«Chaque artiste crée ses précurseurs. Son travail modifie notre conception du passé autant que celle du futur». Jorge Luis Borges

samedi 26 janvier 2013

Alexis Weissenberg au festival de Salzbourg de 1972 chez Orfeo.

À mon humble savoir il existe deux types d'artistes, non seulement en musique, mais également dans d'autres arts. 

Certains artistes sont comme de fidèles gardiens du texte (partition), et leur soucis est d'en faire une lecture aussi précise que possible. 


Mais une autre catégorie d'artistes essaye, tout en respectant l'oeuvre, de donner tout son potentiel à une partition en concert. Evidemment ceci est une tache bien plus difficile, techniquement et intellectuellement, mais je pense que c'est le plus grand apport que peut offrir un artiste à son art.
Je considère le pianiste Alexis Weissenberg dans cette deuxième catégorie, et ce disque en est un beau témoignage.

Grâce à la maison de disque Orfeo, voici des enregistrements réalisés pendant le prestigieux festival de Salzbourg, où tous les plus grands artistes se donnent rendez-vous, pour le plaisir des mélomanes.

Enregistré en 1972 ce récital peut être considéré comme un sommet du festival. Le programme et un marathon: plus d'une heure et demie de musique avec Le Tombeau de Couperin de Ravel, suivi de la très difficile fantaisie en do op 17 de Schumann. Comme deuxième partie une des plus belles versions que j'ai écouté des Tableaux d'une Exposition de Mussorgsky, et des bis qui pourraient   faire partie d'un autre programme: Nocturne op. posthume de Chopin, Valse-Impromptu de Liszt, la Rhapsodies en sol mineur de Brahms, une étude de Moszkowski, et pour finir le choral de "Jesu meine Freude" de Bach.

Des documents sonores comme ceux-ci, sont très importants, pour garder une espèce de mémoire musicale de l’interprétation, et permettre aux jeunes artistes de trouver des modèles artistiques de premier niveau.

Merci Orfeo!

Orfeo: ORF-C869122B à partir du 29 janvier 2013 au Canada.

Philippe Adelfang.

dimanche 13 janvier 2013

Les Motets de Bach par le choeur de chambre Stuttgart, chez Carus.


Notre disque de la semaine est sans aucun doute l'album des Motets de Bach dans l’interprétation du Choeur de chambre de Stuttgart sous la direction de Frieder Bernius, édité par le label Carus. Si vous ne connaissez pas cet ensemble choral, je vous  recommande de les écouter. Ils ont déjà fait une intégrale des oeuvre chorales de Mendelssohn CV83298, qui figure comme une référence dans le marché.

La force de leur version réside dans leurs qualités vocales au service du texte. Tel était le choix de Bach lui même: essayer de dépouiller tout ce qui serait artificiel et  viendrait  interférer avec le texte qui était la genèse et la base de l'oeuvre. C'était la révolution soutenue par Bach , un héritage "monteverdien" si l'on peu dire. Comme son illustre prédécesseur, Bach fut un révolutionnaire dans la musique. 

En général le motet allemand se caractérise par son exécution a capella, en opposition au motets français et italiens qui sont plus dans un style concertant. Mais ces oeuvres de Bach font souvent  appel à des instrumentistes qui jouent "colla parte".

Singet dem Herrn ein neues Lied BWV225 (Chantez à Yahvé un chant nouveau.) pour double choeur mixte. C' était un des préféré de Mozart. Et oui, le grand Mozart connaissait les oeuvres de Bach et appréciait le génie de son prédécesseur. Il en tirera des leçons pour ses oeuvres chorales et religieuses, en particulier son requiem.

Der Geist hilft Schwachheit auf BWV 226 (L'Esprit vient au secours de notre faiblesse), a été écrit pour les funérailles du recteur de la Thomasschule, Johann Heinrich Ernesti. La partition fait intervenir des instruments comme doublure, ce qui était considéré comme une infraction au règlement en vigueur pour les cérémonies funèbres.

