«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mardi 30 août 2016

John Dowland Lachrimae or Seven Tears, la couleur de la souffrance.

John Dowland, Lachrimae or Seven Tears
Esemble de violes de gambe Phantasm
Elizabeth Kenny, luth
LINN : CKD527 enregistrement juillet 2015.

La couleur de la souffrance pourrait bien décrire une image associée aux sept pavanes que Dowland écrivit en 1604 pour illustrer une peine. Les sept larmes musicales qui sont versées, surement à cause de sept chagrins, sont suivi d'une série de gaillardes, allemandes et autres pavanes qui décrivent d'une façon remarquable la profonde et complexe émotion que les hommes ont quand ils doivent subir des pertes. On pourrait dire que c'est une musique de la douleur. Simple et profonde comme elle même. Populaire puisque ça touche tout le monde.
L'auteur de cette chronique est un inconditionnel admirateur de ce consort de violes nommé Phantasm. Associés avec le luth d'Elizabeth Kenny, ils assurent la couleur ocre que la partition a besoin. Enregistrement majeur dans leur très riche discographie, il a déjà une place de choix dans la mienne.


Philippe Adelfang, août 2016

samedi 27 août 2016

Franz Schmidt, la richesse d'un empire.

Franz Schmidt (1874-1939)
Variations sur un thème Hussar (1930-1931)
Fantaisie pour piano et orchestre (1899) premier enregistrement mondial.
Chaconne pour orchestre en ré mineur (1931)
Jasminka Stancul, piano
Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz
Alexander Rumpf, direction
Capriccio C5274 enregistrements : mars et avril 2016

On connait  très peu les œuvres de Franz Schmidt, bien que par leurs inspirations et orchestrations, elles mériteraient bien d'être plus souvent dans les programmes de concert. Une chance qu'on a les enregistrements pour les sauver d'un oubli injustifié.
Schmidt fut l'exemple parfait de cette mosaïque artistique et humaine que fut l'empire austro-hongrois d'avant la première guerre mondiale. Nait à Poszony maintenant Bratislava la capital de la Slovaquie, formé au conservatoire de Vienne par Fuchs (composition), Hellmesberger (cello) et Bruckner (harmonie et contrepoint) il mena une double carrière de soliste dans le piano et aussi avec le violoncelle. Il intègrera la Philharmonie de Vienne jusqu'en 1911 et il sera le violoncelle solo de l'Orchestre de la Cour Impériale jusqu'à 1914. Des empêchements de santé et la période politiquement plus instable de l'Autriche d'après la première guerre mondiale feront que Schmidt restera plus concentré dans la composition et l'enseignement jusqu'à la fin de sa vie en 1939. 
Ses œuvres s'inscrivent dans le courant post-romantique, de la fin du XIX et début du XX siècle. Elles sont très bien écrites, et leur riche et lourde orchestration, sont le reflet du sommet que l'orchestre symphonique a eu dans cette période de gloire. 

On n'a qu'à remercier le label Capriccio, de permettre aux artistes de sauver ces œuvres et de les faire connaître au mélomanes du monde entier.

Philippe Adelfang, août 2016

lundi 22 août 2016

Friedrich Gernsheim, le chaînon manquant du romantisme!

Friedrich Gernsheim (1839-1916)
Symphonies n°2 en mi bémol majeur op.46 et n°4 en si bémol majeur op.62
Orchestre Philharmonique de Mainz, Hermann Bäumer, direction.
CPO : 777848-2, enregistrement juillet 2013.

Si parfois, on cherche un troisième nom pour associer à ceux de Brahms et Bruckner comme les grands symphonistes de la deuxième moitié du XIX siècle après Mendelssohn, celui de Gernsheim devrait y être inscrit sans aucun doute. Injustement oublié Gernsheim appartient à un groupe  de talentueux musiciens et compositeurs, que pour diverses raisons, ils ont tombé dans un malheureux oubli de la part des acteurs de la musique classique d'une grande partie du XX siècle. Ce n'est qu'avec le travail des musicologues des deux dernières décennies, que tout un matériel de partitions d'une grande qualité, a fait surface. Évidement, notre nouveau XXI siècle est en train de venir à la rescousse d'une pléiade de musiciens méconnus, agrandissant le répertoire symphonique d'une manière exponentielle. Des éditeurs comme CPO, ce sont vite rendu compte qu'il y avait un vide à combler. Pour des pays comme l'Allemagne, cette tache est une obligation, et quelqu'un doit relever ce défit, et bien sur, il est appuyé en conséquence.
Gernsheim s'inscrit naturellement dans le courant symphonique du romantisme allemand tardif, où aux références plus haut mentionnées, on y devrait ajouter Liszt et les début de Mahler et de Richard Strauss, les deux poids lourd du post-romantisme du début du XX siècle. Mais pour y arriver, les compositeurs comme Gernsheim devaient, prendre comme modèles soit Brahms, ou soit Wagner. Plus que des choix formels, la grande différence était de valeur esthétique. Une grande partie de la littérature musicale de l'époque, a pris soin d'éloigner ces deux compositeurs, étant donné que, comme Schoenberg l'a prouvé dans son génial bouquin Le Style et L'idée, ces différences étaient plutôt artificielles que structurelles du discours harmonique de leur langages. La véritable différence entre ces deux courants réside dans la façon que les compositeurs vont se servir des formes et structures de la musique. Si les choix de Wagner sont toujours en fonction d'un texte, ceux de Brahms vont être en fonction de la musique pure.
Pour les amants de cette période particulière de l'histoire de la musique, Gernsheim représentera ce chaînon manquant entre Brahms et Wagner au XIX siècle ou Strauss et Schoenberg au début du XX siècle, et que grace au XXI siècle et aux aventures éditoriales comme celles de CPO, on est en mesure de mieux comprendre.


