«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

mercredi 31 juillet 2013

[Grand Piano GP634] RAFF œuvres pour piano Volume 3



Qu'elle belle opportunité de découvrir le compositeur germano-suisse Joachim Raff, dans sa très belle musique pour piano. Bien interprétée par Tra Nguyen.

Grand Piano: GP634

Nouveautés Naxos de notre cahier d'août 2013

vendredi 19 juillet 2013

Anthony Strong - "Too Darn Hot"




Anthony Strong - piano/vocals
Loz Garrett - bass
Jon Desbruslais - drums
Henry Spencer - trumpet
Nathaniel Cross - trombone
Max Jonson - alto saxophone
Jack Patterson (of Clean Bandit) - tenor saxophone
Dancers: Kandaka Moore and Rhys Dennis


Il chante comme il respire, il joue du piano comme il chante… Une sorte de five o’ clock tea avec un nuage de pur malt. Un EP renversant l’été dernier, juste avant un passage marquant par Marciac et après une première partie de B.B. King au Grand Rex laissant les planches fumantes : le garçon démarre sur des chapeaux de roues.
En 2009, « Guaranteed » s’était limité au public de sa Gracieuse Majesté. Avec « Stepping Out », le garçon débarque sur le Vieux et le Nouveau Continent. Pour les conquérir. Un trio, des cordes, des vents, des standards, des originaux… Ça balance avec le culot de son talent.

Qui est donc Anthony Strong ? Réponses devant un feu de cheminée.
Passeport ?
 
Je suis né à South London, le 29 octobre 1984.
 
Formation artistique ?
 
C’est par le théâtre que je suis arrivé à la musique. Les bienfaits du système éducatif anglo-saxon : trois heures chaque semaine après le collège, avec des cours de comédie, de danse et de chant. Mais j’ai très vite réalisé que l’heure de musique me passionnait et que le reste est un prétexte à côtoyer les filles… Cela m’a permis d’entamer une formation musicale classique. Dans la foulée, je me suis décidé à prendre le train de banlieue chaque semaine pour me rendre à la Purcell School of Music suivre pendant quatre ans une formation de jazz. Et j’ai approfondi le piano à la Guildhall School Of Music de Londres.
Au bout du compte, j’ai suivi des cours de chant de 10 à 16 ans, mais je ne travaille plus avec un coach. Aujourd’hui, j’ai la conviction que mon activité de répétitions, de concerts et de « home sessions » suffit à me maintenir en bonne forme vocale.
 
Rencontre avec le jazz ?
 
Gamin, j’ai joué de plein d’instruments : batterie, voix, clarinette, piano. Sur le répertoire classique. En fait c’est quand le piano de mes grands parents s’est retrouvé dans mon salon que j’ai commencé à m’amuser dessus en reprenant des trucs de comédies musicales que j’entendais à la radio et en essayant de trouver un « son jazz ». Je prenais des cours de piano depuis longtemps, mais c’est uniquement quand j’ai fréquenté le conservatoire, à 17 ans, que j’ai réalisé que l’on pouvait faire carrière dans le jazz. Depuis, le jazz est ma passion et je ne peux plus imaginer vivre sans.
 
Le répertoire de « Stepping Out » : le choix des standards
 
Je voulais retrouver dans l’album un ensemble de titres qui correspondent à ce que je fais en scène et qui soient comme une autodéfinition de ma personnalité artistique. Mais à mes yeux l’arrangement est aussi important que la composition elle-même quand il faut effectuer des choix pour un album. Ma musique brouille les frontières entre pop et jazz, du coup toute la difficulté consiste à trouver une cohérence et une fluidité dans cette ambivalence. Je trouve que le résultat me ressemble vraiment.
Quelques standards ont leur propre histoire, comme Too Darn Hot qui a d’abord été une demande ponctuelle pour une émission de la BBC et qui est  ensuite resté à mon répertoire. Pour Steppin’ Out, c’est mon admiration pour la version de Tony Bennett qui m’a naturellement poussé à l’inclure…
 
Pourquoi y associer des chansons originales ?
 
