c'est déjà toute une différence esthétique entre les deux compositeurs.
La version ici enregistrée de son génial ballet Bacchus et Ariane, en format de suite symphonique de concert, est magistrale. Toutes les nuances de cette musique émouvante sont interprétées de façon à faire ressortir la qualité d'un discours noble et sincère.
Les Six épigraphes antiques de Debussy orchestrés par le génial chef d'orchestre Ernest Ansermet, nous montrent aussi un sommet sonore dont cette orchestre est capable d'atteindre. En imprimant une palette plus ou moins  nuancée, Yamada ressort les couleurs en demie-teinte, que cette partition possède.
Et la fin avec Les Biches de Poulenc, c'est pour moi une espèce de synthèse. Comme il est le plus jeune des trois compositeurs présentés dans cet enregistrement, c'est tout à fait naturel qui vienne à la fin, comme une forme de récapitulation de ce début génial du XX siècle, au moins jusqu'avant la deuxième guerre mondiale.
Enregistrement essentiel, majeur et que tout mélomane devrait écouter.

Philippe Adelfang, octobre 2016.

vendredi 7 octobre 2016

Vincent d'Indy Royal Scottish National Orchestra, émotivité à couper le souffle

Vincent d'Indy (1851-1931)
Symphonie n°2- Souvenirs – Istar – Fervaal
Royal Scottish National Orchestra
Jean-Luc Tingaud
Naxos 8573522, enregistrement juillet 2015.

Wagnérien convaincu, D'Indy joua un rôle clef dans le tournant du XIX siècle au XX en France. Il a permit, avec ses œuvres symphoniques, de placer le milieu musical français d'un pied égal avec la concurrence allemande. D'Indy a été aussi un grand pédagogue, simplement on n'a qu'à repasser la liste des noms de ses élèves, pour réaliser à quel point il a influencé et préparé toute une génération de musiciens : Satie, Roussel, Milhaud et même Cole Porter entre autres.
La Symphonie n°2 en si bémol majeur, est un modèle esthétique de la façon d'écrire de D'Indy. Composé en 1902/03 dédié à Paul Dukas, l'écriture de cette symphonie nous montre le processus de composition par cellules thématiques qui se développent dans les quatres mouvements. Il ne faut pas oublier que D'Indy suivait le système de composition de César Franck où l'oeuvre musicale devrait puiser ses idées à partir d'une seule cellule si possible. Ceci donne effectivement un caractère uniforme avec beaucoup de cohésion dans les divers mouvements.
Des autres pièces qui complètent cet enregistrement, je retiens votre attention à Istar op.42 dédié à la Société des Concerts Ysaÿe, où la palette orchestrale de d'Indy serait à son meilleur, pour colorer des variations symphoniques, d'une ingéniosité sans précédent encore dans la musique d'aujourd'hui. Disons simplement que le thème des variations sera présenté à la fin, coup de génie qui a surpris grandement à l'époque.
L'Orchestre écossaise, et magistralement dirigé par Jean-Luc Tingaud, qui arrive à ressortir une  palette de couleurs époustouflante, en gardant une émotivité à couper le souffle.

Philippe Adelfang, octobre 2016.