Philippe Adelfang, août 2016.

vendredi 19 août 2016

Rhapsody: Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks Denis Matsuev, piano Mariss Jansons, direction. Sublime!

Rhapsody
Emmanuel Chabrier: España
George Gershwin : Rhapsodie in Blue
George Enescu:Rhapsodie Rumaine n°1
Maurice Ravel : Rhapsodie Espagnole
Franz Liszt : Rhapsodie Hongroise n2
Denis Matsuev, piano (Gershwin)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Mariss Jansons, direction.
BR Klassik 900146, enregistrements août,septembre et octobre 2015.

Quel bonheur de pouvoir suivre les concerts des BR à travers ses disques de temps en temps! Parce qu'on est en présence d'une des meilleures formations au monde, voilà, point à la ligne. 
Belle idée de réunir ces pièces, que tout le monde adore, dans un enregistrement plutôt thématique en présentant des rhapsodies. Après une España à couper le souffle, on a le droit à un moment sublime de puissance rythmique dans la pièce de Gershwing magistralement interprétée par un Denis Matsuev en force. Et puis on passe à une rhapsodie d'Enescu éblouissante, pour finir avec un Ravel magique et féérique, et un Liszt plutôt traditionnel mais encore surprenant.
Disque notable, comme seulement les BR et Jansons peuvent nous l'offrir.

Philippe Adelfang août 2016.

dimanche 14 août 2016

Erik Satie œuvres pour piano vol.1.L'effacement volontaire.

Noriko Ogawa joue Satie 
dans un piano Erard 1890 vol.1
BIS-Records BIS-2215, 
enregistrement août et septembre 2015

Erik Satie (1866-1925) était avant tout un voyeur de la Belle Époque. C'était dans son âme. Il a scruté la société de son temps pour en tirer des conclusions musicales. Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde... dira lui même. S'effacer dans la société pour trouver un anonymat bien à lui. Mais Satie a eu du génie, bien qu'on ne lui a presque jamais rendu justice de son vivant. Peut-être il n'a fait que rappeler au monde que rien ne devrait être trop sérieux dans cette vie. Et surtout pas la musique. Parler de sa musique, la jouer ou lire ses commentaires ne font que contredire son postulat esthétique qui prône l'effacement volontaire. Voilà, ma musique est ici, mais moi je ne suis pas là. Je suis ailleurs, où je n'ai jamais existé.
Mme Ogawa, joue avec une élégance voluptueuse, un raffinement existentiel et une sensibilité maîtrisée, sur un instrument malgré lui.


Philippe Adelfang, août 2016

lundi 8 août 2016

Stefano Secco, la souplesse de la perfection!

Crescendo
Stefano Secco, ténor.
Participation du Choeur de Kaunas
Orchestre Symphonique de la ville de Kaunas, Constantine Orbelian, direction.
Delos : DE 3482 enregistrement décembre 2014.

Très bel album du ténor italien Stefano Secco, qui nous est parvenu de l'éditeur Delos. Véritable carte de visite artistique réussie, cet enregistrement nous montre tout le potentiel, la versatilité et la musicalité que ce ténor est capable d'accomplir. Des classiques du répertoire italien, comme E lucevan le stelle ou Una furtiva lagrima, nous sont présentés avec des airs moins connus comme Rachel, quand du Seigneur de l'opéra de Halevy, La Juive, hélas pas trop représenté dans le circuit théâtral contemporain.
La voix de Stefano Secco est puissante, mais d'une agilité et souplesse remarquable. On comprend très bien, ses cours de perfectionnement avec Franco Corelli et Renata Scotto entre autres, où surement il a appris une des chose les plus difficile à saisir, une école ! Et oui, l'art du bel canto avec tout son savoir faire et se secrets a toujours été un art qui se transmettait
de façon oral. C'est pour cette raison, que les classes de maître des grandes voix, sont et le seront toujours, absolument prisées.
Stefano Secco est très bien installé dans le circuit dramatique européen, on lui souhaite que sa carrière suive la même direction qu'il a voulu comme titre de cet merveilleux enregistrement: crescendo.


Philippe Adelfang, août 2016.