J’aime bien essayer d’écrire des « nouveaux » standards qui sonneraient « vintage ». J’ai le secret espoir que le public ne puisse faire la différence entre mes propres chansons et les standards…
À côté de l’immense patrimoine de ces morceaux d’anthologie des années 1920 à 50, j’ai la conviction qu’il y a aujourd’hui toute une génération qui écrit des chansons du 21ème siècle dans un registre équivalent. À mes yeux, « nouveau », ne veut pas forcément dire « moderne », sur un plan formel. Je me souviens avoir été souvent impressionné, lorsque j’étais lycéen, par la découverte d’un « nouveau standard ». Je me demandais pourquoi il n’y avait pas davantage de songwriters dans cette tradition. C’est pour ça que j’essaie de relever le défi.
Nous jouons ces compositions sur scène depuis un certain temps à présent et je vois bien les réactions du public, sur place ou sur twitter : ils en redemandent et formulent des titres précis. D’une certaine façon, ce choix répond donc aussi à une « vraie demande »…
 
Le parti-pris de la concision : des chansons court métrage
 
J’aime la légèreté qui fait claquer les doigts ! Plusieurs raisons à cela. Lorsque je suivais ma formation de jazz, mes camarades (et l’institution) attachaient tellement d’importance aux formes contemporaines en vilipendant le reste que je me suis positionné en rébellion contre cette sorte de pensée unique. Non que je rejette le « free » ou les « dissonances », j’en écoute volontiers, mais je crois simplement que la musique n’a pas besoin d’être complexe ou longue pour forcer l’admiration.
J’étais l’un des rares élèves de ma classe à adorer la pop et je me souviens avoir eu alors envie de réaliser un mix pour dépasser l’opposition entre pop et jazz. Je voulais garder mes ingrédients préférés du jazz (l’harmonie, l’improvisation, l’instrumentation) et les associer avec ce qui me touchait dans la pop (l’importance de la voix, la concision de la forme, la prédominance rythmique).
Et puis, il y a le fait que nous vivons dans une société hyper moderne, hyper rapide où toutes les musiques que l’on entend à la radio semblent aussi plus concises. J’imagine que ça a à voir avec l’évolution de notre capacité de concentration. « Relax », « fluide », « plaisir », ce sont mes maîtres mots.
 
Le choix d’interprétation pour les standards
 
La plupart du temps, je m’assieds au piano et je me demande comment je vais en faire « ma » chose ? Comment puis-je l’agencer pour lui donner de la fraicheur ? J’aime bien prendre des libertés avec le rythme et l’harmonie : écrire de nouvelles harmonies sur une vieille mélodie, changer le tempo ou le groove d’un morceau… À chaque fois il s’agit de lui donner une nouvelle vie.
 
La permanence du rythme
 
Comme je suis à la fois chanteur et pianiste, j’aime bien cette sorte de balancement entre l’un et l’autre. J’adore me retrouver « in the pocket », bien installé dans le groove entre basse et batterie. C’est probablement ce qui confère à ma musique cette impression d’évidence rythmique. Mais cette « pulse » est aussi emblématique de la pop et c’est chez moi le signe de cette influence.
 
Le choix des musiciens
 
Je n’ai laissé à personne le soin de faire le casting et je peux vous garantir que ce fut un plaisir ! Pour la basse, c’est un compagnon de longue date, Tom Farmer (du groupe Empirical), tout comme pour la batterie avec Seb De Krom (qui joue aussi avec Jamie Cullum et Buy Barker) dont j’adore le sens du swing. Il y a aussi le guitariste Chris Allard (du Jackie Dankworth Band) et une brochette de solistes incroyables, comme le trompettiste australien James Morrison ou cette légende du sax britannique qu’est Nigel Hitchcock. J’ai pris un pied terrible à enregistrer avec ces gars-là en studio.
 
Cordes ou cuivres ?
 
Je n’ai pas eu envie de choisir. J’ai préféré pouvoir recourir à des palettes sonores différentes. J’ai un faible pour le son des cordes, mais sur les morceaux rapides, les vents sonnent avec davantage de flamme. Sur des ballades, les cordes ont davantage d’onctuosité sans les cuivres et les anches… En définitive, un seul morceau (L.O.V.E) les réunit. Et sur Someone Knows j’ai juste rajouté le sax ténor et la trompette bouchée avec les cordes. Je voulais que le trio piano-basse-batterie soit au cœur du disque, avec des ajouts de textures ici ou là.
 
Les influences
 
Harry Connick Jr. est probablement l’artiste que j’ai le plus écouté quand j’étais lycéen. Je me suis senti en empathie avec sa musique et le son qui l’entourait. Et comment ne pas être marqué par le swing et la leçon de maturité vocale de Frank Sinatra lorsque l’on est chanteur ? Il est tellement cool ! Il m’a marqué au fer rouge. Dans les musiciens qui m’ont influencé, je citerai aussi Bill Evans, Vince Mendoza, Kurt Elling, Stevie Wonder, Mel Tormé, Joni Mitchell, Diana Krall, Burt Bacharach et Chet Baker. Un panel plutôt ouvert…

Naïve: NJ622811 CD ou NJ622861 en vinyle, à partir de septembre au Canada.

mercredi 17 juillet 2013

Yilian Cañizares: Ochumare nouvel album, Septembre 2013 au Canada.