Jesu, meine Freude BWV 227 (Jésus, ma joie), oeuvre centrale du disque, espèce de mini passion, sa grandeur réside dans l' équilibre parfait entre les strophes de Johan Franck et les versets de l’Épître de Saint-Paul.

Fürchte dich nicht BWV 228 (Ne crains rien, je suis près de toi.) ce motet à huit voix a été réalisé selon la technique vénitienne de l'écho.

Komm, Jesu, komm BWV 229 (Viens Jésus, viens!) On ne sait pour qui et quand ce motet fut composé, mais Bach n'a pas été le seul musicien à avoir mis ce texte en musique.

Lobet den Herrn, alle Heiden BWV 230 (Louez Yahvé, tous les peuples.) ce motet a une partie d'orgue unique et indépendante de la basse. On ignore aussi sa destination.

Un disque excellent, tant par les qualités des voix, que par le souci de l'interprétation. Un sommet sans aucune doute dans la discographie.

SACD Carus: CV83298.

Philippe Adelfang.

dimanche 6 janvier 2013

Quatuors à cordes de Dvorák par le Quatuor Vogler vol.1 chez CPO

Quatuors à cordes de Dvorák par le Quatuor Vogler vol.1

Quatuor Vogler
Oliver Triendl, Harmonium (op.47).
Enregistré en 2010 à Berlin.
2CD CPO: 777624-2

«Ce bonhomme a plus d’idées dans sa tête que nous tous ensemble. N'importe quel autre compositeur trouverait ses thèmes principaux dans les mélodies qu'il a rejeté» Johannes Brahms, parlant de Dvorák à ses amis musiciens.

Voici le premier volet d'une intégrale entre le Quatuor Vogler et la maison allemande CPO pour enregistrer les quatuors du maître tchèque.

En général il y a deux sortes de compositeurs, ceux qui révolutionnent les formes, comme Montéverdi, Bach (dans la fugue), Beethoven, Liszt, etc. et ceux qui sans faire un changement radical, les utilisent pour développer leur art. Dans ce deuxième groupe je mettrais volontiers Brahms et son ami Dvorák.

Quatuor op.96 dit "américain" (1893) sans doute la partition de chambre la plus célèbre du compositeur, écrite en 16 jours seulement,  un vrai miracle d'inspiration, de talent et pourquoi pas, d'équilibre structurel. Écrite pendant un séjour du compositeur à Spilville dans le Iowa, où le maître trouva la tranquillité et le contact avec la nature, indispensable à tout compositeur romantique.

Les Cyprès: il s'agit de transcriptions d'un recueil de mélodies de jeunesse (1865), pour quatuor à cordes. Dans cette version on a le droit à  7 mélodies des 12 transcriptions réalisées.

Bagatelles op.47 (1878): elles furent écrites après le succès des Danses Slaves, pour 2 violons, violoncelle et un harmonium à la place de l'alto.Ce sont des pièces de circonstance ou l'on apprécie tout le génie du compositeur dans la petite forme.

Quatuor op. 51 en mi bémol majeur (1878-1879), créé à Berlin par le Quatuor Joachim en 1879. Il a une couleur très slave, avec ses dumkas et ses polkas parsemés de furiants par-ci et par-là. Le dernier mouvement est une skocna "sauteuse" dans un pur style haydnien.

Quatuor op.34 en ré mineur: écrit en 1877 en l'espace de quelques jours seulement, après la disparition de sa seconde fille et de son premier garçon! Il fut dédié à Brahms qui en recommanda sa publication chez l'éditeur Simrock, mais ce fut finalement la maison Schlesinger qui le publia en 1880. À retenir, l'adagio central placé comme troisième mouvement, où toute l`intensité dramatique se fait sentir.

Un petit paragraphe pour le Quatuor Vogler, excellent dans ce disque. Leur jeux, toujours sensible, traduit de façon précise et sentie, toute cette musique exceptionnelle, qui forme sans doute un corpus indispensable dans la musique de chambre du XIX siècle. Bravo pour le Quatuor Vogler et bravo pour CPO!

CPO 2Cd:  777642-2.

Philippe Adelfang.