Ce disque vous prend là exactement où vous ne l’attendiez pas. Une charmante jeune fille, enfilée dans une robe de mousseline, qui peut ajuster son archet en même temps qu’elle chante des hymnes ouest-africains. On croit que c’est la joliesse virtuose qui la caractérise. Et puis, en deux secondes fulgurantes, cette diva havanaise installée en suisse, montre ses dents carnassières. Elle traverse d’un bond les mémoires de Chopin, celles de Chucho Valdés, le jazz de New-York, l’audace impérieuse des cérémonies de la Santeria. Rien n’est joli dans cette musique : tout est urgent.
Yilian Cañizares VIOLON & VOIX
Abel Marcel PIANO
David Brito CONTREBASSE
Cyril Regamey BATTERIE & PERCUSSIONS
Naïve NJ623011, à partir de septembre au Canada.


La Collection Naïve | 16 enregistrements exceptionnels à (re)découvrir



La Collection Naïve. 16 CD à partir de septembre au Canada.

Dans l'océan discographique, LA COLLECTION NAÏVE distingue seize enregistrements de référence, par leurs œuvres et leurs interprètes, résistant à l'usure du temps. Seize merveilles, rares et précieuses, à découvrir ou à revisiter.


Vivaldi : Gloria RV589, Dixit Dominus 
Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini

Vivaldi : The Four Seasons
Europa Galante, Fabio Biondi (violin & cond.)

Vivaldi : Nisi Dominus, Stabat Mater
Philippe Jaroussky, Marie-Nicole Lemieux
Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi

El Cant de la Sibil-la
Monserrat Figueras
La Capella Reial de Catalunya, Jordi Savall 

Schubert : Arpeggione Sonata, Lieder
Anne Gastinel (cello), Claire Désert (piano)

Schoenberg : Transfigured night
Arditti String Quartet

Mozart : Quintet with clarinet, 'Les Quilles' trio
Quatuor Mosaïques

Pergolesi, Scarlatti : Stabat Mater 
Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini

Haydn : Symphonies nos. 102, 103, 104
Les Musiciens du Louvre Grenoble, Marc Minkowski

Handel : Opera seria
Sandrine Piau (soprano)
Les Talens Lyriques, Christophe Rousset

Chopin : Préludes
Grigory Sokolov (piano)

Brahms : Ein Deutsches Requiem [London version]
Sandrine Piau, Stéphane Degout, Brigitte Engerer, Boris Berezovsky
Accentus, Laurence Equilbey

Bach : Goldberg variations
Pierre Hantaï (harpsichord)

Bach : Brandenburg Concertos [highlights]
Concerto italiano, Rinaldo Alessandrini

Bach : Cantatas BWV 49, 115, 180 
Andreas Scholl, Barbara Schlick, Christoph Prégardien
Ensemble Baroque de Limoges, Christophe Coin

Allegri : Miserere
A Sei Voci



cid:image002.jpg@01CE6516.6490A510


Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg, dvd live du Deutsche Oper Berlin.




Richard Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg

Eva Johansson, Wolfgang Brendel, Gösta Winbergh, Ivan Sardi, Orchestra Of The Deutsche Oper Berlin

Conductor: Rafael Frühbeck de Burgosa
Director: Götz Friedrich


À partir de septembre au Canada


Nouveaux Don Giovanni sous la direction de Langrée et la mise en scène de Tcherniakov chez Bel-Air.



Un nouveau "Don Giovanni" à Aix par le metteur en scène russe Dmitri Tcherniakov et le chef d'orchestre Louis Langrée en DVD et Blu-ray.
  
À partir de septembre au Canada

L'opéra de Rossini Cyrus à Babylone au festival de Pesaro chez Opus Arte.






Ciro: Ewa Podles
Amira: Jessica Pratt
Baldassare: Michael Spyres
Zambri: Mirco Palazzi
Argene: Carmen Romeu
Arbace: Robert McPherson
Daniello: Raffaele Costantini

Orchestra and Chorus of the Teatro Comunale di Bologna

Conductor: Will Crutchfield
Director: Davide Livermore

Recorded live at the Rossini Opera Festival, Pesaro, August 2012

À partir de septembre au Canada,

vendredi 12 juillet 2013

Nouveautés Naxos du cahier de juillet 2013


Date de sortie de ces disques 30 juillet 2013.

samedi 6 juillet 2013

Henri Rabaud: Symphonie no.2; La procession nocturne; Églogue




Henri Rabaud: Symphonie no.2; La procession nocturne; Églogue
Orchestre philharmonique de Sofia
Nicolas Couton, dir.
Timpani: 1C1197

Le Français Henri Rabaud est né en 1873 et mort en 1949. On a malheureusement largement oublié sa contribution musicale aujourd’hui, sauf peut-être pour son opéra Mârouf, savetier du Caire, occasionnellement (très occasionnellement) présenté, ou à tout le moins quelques extraits.

Il reste qu’il fut un créateur respecté, et c’est tout à l’honneur de la maison Timpani, spécialiste de la redécouverte du riche passé musical du tournant du 20e siècle, d’oser enregistrer l’opulente Deuxième symphonie de ce compositeur inspiré aussi bien par Beethoven et Saint-Saëns que par Wagner.

Il s’illustra dans la plupart des genres musicaux de son époque, en particulier ceux impliquant de larges effectifs orchestraux, comme l’opéra et, bien sûr, la symphonie. Il composa également quelques musiques de films, Le miracle des loups (1924) et Le joueur d’échecs (1926).

Il succéda à Gabriel Fauré comme directeur du Conservatoire. La fin de sa carrière académique se pare d’une tache sombre: sous le régime de Vichy, soumis à l’occupant nazi, il constitua un fichier dans lequel les antécédents raciaux des élèves du Conservatoire étaient détaillés.

La Deuxième symphonie en mi mineur op.5 fut créée en 1899, à une époque de grand renouveau dans le domaine de la symphonie française, grâce à la multiplication de chefs-d’œuvre comme ceux de Saint-Saëns, Franck, Dukas, Ropartz, Chausson, etc. Elle s’inscrit tout à fait dans cette lignée, façonnée à la fois par une certaine rigueur formelle héritée de Beethoven, et par un souffle expansif issu du modernisme wagnérien.

Il faut cependant dire que l’esprit général de la symphonie est moins wagnérien que l’on pourrait croire, en particulier dans la facture harmonique, beaucoup moins chromatique que celle du roi de Bayreuth. Cela confère à l’opus 5 de Rabaud un caractère attrayant, plus pictural que psychanalytique, malgré deux mouvements externes assez dramatiques.

En effet, le premier mouvement, qui s’amorce sur une déclaration tonitruante et imposante des cuivres, conserve une dimension tempétueuse entrecoupée d’accalmies introspectives qui permettent à Rabaud de s’illustrer dans le dessin subtil de lignes solistes. Il y a quelque chose de nordique, d’une sorte de panorama majestueux de terres à la fois belles et rudes d’une pureté sauvage, qui se dégage de cette introduction franchement impressionnante.
Le 2e mouvement, un Andante lyrique et poignant, est une réussite et un bel exemple de Romantisme charnu et somptueux. Magnifiques soli de hautbois et de clarinette.
Le 3e mouvement s’éloigne du caractère expansif du reste de l’œuvre. Marqué allegro vivace, c’est un scherzo plein de pétillance qui me rappelle la manière russe si séduisante et lumineuse de certaines pièces de Rimski-Korsakov, Kallinikov ou Glière. C’est un mouvement résolument souriant, plein de naïveté, qui pourrait accompagner une scène pastorale de joyeuses danses paysannes.
Le 4e mouvement reprend l’allure orageuse du premier, avec plus d’insistance, mais nous amène à une finale panoramique digne de la Symphonie alpestre de Richard Strauss. Absolument splendide et inspirant! Si vous ne connaissiez pas Rabaud, et encore moins cette magnifique symphonie, je ne peux que vous inviter avec la plus grande conviction à en faire la connaissance.

Deux autres œuvres sont au programme du disque. D’abord, La procession nocturne, superbe fresque basée sur le Faust de Nikolaus Lenau, où le protagoniste maudit par son pacte diabolique est témoin d’une procession religieuse imbibée d’une luminosité angélique, ce qui le subjugue autant que le perturbe grandement. La beauté de cette pièce mérite d’être entendue dans chaque salle de concert digne de ce nom.
Finalement, l’Églogue, courte pièce franchement debussyste et pastorale (Le Prélude à l’après-midi d’un faune n’est vraiment pas loin!), inspirée d’un extrait des Bucoliques de Virgile, impressionne par le charme et la délicatesse ravissants de son orchestration. En voici le texte :

« Toi Tityre assis sous les ombrages d’un hêtre feuillu, tu improvises un air champêtre sur ton chalumeau… et l’ombre des hauts monts se répand sur la plaine. »

La qualité supérieure de cette musique injustement oubliée est égalée par la finesse et la conviction de la direction du jeune chef Nicolas Couton aux commandes de l’orchestre de la capitale bulgare. On ne saurait espérer meilleure lecture pour un répertoire qui mérite toute notre attention, et ce dans les plus parfaites conditions. C’est ce que Timpani offre à Henri Rabaud. Bravo et merci!

Frédéric Cardin